Pour ou contre le dialogue politique initié par Joseph Kabila ?

Si la politique se définit comme l’art de gouverner la cité et si gouverner la cité consiste en ce que toutes les décisions se construisent par la parole, par l’échange et par la persuasion ; et non par la force ni la violence (Arendt) ; alors, le dialogue est incontestablement l’outil essentiel de gestion politique. Le dialogue politique est dès lors indispensable pour faire avancer des objectifs communs et aplanir des antagonismes conflictuels persistants. Pour un Congo en crise politique multidimensionnelle depuis des décennies et désormais confronté à l’imminence des échéances électorales dont les conditions de déroulement dans l’apaisement sont bien loin d’être réunies ni rassurantes, un dialogue politique préalable s’énonce comme une voie et une étape incontournables dans le processus électoral en fait déjà en cours. Mais le moment, le format proposé pour ce dialogue ainsi que les modalités de sa mise en place sontils à même de garantir les résultats escomptés ? C’est ici que se pose la fondamentale question de la pertinence de la démarche initiée par Joseph Kabila avant de la rejeter ou d’y souscrire.

Timeo Danaos et dona ferentes !

Il faut craindre l’ennemi, surtout lorsqu’il prétend faire des cadeaux ! En effet, même si l’Accord-cadre d’Addis-Abeba l’a recommandé, même si une frange des forces acquises au changement l’a souvent exigé autrefois, l’offre brusquement incisive de la part d’un régime, ostensiblement vomi par le peuple, d’un dialogue politique à ceux qu’il snobait jadis et au moment où devrait plutôt se discuter des questions techniques d’un processus électoral déjà amorcé, avec la publication d’un calendrier des scrutins à controverse, arrive si tard qu’elle suscite plus d’interrogations et de méfiance qu’elle ne mérite des considérations d’ordre de noble logique politique. La naïveté consisterait à se livrer, ici, aux analyses incongrues en termes de cohérence politique, là où se jouent avant tout de pires stratégies machiavéliques de conservation de pouvoir ; bien loin de toute préoccupation civique, citoyenne ou patriotique d’apaisement ou d’amélioration du climat politique pré-électoral. N’est-ce pas le minimum que de se méfier des élans de générosité d’un régime aux abois, surtout lorsque son crépuscule devient une évidence pour tous, y compris pour lui-même ? Si le dialogue, qu’il offre avec tant d’opiniâtreté, relève d’une tangible envolée de magnanimité ; est-il également vraiment pourvu de vertus réellement désintéressées ? Timeo Danaos et dona ferentes !

Concertations ou dialogue politique, une recette constante et éprouvée de débauchage …

Tout bien considéré, n’est-ce pas déjà sous le prétexte d’application de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba que Kabila avait ouvert, le 7 septembre 2013 et sous le label bien éloquent de Concertations nationales ? Soit un dialogue politique censé régler la crise politique, sociale, sécuritaire et de légitimité régnante dans le pays depuis les élections chaotiques de novembre 2011, en déclinant sa bonne volonté de baliser le chemin vers de nouveaux suffrages dans un climat politique apaisé ! Ceux qui en doutaient, se sont alors ralliés au fait que ces assises ne servaient en fait que de terreau fertile au régime pour débaucher, s’élargir et « se renforcer » politiquement au détriment des partis adverses en les déstabilisant. Si le « dialogue politique » de 2013 a permis aux moins vertueux, tels que Thomas Luhaka, Germain Kambinga ou Justin Bitakwira d’accéder à la mangeoire kabiliste, il a corrélativement émietté et affaibli, une fois de plus, le camp militant pour l’alternance politique dans les règles. La trahison ou l’attitude « homéopathique » de ces débauchés face à la politique du ventre, si bien rodée en RDC, ne correspondait sans aucun doute déjà plus aux exigences populaires du changement, ni à la simple logique démocratique et encore beaucoup moins à la cohérence éthique élémentaire.
Une politique du ventre, visant à mettre dans sa nasse les plus moralement faibles du microcosme politique congolais ! Voilà le stratagème, il est devenu impossible de ne pas s’en apercevoir, que privilégie la kabilie depuis ses débuts pour changer de cap, se régénérer et se renforcer en vue de se perpétuer à la tête du Congo au détriment des aspirations légitimes d’un peuple chosifié à l’extrême ; sans le moindre état d’âme. Au moment où Joseph Kabila fait face à l’obstacle constitutionnel contrariant ses aspirations, quoi de plus logique que de brandir le même appât à une classe politique dont il connaît bien l’ampleur du déficit des vertus morales ! C’est là la preuve démontrant clairement comment, lorsque son maintien au pouvoir l’exige, Kabila parvient aisément – avec la complicité des certains vieux et jeunes politicailleurs prétendument acquis au changement – à utiliser la combine de dialogue politique et de débauchage pour franchir certains écueils. Aussi, appeler à des négociations censées baliser la voie vers des élections démocratiques et apaisées, n’est-ce pas une parfaite illustration d’une recette assez bien expérimentée pour réussir, mais aussi trop bien connue pour surprendre ! Et l’histoire du dialogue politique avec Joseph Kabila a suffisamment démontré que le vrai enjeu des négociations politiques avec lui est et a toujours été ailleurs : débaucher et diviser l’opposition pour l’affaiblir. Faut-il encore aller cautionner le nuisible ?
Attention au suicide politique définitif ou au suicide tout court !

