Cameroun – Diagnostique complet de sa gouvernance actuelle et solutions

Depuis la prison principale de Kondengui la Coalition pour le Changement Immédiat de Leadership au Cameroun, composée du Président Élu et Président du Mouvement Pour la Renaissance du Cameroun (MRC), Maurice KAMTO, ses alliés Christian PENDA EKOKA, Paul Éric KINGUE et Albert DZONGANG ont fait un diagnostique complet de la Gouvernance et de la l’état de santé du Cameroun sur tous les plans géostratégique, politique, économique, sociale, etc. Le document signé aborde sans détour les enjeux multiformes auxquels le Cameroun fait face en ce moment et y prescrit des solutions concrètes. 

Ce rapport d’analyse très profonde de la situation se veut à la fois rétrospective et prospective, et s’appuie sur des chiffres et des faits. Quand on le parcourt, on note immédiatement qu’une une étude approfondie soutenue par un travail de fond a été fait pour produire ce rapport qui se positionne comme une feuille de route pour la revitalisation d’un Cameroun aux potentialités énormes, et qui malheureusement se meurt lentement depuis environ 40 ans. 

Dans ce document disponible ci-dessous, les 4 leaders visionnaires font entre autres des recommandations dont la plus urgente pour la sortie durable de la crise actuelle est la réforme de l’Etat.

 

ALERTE A L’OPINION NATIONALE ET INTERNATIONALE SUR LA SITUATION PREOCCUPANTE DU CAMEROUN

Au moment où le monde entier exhorte le leadership camerounais à un dialogue inclusif sans condition, afin de donner une chance à la paix et la réconciliation nationale dans notre pays, en butte à la guerre civile et à de graves menaces d’implosion, le régime BIYA s’enferme dans une approche de monopolisation du champ politique aux visées totalitaristes, contraire à une expression plurielle des différentes sensibilités sociodémographiques du pays. Cette démarche ne peut avoir pour seul effet que l’exacerbation des tensions sociopolitiques et la radicalisation des positions aux antipodes de l’apaisement recherché. Cette approche s’est illustrée récemment par notre arrestation et notre détention arbitraires, ainsi que celles de nos militants et sympathisants, le 28 janvier 2019, à l’issue des marches pacifiques organisés par le mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) le 26 janvier 2019 dans certains villes du Cameroun, pour des motifs fallacieux dont, entre autres, l’insurrection, la rébellion, l’hostilité à la patrie, la destruction de biens publics au plan national et dans certaines ambassades camerounaises à l’étranger, pour lesquels les autorités sont incapables d’apporter jusque-là la moindre preuve. 

En réalité ces exactions s’inscrivent dans le cadre d’un dessein visant à faire de nous les boucs-émissaires de l’échec du régime de M. BIYA. Celui-ci doit assumer l’entière responsabilité de cet échec et du chaos dans lequel le Cameroun est actuellement plongé. 

À cet égard, il faut souligner que tout au long de son magistère, la stratégie de M. BIYA a visé à cacher au monde le visage hideux de son régime tyrannique, en présentant le Cameroun comme un havre de paix et de stabilité. Aux fins de ce blanchiment d’image, il a recruté les services des cabinets de lobbying et des médias internationaux qu’il a généreusement payés avec nos maigres ressources budgétaires, au détriment de la construction des infrastructures économiques et sociales. 

Au regard de la position géostratégique du Cameroun, au cœur du golfe de Guinée, à la charnière de l’Afrique Centrale et de l’Afrique de l’Ouest, la déstabilisation de ce pays aura des répercussions néfastes multiformes dans les deux sous-régions, et même au-delà. Elle affectera les intérêts économiques locaux et internationaux. 

C’est pour cette raison que, en résumant la situation réelle du Cameroun à travers divers indicateurs analysés ci-dessous, le présent message est une alerte qui vise à faire prendre conscience de l’ampleur et de l’imminence du danger et surtout de l’urgence de le prévenir.

