Israël: Protestations de masse des immigrés et des demandeurs d’asile

Refugié africain Israel

Des dizaines de milliers de demandeurs d’asile africains ont défilé dimanche jusqu’à la Place Yitzhak Rabin à Tel Aviv pour protester contre les mesures entravant leur liberté de mouvement, leur droit à travailler et de longs retards dans le traitement de leurs demandes d’asile.

Quelque 300 demandeurs d’asile ont organisé une manifestation devant le ministère de l’Intérieur de la ville portuaire d’Eilat au bord de la Mer Rouge dans le sud du pays.

Ils revendiquent le statut officiel de réfugiés politiques et la fin de la politique du gouvernement consistant à les garder pendant de longues périodes dans le nouveau centre de détention de Holot dans le désert du Néguev.

En même temps que d’organiser des protestations publiques, les demandeurs d’asile ont entamé une grève de trois jours sur leur lieu de travail, dans les restaurants, les hôtels et partout ailleurs dans le pays.

Lundi, ils ont manifesté, avec des Israéliens qui les soutiennent, devant les ambassades et les missions diplomatiques de l’Union européenne, de la France, du Canada, de la Suède, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Union africaine et du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Le rassemblement de loin le plus important avec des milliers d’immigrés s’est déroulé devant l’ambassade des Etats-Unis dans le centre-ville de Tel Aviv. Ils scandaient, « Nous sommes tous des réfugiés » et « Oui à la liberté, non à la prison ! »

Les manifestants ont exigé que les gouvernements étrangers fassent pression sur Israël pour qu’il les reconnaisse comme réfugiés, cesse de les interpeller et libère ceux qui sont détenus. Ils ont publié une déclaration appelant le monde entier « à nous aider face à la politique cruelle d’Israël à notre égard, » en ajoutant, « Nous demandons à la communauté internationale de soutenir notre lutte contre les violations des droits de l’homme de la part d’Israël. »

Le mois dernier, 250 immigrés avaient quitté Holot pour organiser un sit-in à Jérusalem et protester contre les nouveaux règlements les gardant jusqu’à un an dans le centre de détention. Cela avait entraîné l’arrestation de centaines d’immigrés.

En vertu de la loi israélienne, il est interdit aux immigrés de travailler tant qu’ils ne sont pas enregistrés comme demandeurs d’asile. Ce qui leur est pratiquement impossible. En effet, selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés, alors que le taux de reconnaissance national moyen des demandeurs d’asile est de 39 pour cent, en Israël ce taux est inférieur à 1 pour cent. En Israël, la plupart des demandeurs d’asile sont des Erythréens et des Soudanais qui connaissent un taux de reconnaissance international moyen de 84 pour cent et de 64 pour cent respectivement.

Il y a environ 60.000 demandeurs d’asile africains, dont la plupart fuient la guerre civile et la répression en Erythrée et au Soudan et qui depuis 2006 franchissent la frontière entre Israël et l’Egypte. Ils vivent généralement aux côtés des Israéliens pauvres dans les banlieues défavorisées au sud de Tel Aviv. Nombre d’entre eux vivent dans des cabanes fabriquées en bois de cageots, dans des baraques et autres logements de fortune sans accès aux droits fondamentaux et sont traités comme des criminels par la police.

Le premier ministre Benjamin Netanyhu a déclaré que pour la vaste majorité il ne s’agissait « pas des réfugiés » mais de « migrants économiques » qui étaient passés illégalement en Israël avant que ne soit renforcée la frontière avec l’Egypte. « Toute la rigueur de la loi » sera employée pour garantir qu’ils ne restent pas, a-t-il dit. « Aucune manifestation, ni aucune grève n’y changera rien. »

Netanyahu a ajouté que 2.600 « infiltrés » avaient été expulsés en 2013, soit six fois plus qu’en 2012 et que ce nombre augmenterait en 2014.

L’ancien ministre de l’Intérieur, Eli Yishai du Parti Shas qui était responsable de la décision de construire Holot, a dit que l’ampleur des protestations des immigrés à Tel Aviv soulignait la nécessité d’appliquer rigoureusement la loi exigeant leur rapatriement parce que Tel Aviv était devenue « une ville africaine. »

De nouveaux amendements à la loi anti-infiltration d’Israël votée le mois dernier permettent aux autorités de détenir jusqu’à un an sans procès légal des gens qui ne sont pas en possession d’un visa valide. Seuls ceux considérés comme des réfugiés de guerre seraient autorisés à rester.