Certes, au point où règnent la misère et la précarité au Congo, dont Lumumba n’envisageait que la grande prospérité, la situation d’un Mende ou d’un Kimbuta peut devenir enviable pour beaucoup. Mais, face à cette déchéance morale grandissante, force est aussi de rappeler que les biens mal acquis ne profitent pas toujours durablement. En effet, au niveau où se sont hissés le réveil patriotique et la conscience politique dans la société congolaise, il est à parier que l’alternance au pouvoir est inéluctable pour 2016 et qu’une fois dépossédés de l’usage légitime de la force et de l’appare il sécuritaire, sur lesquels ils appuient aujourd’hui leur mépris et leur arrogance surdimensionnée, tous les traitres de la Nation clairement identifiés n’auront plus de jours tranquilles dans ce pays. Si hier les actes de collaboration n’exposaient leurs auteurs qu’à des jugements de valeur ou à de simples condamnations morales en termes d’égoïsme, de félonie ou de trahison ; par contre, ceux qui prendront aujourd’hui le risque de soutenir l’illégitimité et l’illégalité au Congo, s’engagent derechef dans un irrémédiable processus de suicide politique, voire du suicide tout court. Pour en avoir assez enduré, le peuple patriotiquement mobilisé s’adonne désormais à une vigilance drastique et intrépide. Résolument exigeant, il dénonce sans réserve supercherie, charlatanisme et trahison dont font preuve ceux qui cherchent à se faire à leur tour des places à la mangeoire. Aussi, la supercherie ou le charlatanisme auquel s’exerce aujourd’hui le député Ne Muanda Nsemi n’est pas moins dégoûtant que celui auquel se livrent depuis des lustres ses funestes modèles de traitrise de grand chemin au rang desquels il faut citer Mokolo, Mende, Kimbuta etc… 2
Du reste, il serait en effet naïf de croire que tous ceux qui suivront la voie de trahison réussiront matériellement et socialement, à l’instar de Mokolo, de Mende et autres affligeants personnages de la scène politique congolaise. Force est plutôt de constater que le crépuscule de leur impitoyable machiavélique mentor a sonné. Massivement désavoué par le peuple souverain, irrémédiablement bloqué par la Constitution et ostensiblement abandonné par ses parrains extérieurs, Joseph Kabila est inéluctablement sur la voie de sortie. Au besoin, nous sommes dorénavant assez nombreux pour l’y contraindre aujourd’hui. C’est pourquoi, plutôt que d’envier et imiter l’ascension politique et sociales des « Mende » et consorts, c’est une
attitude d’indulgence, sinon de mépris qu’il conviendrait d’adopter à l’égard de ces affidés.

