Le symposium sur les Etats unis d’Afrique a démarré hier sous les chapeaux de roue. Organisé conjointement par l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et le ministère des Affaires étrangères, cette rencontre a enregistré la participation d’importantes personnalités du monde de la culture, des arts et des sciences, mais aussi d’éminentes personnalités telles que Jean Ping et le chef de l’Etat, maître Abdoulaye Wade. En panafricaniste convaincu, Me Wade a prononcé un discours sur «l’état de l’Union». Et, c’est pour dire tout haut ce que tout le monde savait déjà : «Le chemin qui mène aux Etats-Unis d’Afrique est long, difficile en plus d’être parsemé d’embûches. A ce titre, il cite l’indécision de bon nombre d’Etats (l’Afrique du nord), la crainte de la perte de la souveraineté toujours exhibée, la question linguistique, mais aussi et surtout les coups bas de l’Europe». «Je n’ai jamais été compris. Je sais que cette fois-ci je ne serai pas compris», dit-il en prévision du tollé que va certainement susciter sa diatribe contre l’Occident.
D’après Me Wade, «les pays occidentaux font tout pour torpiller les efforts du continent noir pour parvenir à l’union selon «un plan mûrement réfléchi» en cherchant à en extraire certains Etats pour les emmener dans leur giron et dans leur zone d’influence».
En tous les cas, c’est le sens qu’il donne à la création de l’Union pour la Méditerranée (Upm), qui n’est pas seulement économique, culturelle et sociale, mais aussi politique. «Qu’on ne s’y méprenne pas, avertit Abdoulaye Wade, le but ultime c’est d’isoler l’Afrique plus qu’elle ne l’a déjà été». Car, s’interroge-t-il, «comment un pays peut-il à la fois appartenir à l’Afrique et à l’Europe ? Il y a là anguille sous roche». Cela s’est matérialisé, renchérit le chef de l’Etat, par l’octroi de certaines faveurs aux pays du Maghreb : visas d’entrée en Europe et dans l’espace Schengen. Alors que «pour nous autres pays africains, qui avions tissé des accords de coopération pour freiner l’émigration clandestine, les portes du vieux continent, l’Europe, nous sont plus que jamais fermées. A la place, on nous propose l’émigration choisie qui n’est qu’une façon parmi mille autres de nous prendre notre matière grise : ingénieurs, chercheurs, médecins, informaticiens…» Ce que naturellement, lui, Me Wade ne peut, en aucune façon, ni concevoir ni accepter. Toutes choses qui lui font dire que «l’heure est venue de se ceindre les reins en invitant les Africains à ne pas se perdre dans des débats creux et stériles, car l’heure est à l’union et c’est tout bénéfice». Et le chef de l’Etat de faire miroiter son monde : «Un seul Etat, une monnaie unique, un seul passeport, liberté de mouvement ! Imaginez ce que cela fait. Et dans cette entreprise, nous ne forçons personne», allusion faite aux pays de l’Afrique du Nord.
Parlant de ces derniers, Abdoulaye Wade les a sommés de se déterminer : «Ou vous appartenez au bloc de l’Afrique ou vous appartenez au bloc des pays européens.» Pour ne pas être victimes de cette farce ? Me Wade affirme qu’ils ont pris les devants en accroissant la coopération avec l’Amérique du Sud et l’Asie qui comprennent le cri de cœur des africains.