I. Etat critique du Cameroun

Le Cameroun a aujourd’hui une population d’environ 30 millions d’habitants sur une superficie de 475 000 km2. Cette population est répartie également entre zones urbaines/péri-urbaines et rurales. 

Depuis l’avènement du présent régime, il y a 37 ans, le Cameroun a connu une régression notoire dans tous les secteurs. Ainsi et de manière constante, dans tous les classements internationaux relatifs à la performance des pays dans différents secteurs – par exemple : Doing Business pour la facilité des affairesBusiness Monitor International (BMI) pour le climat d’investissements, l’Indice (Mo Ibrahim) Ibrahim de la gouvernance en Afrique (IIAG) pour la capacité de la gouvernance à apporter des solutions aux problèmes des populations, Shanghai pour la qualité de l’enseignement supérieur, etc.-, le Cameroun figure étonnamment dans le peloton de queue en Afrique, à l’inverse des classements concernant la corruption où il brille dans le peloton de tête. A cet égard, par exemple, dans le dernier classement Shanghai, l’Université camerounaise occupe le dernier rang en Afrique. Depuis plus de deux décennies en effet, le Cameroun est enlisé dans la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire selon le classement de la Banque Mondiale, avec un PIB par habitant d’environ 1300 dollars US, inférieur à celui de la Côte d’Ivoire, alors que notre pays n’a pas connu de guerre. De l’avis de tous les observateurs avisés, le Cameroun pourrait facilement tripler ou quadrupler son PIB par habitant au regard de ses potentialités naturelles et humaines moyennant un leadership approprié. Il serait alors classé dans la catégorie des pays tels que la Malaisie par exemple. En revanche, l’atteinte d’une telle performance exigerait un rythme de croissance annuel de 8 à 10% sur longue durée. Or, le Cameroun peine aujourd’hui à réaliser un taux de croissance de 4 à 5% par an. Dans ces conditions, notre pays n’atteindra pas l’émergence à l’horizon de 2035 tel que le clame à cor et à cri M. BIYA Paul. A l’évidence ce cap est hors de portée du présent régime et s’éloigne de jour en jour de l’espérance des populations camerounaises. 

De façon globale, la stagnation du revenu par habitant signalée ci-avant est un indicateur majeur des difficultés de notre pays. Elle s’explique par une structure de production des biens et services (PIB) caractérisée depuis des décennies par des activités de très faible productivité ainsi que des produits ou services à faible valeur ajoutée. Elle n’a donc pas subi de transformation structurelle majeure depuis trois décennies. 

A titre d’illustration :

1) le secteur primaire (environ 22% du PIB) concentre, outre l’exploitation forestière à forte intensité de capital et généralement investie par des entreprises étrangères, les activités de production agricole, pastorale et halieutique occupent les populations rurales qui utilisent les méthodes artisanales ; d’où la détérioration de la production primaire par tête observée au fil des années face à une population croissante (élevage bovin, avicole, pêche, etc); la production cacaoyère annuelle du Cameroun s’est arrêtée d’environ 200 000 tonnes depuis 1981 par an comparée à celle de la Côte d’Ivoire qui est passée au cours de la même période de 600000 à 1 800 000 tonnes. De manière générale, le secteur primaire n’a pas bénéficié de réformes de politiques publiques notamment en termes de réformes agraires et d’infrastructures d’accès aux bassins de production ou d’appuis ciblés -foncier, financiers ou formation- susceptibles d’y encourager l’investissement de la jeunesse entreprenante ou des investissements étrangers massifs, capables de le moderniser et d’y permettre la remontée des chaines de valeur, en y apportant les innovations techniques et managériales, tant dans la production et la transformation que dans l’écoulement des produits au sein des marchés locaux, régionaux ou mondiaux. 