Priorité aux aménagements techniques du processus électoral ! 

Ce n’est qu’un pur euphémisme que de rappeler que les conditions d’un processus électoral apaisé ne sont pas encore réunies au Congo. Mais à qui en incombe la faute et avec qui débattre pour corriger les écueils à même d’hypothéquer le bon déroulement des scrutins avenir ? Kabila a-t-il besoin d’un dialogue politique solennel pour réparer les incongruités planifiées qui ont émaillé les élections de 2011, ruiné sa crédibilité et soulevé, depuis lors, le problème de légitimité ? Une frange des forces vives acquises au changement a une approche plus pertinente et plus cohérente sur le type de dialogue qui s’impose au contexte de l’heure. En effet, dès l’amorce de la récurrente manœuvre kabiliste de son dialogue-prétexte, pressentant avec lucidité une nouvelle sordide supercherie, les plus avisés et les plus vigilants des acteurs politiques de l’opposition ont très vite réagi par des concertations internes pour analyser la situation et afficher une attitude commune à même d’éclairer l’opinion et prendre à témoin le peuple souverain. « L’opposition politique congolaise ne trouve pas d’opportunité d’un dialogue qui risque de nous entraîner dans un schéma de transition et de déboucher vers un glissement du calendrier électoral en violation de la Constitution », faisait alors savoir dans une déclaration publique les dirigeants du Mouvement de libération du Congo (MLC) et de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), deux des principales formations politiques du pays. 

Edifiés par les expériences précédentes aussi décevantes que déconcertantes, ces ténors de l’opposition politique ont trouvé louche et circonspecte l’offre d’un dialogue politique par un chef d’Etat en fin de mandat non-renouvelable, au seuil des échéances électorales majeures et au lendemain des concertations nationales de même format ; dont les résolutions restent encore dans les tiroirs de ce dernier. Lucide et bien inspirée, cette coalition de circonstance a immédiatement préconisé de circonscrire tout éventuel dialogue aux questions techniques essentiellement relatives au processus électoral. Du coup, les interlocuteurs dans un dialogue en vue des nécessaires aménagements à même de clarifier et d’harmoniser le contexte électoral sont plutôt ceux qui assument des responsabilités procédurales directes dans le processus amorcé. Le dialogue s’exigerait ainsi avec le président de la Commission électorale indépendante sur l’indispensable aération d’un agenda électoral auquel on reproche l’asphyxie suite à un cumul excessif des scrutins à réaliser en un temps surréaliste. Le dialogue s’imposerait en outre avec le chef de gouvernement pour régler les questions budgétaires et allouer de façon pragmatique des fonds appropriés aux scrutins prévus. Sinon, un dialogue politique, alors que le processus électoral est déjà en cours, manque de pertinence.

Urgence d’un front patriotique commun pour contraindre à l’alternance démocratique ! 

Avec le désastreux échec de l’alternance avec Laurent-Désiré Kabila, le sentiment s’est renforcé chez plusieurs acteurs de la scène politique congolaise et bon nombre d’observateurs que la Conférence Nationale Souveraine (CNS) de 1992 reste la grande occasion manquée pour instaurer la démocratie, ériger des institutions républicaines et démocratiques fortes pour engager durablement et dans de bonnes conditions le Congo sur la voie de sa reconstruction et d’un développement irréversible. Mais la CNS fut une occasion manquée, faut-il le préciser, par la faute de qui ? Ce que l’histoire nous enseigne est qu’on n’en tire que très rarement les enseignements qu’elle dicte. En effet, la CNS déboucha sur un écœurant échec à cause des querelles de clocher et des divisions corrélatives dans le camp dit du changement. D’une part, les certitudes aveugles des uns, qui se voyaient déjà aux commandes du pays et conjuraient allègrement toute idée de partage de pouvoir avec les anciens et potentiels rivaux ; d’autre part, la déception et la méfiance pour ainsi dire légitimes de ceux qui, échaudés, redoutèrent la marginalisation, se conjuguèrent pour anéantir les belles perspectives qui se dessinaient à l’issue d’un forum dont la souveraineté avait été acquise de haute lutte et dans le sang. La « Troisième voie », qui émergea alors, témoigna davantage des maladresses, des vices et des insuffisances des acteurs évaluant mal leurs véritables forces du moment et, inversement, les capacités de nuisance de l’ennemi. Patrice-Emery Lumumba et Laurent-Désiré Kabila commirent maladroitement la même grande erreur d’appréciation politique ; on sait désormais ce qu’elle coûte à la Patrie. Faut-il poursuivre dans ce même travers aujourd’hui ? 

