Le Bitcoin, une opportunité de contournement du franc CFA ?

Bitcoins

1. Rappel sur le fonctionnement monétaire actuel et les principaux problèmes que pose ce fonctionnement

La monnaie telle que nous la connaissons aujourd’hui est un titre de créance par lequel l’émetteur de cette monnaie promet de remettre l’équivalent en biens réels, du montant indiqué sur ce titre. Suite à la guerre de 1939-1945 entre les occidentaux principalement, le dollar est devenu la principale devise d’échange international. Les accords prévoyaient que le dollar à son tour soit adossé sur l’or. Ce qui signifiait que n’importe quel état pouvait demander au gouvernement américain de lui fournir de l’or contre les dollars, et les Etats Unis allaient le faire. Ce système a fonctionné jusqu’en en 1971.

Après 1945 les états ont constaté que les américains se sont mis à imprimer trop de billets, beaucoup plus que l’équivalent de l’or qu’ils avaient à disposition. Certains états, dont l’Allemagne et la France de De Gaulle ont adressé des dollars aux états unis contre de l’or. Voyant que d’autres états allaient faire pareil, les Etats Unis ont déclaré en 1971, de manière unilatérale, que désormais  le dollar ne reposerait plus sur l’or, ni sur rien. Tout le monde a alors compris que le dollar était devenu une monnaie de “singe” avec laquelle les Etats Unis pillent le monde depuis au moins 1971.

Au-delà des Etats Unis qui le font à l’échelle mondiale, quasiment toutes les banques centrales souveraines font de la création monétaire. Dans les faits la création monétaire est équivalente à une taxe que l’émetteur de ladite monnaie applique à toute personne qui épargne ou utilise cette devise de manière continue. Ceci s’explique par le fait que la création monétaire génère l’inflation (augmentation des prix), qui est en fait une taxe sur les usagers. Par exemple le taux d’inflation au Royaume Uni sur l’année 2013 se situe aux alentours de 2%. Cela se traduit concrètement que si un agent économique avait rangé £100 sous son matelas il y a 1 an, alors ces £100 ne valent plus que £98 aujourd’hui; un bien qui coutait £100 il y a 1 an coute £102 aujourd’hui. Pour s’approprier ce bien l’usager devra trouver £2 de plus, alors qu’il y a 1 an il aurait pu se l’approprier avec ses £100. Tout se passe comme si l’usager a été taxé (appauvri) de £2 par la banque centrale.

Les agents économiques qui ont compris cela cherchent des valeurs refuges, autres que les devises des banques centrales pour protéger leurs économies de la taxe-inflation. La valeur-refuge la plus courante est l’or. Beaucoup de personnes achètent de l’or pour protéger leurs économies. En 2009 une nouvelle valeur refuge a vu le jour: c’est le Bitcoin

2. Définition du Bitcoin et explication de son mode de fonctionnement

Le Bitcoin est une monnaie, une devise numérique. Il présente les mêmes avantages que l’or en tant que valeur refuge pour les agents économiques souhaitant protéger leurs biens de la dépréciation des monnaies traditionnelles. Sauf que contrairement à l’or le Bitcoin est libre de tout contrôle d’une quelconque autorité. En effet, pour acheter de l’or il faut suivre une procédure stricte, et passer par des autorités officiellement reconnues; ce qui n’est pas le cas pour le Bitcoin.

D’un point de vue technique le Bitcoin est un logiciel, un ensemble de codes informatiques écrits et délivrés en Février 2009 par un anonyme au pseudonyme de Satoshi Nakamoto, et qui se présentait comme un japonais de 37 ans. Dans ce logiciel Nakamoto propose un système de monnaie électronique dans lequel tout client crée un compte, comme un compte mail, crédite ce compte en achetant des bitcoins. Les bitcoins s’achètent avec des dollars ou toute devise convertible. Il existe une cotation journalière entre bitcoin et les plus importantes devises; cotation qui fluctue à la baisse ou à la hausse en fonction de l’offre et de la demande.

Le portefeuille Bitcoin ainsi créé et crédité peut être utilisé soit pour protéger son épargne (si l’on estime qu’il est moins risqué que les devises “traditionnelles”); soit pour faire ses courses (entre ceux qui possèdent également des comptes Bitcoin – ça fonctionne comme un compte bancaire classique: l’ordre est passé, validé, le compte acheteur est débité, et le compte vendeur est crédité); soit pour spéculer.

Pour le moment c’est surtout l’activité de spéculation qui prédomine, et ceux qui s’y sont mis tôt ont gagné beaucoup d’argent. Entre Février 2011 et Janvier 2014 la cotation du Bitcoin par rapport à l’euro a été multipliée par 154. Ce qui signifie qu’un agent qui avait acheté pour 1000€ de bitcoins en Février 2011 aurait pu les revendre pour 154 000€ en Janvier 2014.

Tout le monde peut se créer un compte en bitcoins. Il suffit de créer un portefeuille en bitcoins (https://bitcoin.org/en/choose-your-wallet), il vous sera alors attribué une clé unique identité de votre portefeuille ; puis d’acheter des bitcoins partout où vous pourriez trouver des vendeurs de bitcoins (https://bitcoin.org/en/getting-started). Des applications smartphone existent pour gérer son Compte via son téléphone. La plus grosse plateforme d’échange de bitcoins est https://www.mtgox.com/, basée au Japon.

