Cameroun- Accès à l’eau potable : un dangereux privilège ?

Riche d’un nombre impressionnant de bassins hydrographiques, le Cameroun n’est pas, pour autant, épargné des multiples problèmes liés à l’accès à l’eau potable, à l’image de nombreux pays du continent africain.

Calvaire

Un dicton fort répandu le dit « L’eau, c’est la vie ». C’est certainement l’accès à l’eau qui peut s’avérer mortel au Cameroun. En témoigne la mort brutale, le 4 septembre 2022, d’un enfant de 7 ans qui allait chercher de l’eau potable pour les besoins de sa famille à Nkolmesseng, une périphérie de Yaoundé, la capitale politique du Cameroun. Récipient sur la tête, le petit Junior tentait de traverser la route avant d’être percuté par un véhicule qui l’a laissé mort dans une mare de sang. Inconsolables, ses parents ne s’attendaient pas à un tel sacrifice pour la quête du liquide devenu rare et précieux à Yaoundé.

En effet, les coupures d’eau sont désormais monnaie courante à Yaoundé et contraignent ses habitants à des sacrifices permanents. Pour accéder à l’eau potable dans certains quartiers, les populations se rabattent sur des eaux de source ou de forages, souvent situées à plusieurs dizaines de kilomètres des habitations ; certains vont à pied comme le jeune arraché à la vie sur son périple. Aucun jour ne passe sans que les populations ne crient au ras-le-bol « Je n’en peux vraiment plus. Ma femme est enceinte et mes enfants sont encore très petits. Je parcours plus de 6 Kilomètres tous les jours pour ramener de l’eau à la maison. J’ai pourtant un robinet dans ma cour », s’exaspère Jacques Nyemb, locataire du quartier Simbock à Yaoundé.

Maman Hélène du quartier Olembé, non loin du palais présidentiel, a tellement eu l’habitude des coupures d’eau qu’elle s’en accommode tant bien que mal « Désormais, je considère que c’est Dieu qui me garde moi et mes enfants. Parfois, nous buvons de l’eau du puits ou de l’eau des pluies. Nous y mettons un peu d’eau de Javel pour la rendre pure. Jusqu’ici, nous allons bien », développe-t-elle sans cacher son ignorance sur les précautions précises à prendre pour Javelliser convenablement une eau.

Annonces creuses ?

Illustration, une jeune dame qui se ravitaille en eau potable

Le tourment des populations camerounaises n’est pas ignoré des pouvoirs publics et précisément des autorités en charge des questions hydriques. Il est bien connu que les besoins quotidiens en eau potable des habitants de la ville de Yaoundé sont couverts à un peu plus de 20% seulement. Il faut environ 300 000 mètres cube d’eau potable par jour pour satisfaire les besoins des habitants de la cité capitale en eau.

Si les officiels de la Cameroon Water Utilities Corporation, la société chargée du service public de l’eau potable et de l’assainissement au Cameroun, justifient la difficulté à atteindre ce cap par la vétusté de certaines infrastructures et la non-exploitation d’autres usines, qui limitent les capacités de production, il est loisible de remarquer que même à leur capacité maximale les usines de la Mefou (50 000 mètres cube) et celle de Nkomnyada (180 000 mètres cubes d’eau) ne changeront pas la donne. Le ministre de l’Eau et de l’Énergie, Gaston Eloundou Essomba, a effectué le 5 septembre sur le site de la station qui dessert Yaoundé, non sans prescrire des mesures d’urgence dont l’impact sera visible d’ici la fin du mois. Les populations s’impatientent en promenant l’idée d’une nouvelle illusion gouvernementale.

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La goutte d’or nécessaire

La pénurie de 2022 en eau potable au Cameroun a tout pour préoccuper sur le droit à l’eau potable dans le pays. D’année en année, le scénario est le même. La classe moyenne et l’élite politique ont les possibilités de s’offrir une eau de qualité supérieure alors que les couches défavorisées vivent sous le poids du rationnement de l’eau de la Camwater dont la qualité est d’ailleurs remise en question. Quand les autorités ne donnent pas l’impression que les populations sont condamnées à subir en implorant une action de leur part, elles adoptent des démarches contreproductives. Voilà qui nous plonge au cœur d’un épineux problème commun à quasiment tous les pays d’Afrique.

Devant la nécessité de faire bouger les lignes au plan continental, de nombreuses initiatives fleurissent pour accentuer la sensibilisation et pousser les gouvernements à agir avec lucidité. Dans la mosaïque des actions salutaires, il y a assurément l’atelier, pour son Réseau des journalistes africains spécialisés sur le développement durable et le changement climatique, que l’association Africa 21 a organisé avec ses partenaires à Dakar du 15 au 19 août 2022, sur les enjeux de l’eau en Afrique.

Le temps de sept sessions conduites en format hybride, les grandes problématiques liées au droit à l’eau en Afrique ont été scrutées par des experts de première main. Si cela n’est pas véritablement connu de tous, Moez Allaoui, le Conseiller auprès de la Direction générale, Société Nationale d’Exploitation et de Distribution des Eaux de la Tunisie a martelé que l’accès à l’eau est un droit inaliénable et que cette eau doit être de qualité pour la santé des populations.

Une autre problématique qui a polarisé l’attention, c’est celle des politiques désavantageuses qui sont mises en œuvre dans les pays africains. Avec mesure et précision, le Dr Boubacar Barry, Conseiller scientifique et Secrétariat exécutif du 9e forum mondial de l’eau a détaillé l’opportunité que représentent les eaux usées sur le continent.

« 90 % des eaux usées dans nos pays sont déversées, partiellement traitées ou telles qu’elle dans les cours d’eau, les lacs et la mer. Nous, on prend, on utilise, on jette. Ce sont des données sur lesquelles vous devez interroger vos politiques. Que faites-vous de cette masse d’eau fantastique qui est une richesse en réalité ? Mais parce qu’ils ne savent pas, ce sont des milliards de dollars qui sont là qu’on va jeter dans la mer, alors qu’on pouvait les réutiliser autrement. », a regretté l’hydraulicien. Non sans alarmer que la carence en eau sur le continent pourra atteindre la barre des 74 % d’ici 2040.

Le 9ème Forum mondial de l’eau de Dakar avait aussi l’ambition de préparer les journalistes à la prochaine Conférence de la Décennie des Nations Unies de l’eau  prévue du 21 au 24 mars 2023 à New York, pour davantage réfléchir aux actions salutaires qui permettront de rompre avec les politiques qui entretiennent le ras-le-bol des populations.

Edité par Flavie Amoah

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