Débat sur le Franc CFA : Et DSK se mêla de ramener l'Afrique aux temps antédiluviens de la servitude


Franc CFA. De la monnaie à la servitude

Un qui a voulu attirer l'attention du monde sur lui, mais qui ne va réussir qu'à  s'attirer une belle volée de bois vert, Dominique Strauss-Kahn, c'est l'ancien ministre français et non moins ci-devant Directeur Général du FMI, avec son document publié le 13 avril dernier,  dans lequel il a rassemblé ses “propositions de réforme du Franc CFA” à un moment où la tendance majeure dans la quinzaine de pays  où cette monnaie a cours est plutôt à son abandon définitif. 

Lassé de ne prodiguer ses “bons conseils” qu'à certains serviteurs fidèles de la Françafrique  placés  à la tête de certains Etats Africains par la France, Dominique Stauss-Kahn vient de se découvrir une vocation de conseiller d'orientation monétaire de toute l'Afrique dont il sait néanmoins la vive répulsion à la seule évocation de ce qui fut à sa création par Charles de Gaulle en 1945, le Franc des colonies françaises d’Afrique (CFA).

Rien moins que 29 pages  d'analyse de la Zone franc et de propositions de réformes du fonctionnement du Franc CFA, dont l'objectif serait de muter en avantages les inconvénients de cette monnaie dont le Tchadien Idriss Deby dit qu'elle tire les économies de la région par le bas.

 « Zone franc, pour une émancipation au bénéfice de tous ». Ainsi s'intitule la note de monsieur Strauss-Kahn, qui nous rejoue la rengaine paresseuse et opportuniste de la performance des économies de la Zone franc   liée à la garantie de convertibilité et à la stabilité de cette monnaie communautaire –arrimée il va sans dire à l'ancien Franc Français qui l'emportée avec lui lors de sa dissolution dans l'Euro-, tout en essayant d'amadouer les adversaires de plus en plus nombreux de la pratique de cette devise, en soulignant le côté antécédent politique fâcheux de l'usage de cette monnaie de Sioux. « Le problème politique devient de plus en plus sensible comme l'ont montré les protestations de l'été 2017 », affirme l'ami Strauss-Kahn.

Machine retour arrière
 

On croyait être bien avancé sur la question, avec la décision fin  février des chefs d'Etats membres de la CEDEAO de passer progressivement à la monnaie unique de la Cedeao, en abandonnant le franc CFA à l’horizon 2020 au profit de l'ECO ? Eh bien, ce n'est pas un avis que partage l'ancien Directeur Général du FMI, Dominique Dominique Strauss-Kahn.  Homme politique français dans l'âme, et donc congénitalement porté à vouloir maintenir l'Afrique ex-française et assimilée dans les liens de la servitude,  il s'est mis en tête de ramener subtilement son monde sur les sentiers mille fois (re)battus de  la réforme ou plutôt de la réadaptation du Franc Cfa au contexte d'une Afrique  qui relève enfin la tête, et crie haro sur le néocolonialisme monétaire qui bride son économie. Et ce depuis le semblant d'accession à la souveraineté internationale des pays ayant en commun l'usage du Franc de la Communauté Financière en Afrique (8 pays d'Afrique de l'Ouest) ou du franc de la coopération financière en Afrique centrale (6 pays d'Afrique centrale –zone Cemac).

Mystification autour de la vraie nature et l'histoire de la monnaie coloniale
Pour l'ancien ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie de Lionel Jospin, la première réforme consisterait à réconcilier les utilisateurs du Franc CFA avec [leur] en mettant à découvert le caractère politique de son par les dirigeants africains : « Le caractère inexprimé du lien politique ne peut que favoriser un doute identitaire au sein d'une Afrique dont le rapport au passé colonial est particulièrement complexe et difficile à expliquer », explique DSK pour qui, si  « Les choix monétaires ont une dimension technique incontournable », « … ils procèdent toujours, par ailleurs, d'un choix politique ».

Mais qui fait ce choix politique ? est-on tenté de lui demander, quand on sait que  le Franc des Colonies Françaises d'Afrique a été créé en 1939 par la France seule peu avant le déclenchement de la 2nde Guerre Mondiale, alors que les pays africains qui l'utilisent encore aujourd'hui n'étaient pas indépendants, et n'avaient pas par conséquent leur mot à dire sur le sujet. 


Dominique Strauss-Kahn: atroces propositions

Et si DSK pèche par sa volonté de camoufler cette vérité historique de l'imposition du Franc CFA et non de son choix, il fait encore plus en en vantant les avantages dont la perception des avantages ne serait obstruée que par des vues de l'esprit des Africains. Il évoque ainsi le fait que « certains aspects pratiques nourrissent en Afrique le soupçon de néo-colonialisme », la dénomination problématique de cette monnaie le « franc » qui rappellerait le passé colonial et le dépôt des réserves auprès du Trésor français entre autres, « qui en limitent les potentiels bienfaits ».