3. Quelques avantages du Bitcoin par rapport aux devises classiques

Il n y a pas d’autorité qui contrôle la devise, censure, limite l’utilisation ou fait évoluer les closes d’utilisation en fonction de ses intérêts (comme le font les banques). Les règles sont définies dans le code informatique de base et sont exécutées automatiquement sans intervention humaine. Si l’on pense comme certains que celui ou celle qui contrôle la monnaie contrôle le “reste”, alors le Bitcoin est une alternative sérieuse pour plus d’indépendance.

Le Bitcoin permet le développement de nombreux services financiers tels que le transfert instantané d’argent, et tous les services qu’offrent les banques traditionnelles; le Bitcoin pourrait permettre d’étendre les activités économiques avec des agents du monde vivant dans des régions sinistrées ou marginalisées économiquement à cause des monnaies instables; le Bitcoin pourrait permettre aux acteurs économiques africains de contourner le franc CFA, et de s’affranchir du contrôle et du racket de la France sur les économies de certains pays africains;

Le Bitcoin résout le problème de l’inflation très présente pour les monnaies traditionnelles. En effet, comme expliqué plus haut, l’inflation est liée au fait que la monnaie soit produite en quantité plus importante que les biens réels en circulation. Or le Bitcoin, dans son algorithme de génération, a été conçu pour être émis en quantité limitée: 50 bitcoins toutes les 10 minutes les 4 premières années, puis 25 bitcoins toutes les 10 minutes pendant les 4 années suivantes, ainsi de suite jusqu’à atteindre la plus petite sudivision (1 bitcoin toutes les 10 minutes). Avec cette règle, l’on peut calculer qu’on atteindra le nombre maximal de 21 millions de bitcoins en 2040. La création des bitcoins cessera alors, et la seule possibilité d’en acheter sera de trouver un agent vendeur de bitcoins.

4. Quelques critiques du Bitcoin

Tout le système de bitcoins repose sur la robustesse et la fiabilité du programme informatique sur lequel il a été bâti. Si son code venait à être piraté ou pas capable de bien gérer des situations extrêmes telles que le double payement, alors cela pourrait conduire à la ruine de beaucoup d’agents, et à l’effondrement du système. Cette observation est cependant valable pour le système bancaire traditionnel (cartes et comptes bancaires) également. Par rapport à ce détail il a été rapporté le mardi 25 février 2014 que la plus importante plateforme (www.mtgox.com) de trading (vente et achat) de bitcoins avait été piratée, et que les hackers ont réussi à détourner via cette plateforme, 74 000 bitcoins, ce qui représentait plus de 6% des 12.44 millions de bitcoins en circulation à cette date.

Le Bitcoin est une devise qui est structurellement appelée à être déflatée (augmentation de sa valeur par rapport aux biens réels), du fait de son nombre limité à 21 millions d’unités au maximum. Certains économistes pensent de ce fait que Le Bitcoin ne pourra jamais être une devise d’échange et de circulation de biens économiques (car pour qu’une monnaie puisse faciliter la circulation des biens il faudrait qu’elle soit disponible en quantités comparables au volume de biens en circulation, ce qui ne sera pas le cas des bitcoins limités à 21 millions d’unités).

5. Le Bitcoin pourrait être une opportunité de contournement du franc CFA

Les futurs entrepreneurs et industriels africains (notamment ceux formés par le professeur POUGALA) qui rêvent d’exporter des produits fabriqués depuis des pays utilisant le CFA doivent garder en tête que la France ponctionnera systématiquement 65% (pour l’Afrique centrale et 50% pour l’Afrique de l’ouest) des revenus de leurs exportations.

C’est difficile d’imaginer une entreprise survivre à une spoliation de 65% de son chiffre d’affaire. La thèse du professeur AGBOHOU selon laquelle le franc CFA est le principal frein au développement des pays qui l’utilisent prend ici tout son sens. Les futurs entrepreneurs africains doivent impérativement trouver un moyen de contournement du franc CFA, s’ils veulent espérer réussir.

Le Bitcoin apparait à notre sens comme un moyen possible de contournement du CFA. Cette monnaie (Bitcoin) est encore très volatile, mais c’est une opportunité à laquelle les industriels africains des zones dites CFA devraient s’intéresser. D’ailleurs il  y a possibilité de développer un business en proposant des services de création et de gestion de portefeuilles de bitcoins dans les pays africains de la zone CFA. Le besoin d’un tel service est évident.

6. Pour aller plus loin

Il est légitime de se poser la question de savoir pourquoi les lobbies financiers ont laissé et continuent à laisser prospérer le Bitcoin, sachant que le Bitcoin, s’il réussit, démocratisera les services financiers et rendra obsolètes les services bancaires traditionnels actuels. Doit-on comprendre que le système financier et monétaire actuel est condamné à mourir, et que les agents avertis (y compris les financiers) réfugient leur argent dans le Bitcoin ou autres valeurs refuges ? Doit-on plutôt comprendre qu’il existe des lobbies plus puissants que les lobbies financiers et qui soutiennent la création du Bitcoin ? A chacun de faire son analyse de la situation.

Le 26/02/2014

Références :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bitcoin
http://www.theguardian.com/technology/2014/feb/25/bitcoi…
http://www.cameroonvoice.com/news/article-news-14188.html
https://www.mtgox.com/
https://bitcoin.org/en/getting-started
https://bitcoinarmory.com/download/

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