Cameroonvoice : Le titre assez évocateur de votre livre (Au pays de Si je savais) suggère une compréhension double ; il nous laisse à la fois imaginer qu’il s’agirait du témoignage d’un marcheur pacifique qui regrette s’être engagé ou qu’il s’agit plutôt de la preuve vivante de la cruauté d’un régime vis-à-vis de manifestants pacifiques. Que traduit-il précisément ?

Claude Mouaffi : C’est vrai le titre est assez évocateur sur ce que peut être le contenu de ce livre. Il témoigne justement du parcours de quelque 300 camerounais arrêtés injustement à la suite des protestations pacifiques du 26 Janvier 2019, torturés, accusés des pires crimes contre l’Etat avant d’être jetés dans les prisons principales et centrales de Yaoundé. Ce soir du 26 Janvier un Ministre de la république, Monsieur Atanga Nji, pour ne pas le nommer, avait promis à ces Camerounais pacifistes de les envoyer « au village de si je savais ». Le titre donc est un contre-pied à ce ministre, pour lui dire nous n’avons jamais été dans ce soi-disant « village de si je savais ». Nous assumons et continuons à assumer devant l’histoire notre engagement. C’est un devoir pour notre génération et c’est pour une cause juste et noble.
Cameroonvoice : Qu’est-ce qui vous a décidé à raconter cette expérience ?
Claude Mouaffi :Déjà je tiens à souligner que nous ne nous sommes pas engagés dans ce combat pour un Cameroun plus juste, plus libre et prospère pour tous ses enfants dans l’optique d’écrire un livre pour se tagger le fameux titre d’écrivain, ou encore satisfaire un projet narcissique d’avoir un livre en rayon dans les librairies. Ecrire ce livre est pour moi une contribution de plus pour notre lutte. A travers ce livre nous souhaitons lever le voile sur les faits graves qui se passent dans ce pays. Nous pensons aussi, en l’écrivant, à inscrire dans le temps ce combat que nous avons librement choisi de mener et ceci pour servir de mémoire pour nous et ceux qui prendrons le relais après nous.
Cameroonvoice : Avez-vous le sentiment que le régime en place promène des regrets après les multiples bavures de cet ordre infligées à de citoyens sans défense ?
ce régime depuis plus de 38 ans n’a jamais exprimé de regret face à quelque injustice que ce soit contre sa population…c’est pour cela qu’il faut continuer à résister pour obtenir un pays libre
Claude Mouaffi
Claude Mouaffi : Vous le savez certainement autant que moi que ce régime depuis plus de 38 ans n’a jamais exprimé de regret face à quelque injustice que ce soit contre sa population. Aujourd’hui malgré toutes les évidences d’une guerre inutile au NoSo, une crise politique née de la dernière élection présidentielle qu’on aurait pu éviter, le régime bombe toujours le torse, n’écoute personne à part lui-même. N’utilise que le langage de la force là où la situation commande le dialogue et l’entente. Donc ce régime ne regrette pas, et ça ne m’étonne pas ; c’est pour cela qu’il faut continuer à résister pour obtenir un pays libre.
Cameroonvoice : Qui tenir pour responsable de ces écarts ?
Monsieur Biya est le seul responsable de cette déconvenue il doit EN PORTER la responsabilité entière
Claude Mouaffi
Claude Mouaffi : Monsieur Biya est le seul responsable de cette déconvenue. D’ailleurs il est le seul responsable du drame dans lequel se trouve notre pays. Je n’aime pas les évitements qui consistent à détourner cette responsabilité pour l’attribuer à son entourage. Il est le chef de son régime, il doit porter la responsabilité entière des dérives de celui-ci.
Cameroonvoice : Qu’est-ce qui peut expliquer le fait qu’ils restent impunis selon vous ?