Aussi, face aux anathèmes, souvent lancés sans fondement, aux divergences et aux querelles de clocher régnants au sein des forces acquises au changement et hypothéquant leur action, faut-il préconiser une stratégie qui fait brillamment recette en Suisse depuis des lustres ! Les Helvètes eux-mêmes l’appellent fièrement « démocratie de concordance ». De quoi s’agit-il ? A la sortie d’une guerre civile très meurtrière en 1848, malgré leur victoire militaire très nette, les protestants radicaux progressistes eurent la sagesse d’éviter l’installation des rancunes post-conflit et les germes des nouvelles hostilités en s’abstenant de traiter leurs frères ennemis de la veille en vaincus. Au contraire, ils préférèrent la réconciliation de braves et l’association directe de tout le monde à la réflexion et aux efforts de reconstruction du pays dans un élan de réconciliation vivement patriotique. Ainsi naquit le principe de la démocratie de concordance. Vaincus et humiliés par les armes dans la Guerre du Sonderbund, les Catholiques conservateurs se virent néanmoins invités à se réhabiliter par le suffrage universel, s’ils voulaient assumer des responsabilités politiques. La stabilité politique de la Suisse, sa prodigieuse envolée économique ainsi que son étincelant rayonnement politique dans le monde trouvent leur source et leur force dans cet élan vers l’homogénéité procédurale en intégrant le maximum des forces politiques pour réduire au minimum les désaccords, des hostilitésparalysantes et le risque des nouveaux conflits. 

Pareillement, face au morcellement du camp des forces acquises au changement, face à l’impossible érection en leur sein d’un grand parti fédérateur ou d’un leader charismatique incontesté, la stratégie de concordance, à l’instar du style politique suisse ci-dessus, constitue la voie pacifique royale pour former cette large majorité à même d’arracher au régime régnant les concessions qui s’imposent en vue d’un processus électoral apaisé pour envisager avec sérénité et optimisme les résultats des urnes en soutenant éventuellement un seul candidat à la présidentielle de 2016. Après les USA, la formule suisse fait recette ailleurs avec le principe des « Primaires ». Cela suppose que les négociations obligées se déroulent en toute lisibilité. L’idéologie politique n’étant pas au menu, le but ne serait pas de revenir au parti unique de triste mémoire ; mais de chercher d’abord à constituer une plate-forme la plus large possible en vue des enjeux de l’heure et des échéances imminentes dans un élan patriotique fédérateur. Chaque parti ayant gardé son statut et son identité, tous les partis s’impliqueraient ainsi dans un processus où chacun recevra la promesse préalable de bénéficier des fonctions politiques et des postes à responsabilité au Gouvernement, au Parlement, dans l’Administration, l’Armée, la Justice et le Portefeuille de l’Etat, proportionnellement à sa force électorale démontrée et confirmée par les résultats effectifs des urnes. A chaque étape majeure d’un tel processus, les principales décisions d’orientation et d’application se prendraient, non pas sur le principe de majorité, mais sur la recherche d’accords à l’amiable et de compromis largement acceptés. Oui donc au dialogue politique pour aplanir la voie vers l’alternance démocratique ; mais alors, c’est au sein des forcesacquises au changement qu’il s’impose ; et il y a urgence.

Pour la Convention des Congolais de l’Etranger [CCE],  

Dieudonné-Daniel Musabuka N’Kena                                           Séverine Tshimini Mbuyi

Secrétaire général et Porte-parole                                                  Présidente

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