Autant de portes ouvertes enfoncées qui font croire que l'économiste français entend mener son monde à la réforme cosmétique du Franc CFA contre lequel il prétend s'inscrire en faux, tel le prosateur Monsieur Jourdain qui faisait de la prose depuis quarante ans sans le savoir.

En effet, à en croire DSK, c'est la France qui est la véritable victime de toute cette affaire qui bouleverse tant le métabolisme des anti-Franc CFA. Suivons le guide : « La détention de réserves africains, […] ne représente pas l'avantage que certains imaginent » ; « La France assume, seule, un risque financier non rémunéré, pour lequel l'opinion africaine ne lui accorde guère de crédit et dont le bénéfice commercial est partagé avec toute la zone euro » ; « L'avantage tiré de la parité fixe CFA-euro s'étend aux autres pays de la zone euro (qui ne participent à la couverture du risque ».

La France veut vous sucer jusqu'à la lie

Vraiment ? On croit réentendre Michel Sapin, les jérémiades en moins ou la forfanterie -de l'homme blanc portant à bout de bras le petit frère africain- en plus. « La France est là pour accompagner, pour garantir la stabilité de la monnaie. Nous nous engageons à faire en sorte que cette monnaie reste stable par sa valeur par rapport à d'autres monnaies. Et cette stabilité est quelque chose de très utile aux pays concernés. Mais c'est la décision des pays africains qui s'impose, pas celle de la France », disait en son temps l'ancien ministre des Finances et des Comptes publics de François Hollande.

Sauf qu'en Afrique, à l'exception des dirigeants -pour la plupart impopulaires et à la solde de la France- et d'une élite peu encline à accepter des bouleversements,  personne, en tout cas la majorité, ne veut plus ni du CFA –fut-il réformé à la Strauss-Kahn (réattribution des sièges de la France au sein des instances des banques centrales africaines à des administrateurs internationaux indépendants, ancrage à un panier de monnaies plutôt qu'au seul Euro, élargissement de l'Uemoa, aux pays de ZMO, le Ghana en l'occurrence)-, ni que la France continue de supporter de quelle que façon que ce soit, une monnaie africaine.


Pour l’homme politique camerounais Hubert Kamgang, la coupure du lien ombilical avec la France passe par  la création d’une monnaie nationale au Cameroun.

Tout au plus, le seul concours acceptable serait qu'au lieu de s'accrocher à l'Afrique en donnant l'impression dans les discours officiels que c'est l'inverse qui s'opère, la France  encourage  les pays africains de la Zone Franc (marché potentiel de près de 170 millions d'individus) à sortir du Franc CFA, où soutienne la volonté politique des pays de la zone Franc de battre monnaie dans le cadre d'une plateformes sous-régionale  ou régionale et pourquoi pas continentale, puisqu'on parle de plus en plus depuis quelques temps de la création  d'une monnaie unique africaine qui pourrait être dénommée l’afro.

On a tout compris !

Tout autre discours sur des réformes ceci et des adaptations cela ne contribuerait qu'à démontrer une seule chose : ce n'est pas demain la veille du jour où la France va se résoudre à lâcher du lest à l'Afrique. Et c'est aux politiques et experts africains de se faire une religion des enjeux  et des sacrifices à consentir pour arriver à souper les liens de la servitude. A ce sujet, la société civile africaine, voire l'ensemble des populations africaines ont déjà fait leur part et continuent de le faire.

En écho aux activistes africains tels Kemi Seba… le géant économique africain qu'est le Nigeria exigeait récemment, pour faire chambre commune avec les pays de la CEDEAO qui utilisent le Franc CFA, que ceux-ci coupent les liens avec le Trésor français, et indiquent clairement les échéances de désengagement.

Pour la gouverne des interpellés, nous suggérons cette tribune de Adboulaye Barro :  « Projet de création d’une monnaie unique en Afrique de l’Ouest : Il n’y a pas d’idéal sans sacrifice » (https://niarela.net/afrique/projet-de-creation-dune-monnaie-unique-en-afrique-de-louest-il-ny-pas-dideal-sans-sacrifices), et “ON FAIT COMMENT POUR SORTIR DU FRANC CFA ? UNE SOLUTION DE TRANSITION EN AFFECTANT UNE PARTIE DES RÉSERVES AFRICAINES” de Yves Ekoué Amaïzo(https://blogs.mediapart.fr/francois-fabregat/blog/190815/fait-comment-pour-sortir-du-franc-cfa-une-solution-de-transition-en-affectant-une-partie-des). Ou encore “Les arguments politiques et juridiques pour se débarrasser du franc CFA” de l’homme politique , économiste et panafricaniste camerounais Hubert Kamgang (https://reseauinternational.net/les-arguments-politiques-et-juridiques-pour-se-debarrasser-du-franc-cfa/). 

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