2) le secteur secondaire (21% du PIB) est faiblement densifié et non intégré en amont; il est également caractérisé par une faiblesse des liaisons interindustrielles, l’importation de pratiquement tous les intrants industriels, des équipements et machines-outils ; une baisse de la valeur ajoutée manufacturière par habitant résultant de la fermeture ou de la déconfiture d’entreprises manufacturières dans différentes branches d’activité (e.g. la fabrication de fer à béton et de chaussures, l’assemblage des motos et d’appareillage électronique, la industrielle, la fonderie d’aluminium, le chantier naval et industriel, la fabrique des meubles et éléments de meuble, etc.).

3) le secteur tertiaire (57% du PIB) est principalement caractérisé par des activités de commerce de gros ou de détail, l’hôtellerie, la restauration et transport à faible valeur ajoutée, à la suite de la disparition des activités liées au transport et à la logistique maritimes (notamment Cameroon Shipping Lines, Camtainer, ainsi que des entreprises d’acconage et de transit), et de la déconfiture de celles relatives au transport aérien (à l’instar de la Cameroon Airlines et Air AffairesAfrique); les services des TIC à faible valeur ajoutée (téléphonie mobile notamment), dont il convient de relever le caractère très embryonnaire, le pays n’ayant pas encore su tirer parti du puissant levier que constitue l’économie numérique pour booster la croissance et multiplier les opportunités de création d’entreprises et d’emplois à valeur ajoutée, notamment dans les services, en raison du manque de vision et d’engagement politique au plus haut niveau ; cela est clairement attesté par le sous-développement de la numérisation des activités dans différents secteurs tels que l’administration, l’éducation, la santé, la sécurité, les transports, les douanes, le commerce, les banques, l’administration judiciaire, l’agriculture, l’industrie, etc.; on ne saurait terminer la description des réserves de croissance de ce secteur sans mentionner la ruine de l’industrie touristique qui constitua autrefois un volet important de l’économie septentrionale, ainsi que la sous-exploitation du gisement d’opportunités que constitue le transport par voies fluviales, en raison de la diversité de nos cours d’eau ;

Cette atonie de l’activité économique est également favorisée par un climat d’investissement inattractif, reflété par exemple à travers le mauvais classement du Cameroun dans les rapports Doing Business. En 2018, le Cameroun y est classé 166è sur 193 pays, un recul de trois rangs par rapport à l’année précédente. A la lecture des indicateurs ci-après, le lecteur appréhendera mieux la gravité de la détérioration continue des conditions de vie des populations camerounaises depuis bientôt quarante ans.

II. Des indicateurs en berne

Au plan économique et financier (2018), on observe une persistance des déficits budgétaire (3 à 4% du PIB), de la balance commerciale (plus de 1200 milliards FCFA) et du solde courant de la balance des paiements; la recrudescence des importations alimentaires, par exemple l’importation en 2017 de plus de 600 milliards FCFA de denrées alimentaires de grande consommation concernant principalement cinq (05) produits -le riz , le poisson, la farine, l’huile et le sucre-, en dépit de l’immense potentiel agricole, halieutique et pastoral du pays ; une accélération de son endettement extérieur (38% du PIB, soit environ 7800 milliards de FCFA), qui inquiète tous les observateurs avisés, alors que le Cameroun avait bénéficié en 2006 de l’annulation de la quasi-totalité de sa dette extérieure dans le cadre de l’initiative des pays pauvres très endettés (IPPTE) ; l’agence de notation du risque-pays Standard and Poor’s vient de dégrader la notation du Cameroun de stable à négatif, en raison des perspectives d’une montée en puissance de cette dette, en rapport notamment avec l’achèvement des infrastructures de la Coupe d’Afrique des Nations qui devrait se tenir au Cameroun en 2021, mais également de l’aggravation des risques sécuritaires relatifs aux crises dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ainsi qu’aux menaces de la secte islamiste Boko Haram dans les régions septentrionales ; une gestion budgétaire inefficiente caractérisée par des dépenses improductives importantes (missions, représentation) qui représentent plus de 30% du budget; un renchérissement exorbitant des coûts d’infrastructures (rapport Banque Mondiale sur les dépenses budgétaires au Cameroun, 2018); des subventions d’entreprises publiques qui avoisinent 5% du PIB et le service de leurs dettes impayées, estimées à plusieurs centaines de milliards FCFA, qui obèrent le budget de l’Etat, à l’instar de CAMTEL, du Chantier naval et industriel du Cameroun (CNIC), de la SONARA, de la CAMAIR-CO, un taux de bancarisation inférieur à 15%, traduisant le fait que moins de 15% de la population a accès aux services bancaires, ce qui amoindrit considérablement l’impact de toute politique monétaire ou de crédit sur la relance de l’économie ; les crédits à l’économie et la masse monétaire qui représentent environ 18% et 20% du PIB respectivement, traduisant des politiques peu audacieuses de soutien au financement de l’économie. 