Claude Mouaffi : Monsieur Biya et son régime ont créé, un système de copinage qui est aux manettes du pays. Dans ce genre de système il n’y a pas de responsabilité face aux actes posés. Les dignitaires du régime sont se soutiennent dans cette forfaiture de telles sortes que punir les mauvaises actions d’un seul risque de fragiliser tout le régime. Du coup on fait tout pour passer sous silence les forfaitures et crimes des uns et des autres.
Cameroonvoice : Quel est l’impact de l’incarcération sur votre engagement initial ? Votre engagement pacifique est-il entamé ?
Claude Mouaffi : Je me suis engagé dans ce combat avec une pleine connaissance des risques qui peuvent être liés dans un contexte de dictature comme le nôtre. J’ai choisi la voie de mener mon combat, j’ai choisi de mener un combat des idées, donc pacifique. Aujourd’hui mon engagement est le même qu’avant mon incarcération, sinon je suis plus convaincu qu’il faut mener ce combat afin de pouvoir laisser à nos enfants un pays ou personne n’ira en prison juste pour avoir exprimé, et d’une manière pacifique, ses idées.
Cameroonvoice : D’où viendra la solution selon vous ?
Claude Mouaffi : La solution aux problèmes de notre pays viendra des Camerounais. Ils sont les seuls à pouvoir trouver la solution à leur problème, car ils sont les seuls qui comprennent mieux leur problème que quiconque. Ils sont aussi les seuls à savoir les rêves qu’ils chérissent pour l’avenir. Ce qu’il est important c’est d’expliquer et de montrer que ces problèmes ont une solution. C’est ce que nous essayons de faire.
Cameroonvoice : Quel est le message que vous pouvez envoyer aux personnes qui croulent en silence sous le poids de l’injustice entretenue par le régime actuel ?
Claude Mouaffi : Pour moi je suis optimiste pour l’avenir de ce pays. Je vois, pour l’avenir, un pays où ses enfants font de belles aventures sur leur propre terre, où la jeunesse a repris gout à la vie, un pays où la population est libérée de toutes ses chaines d’aliénation. A mes compatriotes qui souffrent en silence dans la caverne de l’injustice, je leur envoie un message d’espoir et leur demande de tenir bon, nous allons ensemble libérer ce pays de cette dictature.
Cameroonvoice : Des indiscrétions laissent penser que le régime Biya a engagé de sombres manœuvres avec l’aide de la France pour se maintenir au pouvoir à travers une succession de gré à gré. Si l’information est avérée quel est le regard que vous y portez ?
le transfert de pouvoir de gré à gré est une option que le régime de Biya travaille durement pour implémenter. Mais ce régime doit savoir une chose ; il va nous trouver en face
Claude Mouaffi
Claude Mouaffi : Nous savons, qu’en Afrique surtout francophone, les dictatures ont cette capacité de se maintenir au pouvoir par tous les moyens y compris un changement d’Homme qui n’est en rien le changement espéré par le peuple. Ceci se passe souvent avec l’aide des pays qui étaient hier nos colonisateurs. En ce qui concerne le Cameroun, nous savons qu’une telle manœuvre de transfert de pouvoir de gré à gré est une option que le régime de Biya travaille durement pour implémenter. Mais ce régime doit savoir une chose ; il va nous trouver en face. Nous ne nous laisserons pas faire. Nous profitons aussi pour dire aux soutiens d’un tel projet à l’étranger que non seulement il est indécent en 2020, mais que c’est peine perdue pour eux.
Cameroonvoice : A qui est destiné votre livre ? Et comment s’en procurer ?
Claude Mouaffi : Le livre est destiné à tous ceux qui s’intéressent à la marche politique du Cameroun. Ce livre n’est pas un manuel de militantisme politique, il parle des faits et attirent l’attention des uns et des autres sur la situation politique camerounaise. Il est disponible au Cameroun et les contacts de vente sont pour Yaoundé : 671833336 et pour Douala 698162786 et sur Amazon pour les personnes hors du Cameroun.
