Endettement : Babissakana répond à la représentante du FMI au Cameroun

Malgré la lettre de réforme que vous avez adressé au gouvernement, le Fmi a finalement accordé un prêt de 72 milliards. Qu’est-ce que cela vous inspire?

La lettre de réforme a été adressée le 5 juillet 2009 à M. Yang Philémon, Premier Ministre, Chef du Gouvernement en perspective d’une impulsion salvatrice d’inflexion et de rupture par rapport à son prédécesseur qui était déjà profondément enfoncé dans la combine de consacrer le règne impérial de la tutelle financière injustifiée du Fmi sur notre économie et notre société. Sa lettre d’intention a été signée le 18 juillet 2009 et le prêt de 144,1 millions de dollars a été accordé le 2 juillet par le Fmi. Au delà de la dénonciation de cette opération financière dénuée de toute logique et de toute rigueur d’efficience allocative, notre interpellation citoyenne à l’attention du nouveau premier ministre reste d’une brûlante actualité en cohérence avec l’impératif de la mutation fondamentale de notre économie qui passe par un plan pluriannuel de relance économique et pour lequel la disqualification de la primauté du Fmi est une exigence vitale.

Il faut savoir que la séquence d’intelligence marketing du Fmi a été d’introduire à l’aide de ce prêt injustifié du 2 juillet 2009, l’engagement du Gouvernement camerounais à signer un nouveau programme de stabilisation économique de trois ans appuyé par un autre prêt sous la forme de la Frpc. C’est pour cette raison que nous invitons M. Yang à ne pas accepter de replonger le Cameroun dans un schéma de stabilisation du type Fmi en refusant cette autre offre financière indécente du Fmi.    
 
La représentante résidente du Fonds monétaire internationale (Fmi), Malangu Kabedi-Mbuyi, le président du comité technique de suivi des politiques économiques (Cts) du ministère des finances, Jean Tchoffo et le secrétaire permanent de cette structure, M.  Mebada éclairaient mardi dernier la lanterne du public au siège de la Beac nationale.  Cette mobilisation se justifie t-elle?

Cette mobilisation à posteriori sous le leadership de la commerciale en chef du Fmi au Cameroun assistée des responsables du CTS confirme le caractère effectivement indécent et impropre du prêt de 144,1 millions de $US dans une optique de gestion financière optimale et efficiente. Nous attendions des explications du Gouvernement sur cette manière cavalière, peu orthodoxe d’endetter le pays et non du Fmi. Mais cette attitude du Fmi à prendre les devants pour tenter de justifier une opération financière inefficiente et peu intègre de l’Etat du Cameroun à la place de notre Gouvernement confirme probablement aussi que cette institution a quelque chose à se reprocher. Pourquoi la lettre d’intention n’a pas été publiée par le Gouvernement ? Pourquoi le ministre des finances n’a pas au préalable invité la presse pour informer l’opinion de son changement à 190° de stratégie financière en quelque mois seulement ? 
 
Dans ce contexte de crise, la Représentante résidente a affirmé que la lettre d’intention adressée librement par le gouvernement camerounais permet de combler le déficit budgétaire et de lutter contre les chocs exogènes, ce qui contredit les réserves de change que vous défendez…

Son affirmation est maladroite et même fausse car ses explications relayées par la presse sur la justification du prêt indiquent manifestement que la lettre d’intention a été en réalité écrite par le Fmi et seulement signée par le Premier Ministre. Il faut savoir que la « lettre d’intention » est l’équivalent d’un formulaire de demande de crédit dans une banque. Pour que cette demande passe au Fmi, il faut que ses fonctionnaires la corrige et la valide au préalable en informel pour qu’officiellement elle soit transmise.  
 
Dans son communiqué du 2 juillet 2009, la justification du Fmi pour ce prêt est la suivante : « Ce concours financier du Fmi aidera le Cameroun à contenir la diminution de ses réserves internationales et à protéger ses dépenses prioritaires (investissements, santé et éducation) ».

Nous disons simplement et clairement qu’au plan extérieur (balance de paiements) l’évolution des réserves internationales du Cameroun ne justifie pas un emprunt auprès du Fmi. Car, de décembre 2008 à mai 2009 les réserves internationales sont passées de 1 487 milliards de Fcfa à 1 602 milliards de Fcfa soit une hausse de 115 milliards de Fcfa (+7,7%) en cinq mois. De plus, il faut savoir que le Cameroun étant membre de la Beac, les réserves internationales sont mises en commun. Dans la zone Beac ces réserves sont de 6 740 milliards de Fcfa en mai 2009. 