De manière générale, la hausse significative du poids des activités informelles (90 % du PIB) dans les secteurs économiques et sociaux témoigne de l’absence de politiques publiques volontaristes, visant à intégrer ces activités dans l’économie formelle à travers des mesures appropriées. Cet abandon par l’Etat de pans importants de la production des biens et services encourage des comportements hasardeux de débrouillardise, en dehors de tout contrôle et de toutes normes. Il favorise la précarisation de l’environnement des affaires. Ce phénomène a pour conséquence entre autres l’amenuisement des recettes fiscales. Il constitue par ailleurs un paramètre aggravant de risque dans les activités informelles sensibles telles que la fourniture des soins de santé. Cette migration persistante des activités économiques vers le secteur informel est un indicateur majeur de la perte de contrôle du milieu socioéconomique par les pouvoirs publics avec pour effet la perte continue de la productivité des facteurs et la paupérisation continue du pays. 

Par exemple, les recettes fiscales représentent environ 17% du PIB. Il s’agit là d’un taux relativement bas en comparaison avec les économies modernes. Il traduit en réalité la prépondérance de l’informel dans l’activité économique, au point où seul un petit segment de l’économie productive contribue aux recettes fiscales du pays. D’où cette impression de surpression fiscale ressentie par les entreprises de ce segment. La précarisation de l’environnement général, et particulièrement celle de l’environnement des affaires, a encouragé la migration de nombre d’entreprises, notamment les PME et les TPE, vers le secteur informel. Ce phénomène est résultat de la déliquescence de l’Etat au fil du temps, en raison d’un leadership et d’une gouvernance laxistes des affaires publiques. 

