D'après le cardinal Christian Tumi, les Camerounais ne sont pas des “révolutionnaires”

Le cardinal Christian Tumi comme Achille Mbembe. Le premier vient d'émettre un point de vue proche d'une position régulièrement défendue par le second, position d'après laquelle on observe une sorte d'attentisme dans la population camerounaise. 

Interviewé par Jean-Baptiste Sipa et Jean-Bosco Talla dans le numéro 092 de Germinal, sur un scénario éventuel de crise post-électorale lors de la prochaine présidentielle au Cameroun, l'archevêque honoraire de Douala a relativisé ledit scénario. 

"Les Camerounais n'ont pas ce courage. Si les Camerounais étaient des révolutionnaires, c'est depuis longtemps que nous aurions connu des mouvements sociaux ou des revendications d'une certaine envergure. J'ai rencontré des observateurs africains qui me disaient que si les situations que nous vivons se produisaient dans leur pays, ils seraient entrés dans la guerre civile et qu'au Cameroun, tout se passe comme si tout allait pour le mieux", a dit le prélat. 

Reprenant des positions d'une interview accordée au magazine Jeune Afrique en mars 2016, le cardinal Christian Tumi continue de penser que l'actuel président de la République (Paul Biya, 83 ans et au pouvoir depuis 1982) devrait passer la main. 

"Quand un de vos confrères m'avait posé la question de savoir quelle était mon opinion sur la candidature de Paul Biya à la présidentielle de 2018, je lui ai dit clairement que si j'étais Paul Biya, je ne me présenterais plus, pour les deux raisons que vous donnez : l'incompétence physique et intellectuelle. On ne peut pas continuer à travailler à plus de quatre-vingts ans comme quand on avait cinquante ans. Il fallait me voir quand j'étais jeune, je n'avais pas de chauffeur. Aujourd'hui, je n'ai plus les mêmes réflexes. Il faut avoir la lucidité et l'honnêteté de le reconnaître. Mais, si le parti propose son chef qui est un vieillard et si les Camerounais dans leur majorité et dans une élection transparente, équitable et juste décident de l'élire, nous ne pouvons rien, car c'est la volonté du peuple", relève l'archevêque honoraire de Douala. 

"C'est le Camerounais qui continue de voter le président de la République. Paul Biya ne s'impose pas. Il ne s'est pas imposé. Tout comme Ahidjo ne s'était pas imposé au Camerounais. Ils se sont proposés aux Camerounais. Ils ont proposé leur projet de société aux Camerounais qui ont approuvé. Objectivement, aucun de nos deux chefs d'Etat ne s'est imposé. Ils se sont peut-être imposés au sein de leur parti. Mais, si nous prenons le cas du parti au pouvoir qui est actuellement majoritaire, il est écrit dans ses statuts que le président du parti est son candidat naturel à la présidence du pays", rappelle-t-il. 

Jeunes et vieux au Cameroun
Le cardinal Christian Tumi, aujourd'hui âgé de 86 ans explique cependant que la situation actuelle au Cameroun donne à observer un pays à deux vitesses. "Nous avons aujourd'hui deux Cameroun: l'un qui n'est pas gouverné et l'autre où les vieillards gouvernent sans prendre en considération les problèmes des jeunes d'aujourd'hui. Lesquels ont un autre langage, presque incompréhensible par ces gouvernants. C'est pourquoi j'estime que près de 70% des Camerounais ne sont pas gouvernés. Et le changement que les Camerounais souhaitent aujourd'hui n'est pas celui d'une personne."

"Mais quand nous prenons en compte l'âge de ceux qui appellent Paul Biya à se représenter à la présidentielle de 2018, on se rend compte qu'il s'agit de vieillards. Je ne vais pas me hasarder à interpréter leurs intentions. Je crois qu'Ils sont conscients du fait que si un jeune arrive au pouvoir ou la tête de leur parti, ils n'occuperont plus des positions privilégiées de pouvoir. Jetez un coup d'œil sur l'âge des sénateurs. Moi, personnellement, je pense qu'un chef d'État dans ce pays devrait être âgé d'une cinquantaine d'années. Les ministres devraient être des jeunes qui sont dans la trentaine ou dans la quarantaine comme actuellement au Canada.

Celui qui a célébré en juin 2016 ses 50 ans de sacerdoce estime qu'il faudrait une période transitoire au Cameroun pour organiser des élections crédibles et transparentes. "À vrai dire, la solution semble être d'envisager une période de transition de trois ans, avec pour condition que le chef de l'État de la transition élu, ne se présente pas à l'élection présidentielle au terme de son mandat. Pendant cette période les institutions démocratiques solides seront mises en place avant l'organisation d'élections libres, transparentes et justes, élections au cours desquelles chaque candidat ou chaque parti politique présentera sa philosophie politique, ou son projet de société aux Camerounais qui porteront au pouvoir un président de la République légitime et démocratiquement élu. Comme cela s'est fait au Burkina Faso et en République centrafricaine."

En attendant, note le cardinal Christian Tumi, "pour ceux qui ont le pouvoir, qu'ils sachent qu'ils rendront compte à Dieu, car ils gouvernent le peuple créé par Dieu. Pour le Cameroun, que le chef de l'Etat sache qu'il rendra compte de sa gouvernance devant Dieu. Par exemple, Dieu lui demandera, "comment avez-vous gouverné les Camerounais que je vous ai confiés?".

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