C’est à cette fin qu’Israël a mis en place, dans le désert du Néguev près de la frontière entre Israël et l’Egypte, le centre de détention de Holot, le plus grand du monde, pour remplacer la prison Saharonim où les immigrés étaient détenus auparavant. Il y a trois semaines, le gouvernement a transféré 483 immigrés africains venant d’autres prisons vers Holot. La semaine passée, il a commencé à ordonner à d’autres immigrés originaires d’Erythrée et du Soudan de se présenter à Holot dans les 30 jours sous peine d’emprisonnement.

Le centre de détention de Holot est géré par l’administration pénitentiaire et est désigné comme une prison ouverte. Les détenus n’ont pas la permission de travailler et doivent se présenter à l’appel trois fois par jour. Les gens y croupissent sans travail et sans faire d’études, et en violation de la convention de 1951 des Nations unies relative au statut des réfugiés dont Israël est un signataire. La convention stipule que le pays où arrive un réfugié est responsable de son bien-être, de sa santé et de ses droits. Ces droits incluent la liberté de mouvement, la délivrance de papiers et le droit au travail.

Un Erythréen a posé la question au journal Ha’aretz, « Pourquoi les autorités appellent-elles Holot une ‘prison ouverte’ si elle se trouve dans le désert, loin de toute ville et gérée par l’administration pénitentiaire, … Des réfugiés nous appellent de la prison, en se plaignant de n’avoir pas de liberté. Ces dernières semaines, de nombreux réfugiés ont été poursuivis dans la rue par les autorités israéliennes. Nous avons peur de sortir de chez nous. »

Nombre de travailleurs sont confrontés à la discrimination raciste et sont brutalement exploités par les employeurs. Le ministère du Travail ferme les yeux là-dessus et les syndicats ne font rien. Après l’intifada palestinienne de 1988, lorsque le gouvernement avait limité le nombre de permis de travail pour les Palestiniens vivant dans les territoires occupés, il avait d’abord recouru à une main-d’œuvre étrangère bon marché. Actuellement, il affiche l’une des proportions les plus fortes de travailleurs migrants dans le monde en totalisant quelque 300.000 personnes soit 10 pour cent de la main-d’œuvre.

Selon la ligne téléphonique d’urgence, Israël a fait pression sur des centaines d’immigrés emprisonnés pour qu’ils acceptent de l’argent et quittent le pays. Plus d’une dizaine ont accepté. Une étude réalisée par la Coalition pour mettre fin à la détention des enfants (End Child Detention Coalition) a constaté que 83 pour cent des enfants et des parents immigrés détenus présentent des symptômes post-traumatiques.

En août dernier, Israël aurait conclu un accord avec un « pays tiers » où seraient envoyés les immigrés africains qu’Israël considèrent comme des « infiltrés illégaux ». Le pays est supposé être l’Ouganda bien que le gouvernement ougandais démente tout accord. Etant donné que l’Ouganda a rapatrié d’autres réfugiés dans leur pays d’origine, les demandeurs d’asile en Israël pourraient finir par être déportés vers les pays qu’ils avaient fuis.

Israël a refusé d’instaurer une loi relative à l’asile parce que ceci signifierait accueillir des dizaines de milliers de réfugiés non juifs – menaçant ainsi le « caractère juif de l’Etat » sur lequel est fondée la politique sioniste. Selon des groupes de défense des droits humains, depuis qu’Israël a été établi en 1948, il a reconnu moins de 200 personnes comme réfugiés.

Ceci conduirait également à de nouvelles demandes de retour de Palestiniens et de leurs descendants qui avaient fui ou qui avaient été contraints de quitter leur maison lors des guerres de 1948 et 1967. Toutes les réglementations concernant les travailleurs et les réfugiés immigrés relèvent de la discrétion du ministre de l’Intérieur.

La représentante du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) en Israël a publié un communiqué de presse exceptionnel, Les nouvelles lois et la politique d’Israël ne correspondent pas à l’esprit de la Convention sur les Réfugiés de 1951, critiquant Israël et appelant le gouvernement à envisager des alternatives à son actuelle politique d’« entreposage » des immigrés. La représentante, Walpurga Englbrecht, a dit, « Je suis particulièrement préoccupée par la finalité de la structure d’hébergement soi-disant ‘ouverte’ de Holot qui, dans sa forme actuelle et malgré sa désignation d’établissement ‘ouvert’, semblerait fonctionner comme un centre de détention d’où il n’y a pas de libération possible. Cela signifie, dans les faits, une détention indéfinie. »

Jean Shaoul

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