Au plan social : d’après différentes études sur les dépenses des ménages et la pauvreté, on observe une augmentation du nombre de pauvres au Cameroun, avec une très forte incidence dans les régions septentrionales et dans les zones rurales ; phénomène favorisé par une réduction marginale du taux de pauvreté (38%) et l’essor démographique ; une accentuation de l’écart des conditions de vie entre les villes principales et les villes secondaires qui favorise le siphonage des populations de celles-ci par celles-là ; une aggravation des inégalités et des injustices qui se traduit par un renforcement de la fracture sociale (coefficient de Gini); une détérioration des indicateurs de santé publique (taux de mortalité infantile et maternelles, nombre de médecins généralistes ou spécialistes par habitant, espérance de vie (55 ans), etc); une dégradation de l’accès aux services d’infrastructures de base (transport, énergie, eau potable, assainissement); par exemple la durée du transport routier entre Yaoundé et les principales villes (Douala, Bafoussam, Buéa) a doublé, soit 5 h pour parcourir les 250km qui séparent Yaoundé de Douala, 6 heures entre Yaoundé et Bafoussam ; cette durée a plus que doublé entre Yaoundé et Bamenda (entre 8 et 10h). Pour atteindre les capitales des régions septentrionales en provenance de Yaoundé, on met 10 h pour N’Gaoundéré, 18 h pour Garoua, 24 h pour Maroua au lieu de 8h, 10h, 15h respectivement il y a une quarantaine d’années, en combinant transports routier et ferroviaire ; le réseau ferroviaire n’a pas connu la moindre extension sous le régime actuel, bien au contraire il s’est rétréci ; la fréquence et la durée des pannes d’électricité ont augmenté, reflétant la vétusté du réseau de transport d’électricité qui enregistre un taux de perte avoisinant 35% , excessif par rapport aux normes de l’industrie (5 à 10%); des quartiers entiers des principales villes (Douala et Yaoundé) restent sans électricité pendant plusieurs jours alors que ce délai monte à plusieurs semaines dans les villes secondaires, avec un impact évident sur la productivité de l’économie et le fonctionnement des secteurs sociaux (écoles, hôpitaux, etc); les effectifs des salles de classe dans les écoles primaires et secondaires se chiffrent couramment à une centaine d’élèves dans les zones urbaines et périurbaines ; les populations parcourent 5 km en moyenne pour atteindre un point d’eau potable (fontaine ou puits); 30% de la population camerounaise continuent de souffrir de maladies d’origine hydrique, avec des conséquences néfastes sur l’alphabétisation et sur la productivité ; les réseaux d’assainissement (drainage des eaux usées, latrines, etc,) sont défaillants dans les villes, et totalement inexistants dans certains quartiers urbains, en milieu rural et péri urbain ; les villes et campagnes deviennent dans ces conditions des environnements insalubres et dangereux pour la santé (terreaux fertiles à la prolifération des moustiques et d’autres vecteurs de transmission des maladies), d’où le taux élevé de morbidité et la faible espérance de vie ; une absence criarde de logements dont les besoins sont estimés à environ deux millions ; un processus de désurbanisation caractérisé par la transformation de plusieurs villes en bidonvilles et de ghettos urbains ; un système scolaire, notamment au niveau supérieur qui est une machine à fabriquer des chômeurs, en raison de son inadéquation aux exigences professionnelles, voire de la vie tout court. 

Au plan politique et sécuritaire : on observe une fragilisation de l’unité nationale, un affaissement de la cohésion sociale, un affaiblissement du sentiment d’appartenance à une communauté de destin ; une perte de confiance des populations dans l’Etat et ses dirigeants, une méfiance accrue entre les populations des régions anglophones et francophones ; un sentiment de désarroi et de désespoir dans la jeunesse; une augmentation pour ne pas dire un encouragement des discours de haine inter-ethnique, avec pour conséquence une remontée du repli ethnique une hausse de la répression des libertés politiques, une dérive vers le totalitarisme avec pour effet entre autres la disparition de l’Etat de droit ; une aggravation de l’insécurité qui se traduit par la hausse de la criminalité. Bref, l’Etat du Cameroun et la nation camerounaise sont en péril.

III. Ni démocratie ni prospérité

En 1990, il y a 29 ans, à la question du journaliste français Yves MOUROUSI sur l’héritage qu’il voudrait laisser à son pays. BIYA Paul répond « Je voudrais qu’on se souvienne de moi comme du président qui aura apporté à son peuple la démocratie et la prospérité. » A la lecture de la situation du Cameroun sus décrite, il est aisé pour le lecteur de constater qu’on est loin du compte. Ces mots, comme tant d’autres prononcés par BIYA au cours de son long magistère, apparaissent aujourd’hui tels qu’ils sont : des incantations. Hélas, la manne ne tombera pas du ciel.

Ce n’est pourtant pas une fatalité : le leadership en est la cause et tout le reste n’est qu’effet. Différentes recherches ont clairement montré la forte corrélation entre d’une part, la nature des institutions politiques et d’autres part, la dynamique de prospérité (ou de pauvreté) dans un pays. Les résultats de ces études permettent d’établir que les médiocres performances du Cameroun présentées ci-avant ne sont pas le fait d’une fatalité. 

