Les faits
Tribunal de première instance de Mbanga mardi 28 juillet. Près de 500 personnes sont présentes à l’audience. « Inhabituel » s’exclame un greffier. Elles viennent de Maleke, une localité située à 40 kilomètres de Douala en allant vers Bafoussam.
Près de 300 familles sont poursuivis pour coaction et complicité des délits de trouble de jouissance ; menaces sous conditions de destruction et de rétention sans droit de la chose d’autrui. La citation directe a été établie suite à la requête d’Elise Pelami, commerçante, Luc Pelami, Pauline Tchouake, et Ebenezer Njanta expert comptable, tous basés à Douala. Rendue à la 2e audience, les plaignants ne se sont toujours pas présentés devant le tribunal. Et tous les efforts de La Nouvelle Expression pour les rencontrer sont restés vains.
Selon la citation directe établie le 16 juin 2009, ils disent détenir coutumièrement un terrain de 100 ha au lieu dit mami wata à Maleke. Une commission consultative chargée de la gestion du domaine national, présidée par le chef de district d’Abo est descendue sur les lieux le 22 septembre 2008, et « n’ayant enregistré aucune contestation de la part des riverains ; a posé une dizaine de borne pour le délimiter et le matérialiser ». Deux jours après, une équipe technique se présente sur les lieux pour effectuer les levés topographiques ; elle rencontre la résistance des populations ; « ces assaillants ont copieusement bastonné leurs préposés ; déterrés les bornes et emporté par devers eux impunément » indique la citation.
Faux rétorquent en bloc les personnes incriminées. « Nous n’avons jamais vu de commission à Maleke, ni bastonnés des ouvriers. Nous occupons le terrain depuis près de 100 ans ; nos parents avaient reçus l’aval du sous préfet de l’époque des allemand pour mettre en valeur ce terrain, c’était encore la forêt vierge » se souvient Oscar Njeukam ; 86 ans. Il est né à Maleke ; son père s’y installe au début du siècle dernier en provenance de Bafang comme plusieurs autres ici. « C’est avec la hache et les machettes que nous avons ouvert la forêt, à l’époque ; les trains marchaient encore au charbon, la route n’était pas encore goudronnée» soutien Marie Tchankam, 65 ans ; elle aussi né dans le coin et cultive cette terre de mami wata depuis quarante cinq ans.
Toute une vie
Ils ont créé ce village et n’avaient jamais entendus parler d’une famille Pelami jusqu’à l’année dernière. Ebenezer Njanta se présente, pour « mettre les bornes sur son terrain » « c’était en 2008, on semait les pistaches ; ils sont venus nous dire que leur père a acheté ce terrain de 100ha à la communauté Kake ; voisine ; il voulait détruire nos cultures pour planter des palmiers ; sans titre foncier » explique Bernard Tchamgoué l’une des personnes cités dans cette affaire. Commence alors la crainte de se voir exproprier. Ils écrivent aux chef de district de Bonalea, procureur du Tpi de Mbanga, chef de service cadastre, conservateur foncier et au préfet du Moungo. Des intimidations s’en suivent ; auditions à la brigade de gendarmerie plusieurs fois, des éléments de la gendarmerie armes au poing accompagneront même le sieur Njanta dans l’une de ses tentatives de levée topographique, sans succès. La communauté porte plainte contre l’expert comptable le 26 octobre 2008 ; sans suite. Elle a répondu à la citation directe du Tpi de Mbanga dans le seul espoir « que justice soit faite ; ce monsieur veut corrompre les gens pour nous arracher nos terres ». Près de la moitié des 2000 âmes de Maleke sont concernés par cette menace d’expropriation. La localité s’étend sur sept quartiers ; pas d’eau, pas l’électricité, pas de centre de santé, une école publique. Tout le monde ici est cultivateur ; de manioc et autres cultures vivrières. Ils produisent principalement de bâton de manioc écoulé à Douala. Le terrain querellé est voisin du site d’extension de l’université de Douala, une manne pour les investisseurs…