A un peu plus d’un mois de l’élection présidentielle, les Camerounais sont dans la crainte d’une confrontation qui pourrait se révéler sanglante entre le principal parti de l’opposition qui présente un candidat à cette échéance, et le gouvernement soutenu par les forces de défense et de sécurité, à cause de l’entêtement d’Elecam, l’organe chargé des élections , à maintenir des bureaux de vote dans des camps et installations militaires et de police, que l’autre partie juge inaccessible au grand public, et par conséquent propice à toutes les fraudes en faveur du candidat président sortant, “chef des forces armées et police”.
En effet, dans une communication qu’il a donnée le 12 août au siège de l’organe en charge des élections, le directeur général adjoint de ladite structure, Abdoulkarimou, a annoncé que comme par le passé, les casernes militaires abriteront des bureaux de vote lors de l’élection du 7 octobre 2018.
« Au regard de la loi, le bureau de vote doit être situé dans un lieu public, ouvert au public. Or, les casernes sont des lieux publics ouverts au public. Donc aucun argumentaire selon la loi ne peut sous-tendre la suppression ou le retrait des bureaux de vote ouverts dans ces lieux ».. Voilà la réponse donnée à l’opposition par Elecam qui lui avait pourtant promis d’examiner ses demandes relatives à l’installation des bureaux de votes dans les casernes militaires qui ne sont pas accessibles à tous
Des explications qui ont plutôt eu le don d’irriter les adversaires de Paul Biya, au point de pousser le principal parti de l’opposition, le SDF (Social Democratic Front) à programmer une descente dans la rue de ses militants pour protester vivement contre cet état de choses.
C’est du moins l’initiative qu’a rendu publique le 17 août, le député SDFF et président de la Circonscription électorale régionale SDF du Littoral, Jean-Michel Nitcheu, en adressant une déclaration de manifestation publique au sous-préfet de l’arrondissement de Douala 1er où se déroulera la grande marche de protestation contre le 15 septembre prochain à Douala, pour « dénoncer la décision irresponsable et provocatrice d’Elecam de créer des bureaux de vote dans des casernes militaires et chefferies traditionnelles. ».
Connaissant les habitudes au Cameroun, il est presque certains que les autorités camerounaises n’hésiteront pas à opposer leur refus à la démarche du leader régional du SDF, et que cela va déboucher sur une confrontation comme c’était le cas le 20 octobre 2017, quand les mêmes autorités ont empêché une marche de protestation initiée par le même député dans le but de soutenir les victimes de la crise anglophone dans les régions du Sud-ouest et du Nord-ouest. L’affrontement entre les militants du Sdf avait fait de nombreux blessés et des arrestations, et Jean-Michel Nitcheu avait été violenté par des policiers sur instructions du Délégué Général à la Sûreté Nationale, puis assigné à résidence à son domicile placé sous forte surveillance policière.
Cette fois-ci, il s’agit d’une manifestation pour contester un dispositif électoral qui favorise le président Biya, et implique tout ce qui lui est affilié, dont l’administration et Elecam même, qui ont déjà donné des preuves irréfutables que les élections selon eux ne sont qu’une simple formalité devant déboucher sur la victoire du président sortant.
On imagine et craint donc du chaud en perspective.
Bon à savoir, les manifestations publiques, politiques et autres, sont encadrées par le régime déclaratif et ne requièrent pas l’autorisation de l’autorité administrative, même si celle-ci peut déclarer son impossibilité pour des raisons de troubles à l’ordre publique ou de vice de forme décelé dans la déclaration ou encore de non habilitation des déclarants. Mais il ne s’agira jamais de l’inopportunité de la manifestation.