Ces recherches montrent que des institutions politiques monolithiques, dites extractives, encouragent l’élection de dirigeants politiques incompétents et illégitimes, dont les performances ne sont pas soumises périodiquement à la sanction des électeurs, en raison de systèmes électoraux truqués, qui ne sont ni transparents ni crédibles. La nature extractive de telles institutions politiques favorise la promotion de prédateurs et de prébendiers dans les principaux rouages à des pays concernés. Elles produisent des incitations au népotisme, à la corruption et à l’impunité dans la sphère politique et particulièrement dans les secteurs exécutifs, législatif et judiciaire. Le plus pernicieux est que ces maux, nés dans la sphère politique, contaminent toutes les autres sphères d’activité y compris l’économie, l’éducation, la santé, etc., qui à leur tour s’affaiblissent, se sclérosent et s’affaissent. 

Le Cameroun en est une illustration parfaite. Dès son accession au pouvoir, le dessein de BIYA Paul fut clairement d’établir un régime politique absolutiste. Ce trait de sa personnalité se signale très tôt, au milieu de la décennie 80, dans une réponse restée célèbre à un journaliste à qui il veut indiquer l’étendue de son pouvoir : « Si j’opine de la tête, vous n’existez plus ». 

Cette ambition du pouvoir absolu conduira au fil du temps à la prise de contrôle par le président de la République de toutes les institutions politiques républicaines – parlementaires et judiciaire notamment-, susceptibles d’être des contrepouvoirs à son pouvoir. Il en découlera une personnalisation et une personnification du pouvoir, en forme de satrapie, avec la cohorte de dérives associées : népotisme, courtisanerie, culte de la personnalité qui confine à la déification, corruption, impunité, etc.

La gestion de la police et de la sécurité est une autre caractéristique manquante du régime de M. BIYA. Alors que les missions classiques de la police dans une démocratie visent à maintenir l’ordre public et à rassurer les citoyens, sous le régime de M. BIYA, elle a pour mission essentielle le maintien du statu quo politique, c’est-à-dire l’Etat de non droit, la terreur et la répression des droits humains fondamentaux. A cet effet, tout le spectre des moyens de répression et de torture sont mobilisés : les ressources humaines, matérielles, organisationnelles, etc. 

La nomination de Mr. MBARGA NGUELE, 88 ans, à la tête de la Délégation générale à la sûreté nationale (DGSN), en est une parfaite illustration. L’intéressé est policier depuis 1951, et se signale surtout par des pratiques répressives coloniales surannées, des méthodes diamétralement opposées aux systèmes d’intelligence modernes, caractérisés par l’anticipation et la pro-activité, soucieux de collecter l’information pour mieux cerner les attentes des populations, y compris en cas de turbulence, aux fins d’y apporter des réponses appropriées.

La même remarque vaut pour l’armée et la gendarmerie dont le rôle traditionnel de protection de l’intégrité du territoire et des populations civiles est dévoyé à l’encontre de celles-ci. 

Dans la même veine, M. BIYA Paul a recours depuis 35 ans à une entreprise privée israélienne, transformée en une sorte de milice privée au nom trompeur de Garde présidentielle (GP) vouée à sa protection personnelle et à celle de sa famille; des dizaines de milliards de FCFA, produits de la peine et du travail des Camerounais, ont ainsi été versés à cette milice depuis sa création ; ce sont également les même mercenaires israéliens qui encadrent le fameux bataillon d’intervention rapide (BIR).C’est à ce prix que M. BIYA Paul est maintenu au pouvoir contre vents et marées, et notamment contre la volonté de ses compatriotes. 

