Sauf désistement éventuel du Social Democratic Front (SDF) pour soutenir l’une des candidatures… “uniques” de l’opposition, c’est Joshua Osih, 1er Vice-président du principal parti de l’opposition camerounaise, qui défendra les couleurs du parti dirigé par John Fru Ndi à l’élection présidentielle d’octobre. Le mandat y afférent lui a été donné samedi à l’issue du Congrès du parti qui se tenait depuis jeudi à Bamenda, chef-lieu de la région du anglophone du Nord-ouest.
“Joshua Osih est déclaré candidat élu à la prochaine élection présidentielle”, a annoncé la direction du parti au terme des élections primaires qui faisaient partie des points à l’ordre du jour du Congrès.
Le Jeune député et homme d’affaires qui approxime la cinquantaine est natif de la région anglophone du Sud-ouest –en proie à une crise sécessionniste qui dure depuis 2016- mais a toujours marqué sa préférence pour un Cameroun uni dans le cadre du fédéralisme. Parfaitement bilingue, il est le seul cadre du parti ressortissant d’une région anglophone à avoir été élu député dans une ville francophone, à savoir la capitale économique Douala, quoique cette ville soit à vrai dire cosmopolite.
Au regard des résultats des primaires du SDF, il n’a eu aucune difficulté à l’emporter sur ses challengers –dont l’un, l’emblématique député Joseph Mbah Ndam, a jeté l’éponge avant le début des votes- puisque c’est avec une majorité écrasante de 1021 voix favorables qu’il a damé le pion à son camarade Forbi Nchinda (134 voix). Soit au final 88,39% contre 11,60%.
Celui qui ira aux barricades pour le compte du “Suffer don finish” (slogan populaire accolé à la dénomination du parti dont il reprend les sigles) a aussitôt annoncé les couleurs dans la perspective du nouveau défi auquel il va faire face : l’assaut du palais présidentiel d’Etoudi dont il devra éjecter l’actuel président, Paul Biya, 85 ans dont 36 à la tête de l’Etat.
“A partir de demain, nous allons parcourir les 366 circonscriptions électorales de ce pays pour mobiliser le parti (afin) de gagner en octobre 2018”, a-t-il affirmé après l’annonce de sa victoire aux primaires. Et d’ajouter : “Yaoundé tremblait avant votre vote. Maintenant, ils ont la fièvre. Ils savent que Etoudi est à notre portée”.
-Herculéen-
Le pouvoir suprême à la portée du SDF dans un pays où le système électoral taillé à la mesure de Paul Biya et du Rdpc seuls rend vain a posteriori tout pari sur une victoire de l’opposition? Qui sait !
Cet expert en aviation né d’un père camerounais et d’une mère suisse n’en est que plus conscient du caractère herculéen de la tâche, lui qui n’a pas perdu du temps pour tendre la main à d’autres formations politiques de l’opposition : “Nos portes sont grand ouvertes… Nous n’excluons pas des alliances ou des coalitions” avec d’autres candidats de l’opposition, a-t-il indiqué en prévision de la confrontation électorale qui l’opposera dans moins de huit mois à Paul Biya.
Le deputé du Wouri Centre, Joshua Osih, sera le candidat du SDF à la presidentielle de 2018. Il a remporté les primaires du parti avec 88,39% des voix contre 11,60 pour Fobi Nchinda, soit 1021 voix contre 134. Originaire du Ndian (Sud Ouest), Joshua Osih est expert en aviation. pic.twitter.com/gBiVbdsLJW
— CRTVweb (@CRTV_web) 24 février 2018
Car quoique l’actuel président n’ait pas encore dévoilé son intention de briguer un septième mandat, les statuts de son parti, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais dont il est le président national depuis sa création en mars 1985, en font son « candidat naturel » à toute élection présidentielle au Cameroun.
Fru Ndi demeure le président du Parti
Depuis le retour du multipartisme, c’est John Fru Ndi qui avait jusqu’ici représenté le parti contre Paul Biya aux élections présidentielles. En 1992, il avait même été crédité de la victoire à la première élection présidentielle pluraliste, que le président sortant, Paul Biya, lui aurait arraché de force avant de le faire assigner à résidence et de décréter l’Etat d’urgence dans son fief de Bamenda. Il devait cependant boycotter l’élection présidentielle suivante en 1997, pour aller de nouveau au charbon lors des scrutins de 2004 et 2011. Mais à cause de son autoritarisme stalinien qui a peu a peu vidé les rangs du SDF de ses stratèges à force d’exclusions et de frustrations de diverses natures, ajouté aux rumeurs sur son copinage avec le régime(1) qui l’aurait enrichi à coups de centaines de millions en lui assignant en échange une mission de fragilisation de l’opposition ‘mots d’ordre itératifs de boycott des inscriptions sur les listes électorales, échec aux multiples tentatives des principaux leaders d’opposition de présenter un candidat unique contre Paul Biya…), avait fini par réduire sa popularité comme une peau de chagrin. D’où ses scores dérisoires de 17,40% en 2004 et 10,71 en 2011.
Le chairman, qualifié de “charismatique félon” par certains anciens militants du SDF, a cependant été reconduit à la tête du parti à l’issue du Congrès des 22, 23 et 24 février. Pour d’aucuns, il devra y jouer désormais un rôle d’inaugurateur de chrysanthèmes.
(1) Le rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement sur les biens mal acquis de 2009 fait état d’une accusation de corruption, aux détours d’un passage du rapport consacré aux « largesses de Paul Biya » qui, selon cette source, « serviraient aussi à amadouer l’opposition ». Le rapport rapporte l’accusation relayée par le journal camerounais The Post du 4 octobre 2005, qui elle-même se réfère à la lettre d’information londonienne Africa Confidential et indique que « le leader de l’opposition John Fru Ndi aurait accumulé une fortune de plus de 125 millions de dollars, dont « plus de 70% de l’argent provient de ses deals politiques avec le chef de l’Etat camerounais en fonction » », entre juin 2002 et 2005 ». John Fru Ndi a nié et Africa Confidential a démenti avoir mené une telle enquête .
Il est en outre accusé d’avoir perçu 500 millions de Fcfa lors de la présidentielle de 2004 pour casser la dynamique de l’opposition .
2018-02-24 à 18:37:26