Au plan interne (budget de l’Etat) et dans une logique d’indépendance décisionnelle et de souverainement économique, nous confirmons qu’aucun Etat normal (au service de ses citoyens) ayant en dépôts liquides dans les banques à fin mars de 653 milliards de Fcfa d’une part, et ayant des possibilités de financement auprès de sa banque centrale ( institution publique de souveraineté) de 373 milliards de Fcfa d’autre part, ne peut aller emprunté 67 milliards au Fmi institution dont la vocation est d’intervenir quant un Etat-membre est en crise financière. 

Pour elle, le recours au Fmi est simplement une “option prise par l’Etat du Cameroun”, une “soupape de sécurité”….

Ce charabia avancé par le chef d’agence du Fmi au Cameroun manque lamentablement de consistance et de pertinence pour une gestion financière publique efficiente et proactive. L’Etat du Cameroun ne peut pas se permettre de conserver de manière disproportionnée des liquidités (surliquidité étatique) pendant que ses citoyens et majoritairement les jeunes croupissent dans le chômage (plus de 25% actuellement) et la misère, son économie est déstructurée et en obsolescence technologique, ses infrastructures laissent à désirer et son agriculture est au ras du sol ! Nous notons bien que ce sont bien les faux conseils du Fmi que le Gouvernement s’est encore une fois de plus permis de suivre bêtement. Ce fonctionnaire du Fmi défend son business. Ce prêt peut être interprété comme un cadeau de départ pour elle en reconnaissance du travail bien fait pour l’obtention du traitement de la dette en 2006. Mais en terme pertinence et d’efficience économique pour un pays qui impérativement besoin d’un vaste plan pluriannuel de relance économique pour impulser la mutation de son économie et de sa société, c’est plutôt un scandale.        
 
Mais cet emprunt n’a t-il aucun avantage vu  la réduction des intérêts à 0.5 % par an, c’est-à-dire 350 millions de Fcfa chaque année pendant 5 ans?

Lorsqu’un Etat moderne dispose d’une trésorerie abondante comme le Cameroun actuellement et surtout ayant une position de solvabilité robuste, un emprunt venant du Fmi à 0,5% est une mauvaise affaire. La présence des financements du Fmi dans le montage financier du budget de l’Etat indique une situation de crise financière et d’incapacité de cet Etat à s’en sortir tout seul. Le Cameroun peut et doit lever les volumes importants de financement de projet industriels et d’infrastructures. Dans ce domaine, le Fmi n’a aucune compétence. Vous pouvez faire recours aux banques d’affaires et de développement à cet égard. Mais, surtout à la levée des capitaux privés nationaux et internationaux.      
 
La nouvelle panoplie d’instruments de prêt du Fmi avec la conditionnalité simplifiée n’est –elle pas bénéfique pour les pays emprunteurs?

Les instruments financiers du Fmi sont utiles pour les pays en crise et ayant des difficultés de viabilité de leurs balances des paiements. Dès la sortie de la crise, les financements du Fmi ne sont plus indiqués. C’est notre cas depuis 2006. Les Etats sérieux remboursent d’ailleurs par anticipation les encours de financement du Fmi dès leur sortie de crise.  
 
Comment peut-on à votre avis mieux coordonner les activités du Fmi?

Pour le Cameroun à l’heure actuelle, la meilleure option est de revenir à la situation d’avant la crise de 1987 c’est-à-dire que le Fmi reste un conseil institutionnel faisant la surveillance des nos politiques dans le cadre de l’article IV de ses statuts. Il peut être sollicité en plus au cas par cas pour des missions ad hoc d’assistance techniques dans ses domaines de compétence (politiques macroéconomiques). Le gouvernement doit reprendre en main en toute autonomie la formulation et la mise en œuvre des politiques publiques en faisant recours à une diversité de conseillers ou consultants internationaux et nationaux indépendants en fonction des besoins.
 
Les politiques économiques des Etats africains  et leur recours au Fmi repose la problématique de l’aide. Sont-ils réellement obligés de s’endetter?

Tout Etat moderne fait recours à l’endettement. Des lors qu’Etat parvient à mettre en place une gouvernance financière saine, basée sur les principes d’intégrité, de transparence et de responsabilité, sa stratégie d’endettement ne peut pas être centrée sur l’aide, mais sur la qualité de sa signature permettant d’accéder aux marchés privés de capitaux.   
 
Comment résister au Fmi et s’organiser librement afin de réduire l’asservissement séculaire pour les futures générations?

Tout dépend de la qualité appropriée du leadership étatique fondée prioritairement sur la compétence éthique et morale des dirigeants. C’est la condition critique pour restaurer notre souveraineté économique effective afin d’impulser une dynamique de progrès social rapide et durable. Mais les autres composantes de la société notamment civile et les citoyens doivent y contribuer activement.

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