La destruction de l’indépendance des médias, notamment par: la multiplication des titres et des groupes de presse créés par des membres du gouvernement et des personnalités du régime, et qui s’illustrent comme des médias à gage, n’hésitant pas à propager la haine et la division ; le contrôle par le pouvoir de la plupart des journaux à travers des pressions multiples et la corruption ; le maintien dans la précarité juridique des médias audiovisuels par la délivrance des agréments provisoires donnant lieu à un régime dit de “tolérance administrative” qui fait planer comme une épée de Damoclès les menaces de fermeture sur les entreprises de presse qui ne s’alignent pas sur la position du régime. Dans ce contexte, ceux des médias qui travaillent de façon professionnelle font preuve d’héroïsme. 

Enfin « last but not least », la mobilisation de l’ethnie est un marqueur majeur de la gouvernance BIYA. L’exacerbation de ce paramètre dans tous des actes gouvernementaux a contribué à renforcer les divisions ethniques et à démolir toutes tentatives de construction de l’unité nationale. Le leadership de BIYA y recourra constamment dans une logique de conservation du pouvoir, selon le vieux principe de « diviser pour régner ». Il n’est pas étonnant que son « long règne » soit marqué par intensification sans précédent de sentiments ou d’attitudes de division interethniques, au détriment de l’idéal de fraternité républicaine. Les promoteurs de cas courants de haine sont jusque-là restés impunis, quand ils n’ont pas simplement été célébrés. Dès lors, on est surpris par les récents « tweets » de M. BIYA appelant à l’unité nationale et à la défense de la patrie, après avoir semé les graines de la discorde tout au long de son règne. 

Comme prédit par les enseignements des recherches, les dérives nées de la sphère politique ont infecté tous les autres corps de la société : armée, milieux confessionnels et d’affaires, syndicats, institutions scolaires etc.

Un tel mode d’exercice du pouvoir n’est pas mû par des objectifs de performance en matière de développement, mais davantage par l’objectif de consolidation du pouvoir personnel. C’est cette caractéristique qui explique l’absence de vision, de prescription d’objectifs, d’anticipation de système d’évaluation et de contrôle de performance dans la gouvernance BIYA tout au long de son magistère. Elle explique notamment la détérioration de tous les indicateurs présentés ci-dessus jusqu’à la décrépitude actuelle du Cameroun. En résumé, un leadership passif et paresseux qui subit continuellement les évènements au lieu de les anticiper pour en influencer le cours.

IV. Quelques faits saillants de la gouvernance BIYA

Quelques faits présentés ci-dessus illustrent cette gouvernance dénuée de planification, d’anticipation ; de prospective et de visibilité, où l’on subit en permanence le cours des choses.

– la tenue sporadique des conseils des ministres qui ne permet ni une fixation des objectifs, ni un suivi régulier et diligent des affaires du pays; un contrôle laxiste de la gestion des entreprises publiques ou  parapubliques, caractérisé par une absence d’objectifs de performance ou de feuilles de route assignés à leurs dirigeants, il n’est point étonnant que les dirigeants de ces structures y passent 15, 20 voire 25 ans sans contrôle et évaluation des performances et qu’ils (ou elles) en soient débarqués comme ils y ont été nommés c’est-à-dire sans qu’ils (ou elles) en sachent les raisons ; dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les performances de l’ensemble des entreprises publiques ou parapubliques laissent à désirer, qu’elles deviennent un gouffre financier à travers des subventions chroniques davantage qu’une source d’enrichissement pour le pays ; 

– la gestion foireuse des projets structurants, caractérisé par un renchérissement de leurs coûts et un rallongement des délais d’exécution, sans comparaison avec des pays à structure économique similaire au Cameroun ; 

– le fiasco de la préparation des projets liés à l’organisation de la CAN Total 2019;

– l’incapacité à résoudre la crise qui sévit depuis trois ans dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ; 

– les concessions des entreprises d’infrastructures de service public (électrique, eau, rail) dont les résultats sont bien en-deçà des objectifs annoncés ou des attentes des populations ; 

– le Cameroun Business Forum (CBF), plateforme de dialogue publique privé, lancée il y a dix ans pour améliorer l’environnement des affaires, et dont les performances sont éloquentes : le climat d’investissement et des affaires s’est dégradé tel que l’atteste le classement du Cameroun dans le Doing Business 2018; 

– la réalisation des projets sans études préalables d’opportunités en de viabilité, qui deviennent des éléphants blancs dont le financement des fonds propres et service des dettes associés grèvent le budget de l’Etat, autant de ressources susceptibles de financer des infrastructures économiques et sociales cruellement manquantes ; ainsi en est-il des projets tels que « Tracteurs d’Ebolawa », l’usine de manioc de Sangmélima (sans manioc), l’abattoir de Bafang (sans volaille), le barrage de Mekin de 10MW, en construction depuis 8 ans et dont le coût avoisine aujourd’hui 100 milliards de FCFA (environ 200 millions de dollars US), soit 20 millions de dollars US par MW, 7 à 10 fis le coût du MW selon les standards de l’industrie, le barrage de Memve’ele dont la construction se termine en même temps qu’on se rend compte qu’avait été oubliée la ligne d’évacuation d’énergie.

V.  Pour une véritable dynamique de démocratie et de prospérité

Tel est l’état de santé chaotique dans lequel se trouve aujourd’hui le Cameroun. Un pays engagé depuis une quarantaine d’années dans un processus de dégradation continue sous la roulette d’un leadership paresseux et anarchique, qui subit le cours de l’histoire sans volonté aucune de le changer, comme si elle était ordonnée d’avance et par conséquent immuable. Hélas, l’ordre des choses n’est ni écrit d’avance ni ne tombe du ciel. Si rien ne change dans notre pays à la lumière des développements ci-dessus, l’issue de cette histoire est connue : paupérisation et précarité accélérées, insécurité aggravée, déstabilisation de la région ; une jeunesse désengagée qui devient le terreau fertile aux mirages du terrorisme et de l’émigration outre-mer, avec la cohorte des ravages associés.

Nous n’acceptons pas ce scénario fataliste. Nous pouvons et nous devons le conjurer. D’où l’urgence et l’impératif du changement de leadership, d’une dynamique nouvelle et crédible de démocratie et de prospérité. Celle- ci est fondée sur une série de réformes fondamentales, contenues dans notre programme de campagne pour l’élection présidentielle du 07 octobre 2018 (voir site: www.mrcparty.org) que nous engagerons dès que nous serons en capacité de gouverner.

En conclusion, il ressort des développements ci-dessus que l’échec du leadership de M. BIYA, qui a conduit à la situation chaotique du pays, réside dans la mise en place d’un système politique axé sur la ruine de l’Etat de droit, l’hypercentralisation, la personnalisation et la personnification du pouvoir. Il ne s’agit donc pas, pour nous, de problème de personne. À cet effet, toute tentative de redressement du Cameroun doit porter sur la refonte complète de l’Etat, à travers la mise en place d’institutions politiques ouvertes, démocratiques et inclusives. Toute initiative politique visant à relever les défis actuels auxquels notre pays est confronté, en particulier le dialogue inclusif, devra intégrer la question relative à la forme de l’Etat. C’est ce socle de nos préconisations de réformes qui fonde notre adhésion aux propositions récentes des différentes institutions internationales et des pays amis, y compris l’Union africaine, l’Union européenne, le Commonwealth, les USA, la France, le Canada, l’Allemagne, le Royaume Uni, l’Italie, la Hollande, la Belgique, Human Rights Watch et Amnesty International.

LA COALITION DE KODENGUI POUR LE CHANGEMENT IMMÉDIAT DE LEADERSHIP AU CAMEROUN.

Maurice KAMTO (MRC) DHlaw

Christian PENDA EKOKA (AGIR) Albert DZONGANG (DYNAMIQUE) Paul Éric KINCUE (MPCN)

PRISON PRINCIPALE DE KODENGUI (YAOUNDÉ)

LE 10 MAI 2019.

 

 

 

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