Les Débiteurs véreux règlent le compte du Liquidateur Frédéric Ekandè

L’ex liquidateur croupit en prison, victime du devoir bien fait. Son crime est en effet d’avoir bien fait son travail. Et de s’être par conséquent attaqué aux barons du régime. Histoire d’un chasseur devenu la proie.

L’épervier a-t-il pris la grippe ? C’est la question que l’on est en droit de se poser, au vu de la tournure que prend cette opération de lutte contre le détournement des deniers publics. L’ancien liquidateur du Crédit Agricole du Cameroun (CAC), Frédéric Ekandè, est depuis six mois, incarcéré à la prison centrale de Yaoundé. Ceci dans le cadre justement de l’Opération épervier. Il est reproché à cet ancien député du département du Moungo, des abandons de créances. Ce qui le rend suspect de détournement de deniers publics par cette voie. Ainsi, le ministère public le soupçonne d’avoir, contre rétribution illicite, abandonné des dettes évaluées à quelque 500 000 000 F Cfa, à des clients véreux de la défunte banque des agriculteurs.

Une accusation grave, qui fait peser sur lui des menaces d’emprisonnement lourdes, comme on en a vues dans le cas d’autres victimes du rapace de Biya. D’anciens dirigeants de structures étatiques ont récemment écopé de diverses peines relativement sévères, convaincus par la justice, de faits de détournement. On peut ainsi citer Alphonse Siyam Siwé, ancien Dg du Port autonome de Douala, Joseph Edou du Crédit Foncier du Cameroun, Emmanuel Gérard Ondo Ndong du Feicom etc. Des condamnations qui ont très favorablement été accueillies dans l’opinion. A côté, d’anciens ministres tels Polycarpe Abah Abah, Olanguena Awono, Atangana Mebara, attendent d’être jugés. Il faut reconnaître que les camerounais en avaient assez du pillage impuni de leur patrimoine, tant les détournements et la corruption étaient devenus un ostensible et impunis. Comme assoiffée de sang, l’opinion réclame des têtes. Et, par dose homéopathique, à un rythme dont il a seul la maîtrise, le pouvoir lui en donne. Même celle d’un innocent.

Entre règlement de comptes et désir de justice

Le cas de Frédéric Ekandè ressemble plus à un règlement de comptes qu’à autre chose. Il ressort de nos enquêtes que son prédécesseur, le français Claude Tournaire alors Administrateur provisoire, avait largement pratiqué, et de manière aléatoire, la technique d’abandon de créances. Il a pourtant quitté librement le Cameroun. A peine Fréderic Ekandè prenait-il fonction, qu’il dénonçait déjà la convention par laquelle le français cédait à la CBC, des engagements de 12 milliards pour un paiement de 2 milliards ! Un seul cas parmi tant d’autres. L’administrateur provisoire avait une conception bien à lui de sa mission. En témoigne son bilan de clôture pour l’exercice 96/97. « Les engagements globaux se chiffrent à 50 529 milliards pour lesquels il avait prévu un abandon de créances de 35 792 milliards, et ne retenait que 14 671 milliards. » Indique une source proche du dossier. La même source ajoute que dans ledit bilan, le français a consommé 6 188 955 757 FCFA de dépenses de fonctionnement, en seulement 12 mois. Il en ressort également des engagements par signature hors bilan au passif de 5 715 067 301 FCFA et à l’actif hors bilan de 327 340 382 FCA.

« En clair, Claude Tournaire jouait plus pour les débiteurs et pour lui-même, que pour les créanciers de la banque en difficulté. » Déplore notre informateur. Une tendance que Frédéric Ekandè s’est attelé à inverser. Ainsi, à son arrivée, soit un jour après la publication du bilan de clôture, il a recensé 55 milliards d’engagements globaux (contre 50 528 pour Tournaire). « Il a fondé son action de recouvrement sur la totalité de cette somme, faisant renaître un gain d’espérance de recouvrement de 73,21% par rapport aux prévisions de son prédécesseur. Claude Tournaire en effet, n’avait retenu comme probables engagements recouvrables que 14 737 millions, soit 29,1 % des engagements globaux. » Note notre source. Il fait observer en outre qu’aujourd’hui, en comparant, la différence saute aux yeux, entre le français et le camerounais. « Ekandè a recouvré 11 418 milliards, soit 77,48 %   comparé aux 14 737 milliards que prévoyait son prédécesseur. Mieux, le coût de sa gestion est de 2 379 milliards sur 44 mois alors que Tournaire affichait 4 631 milliards sur 12 mois sans aucun franc de recouvré. Faites la comparaison ! » S’indigne notre source. 

    L’un des éléments de comparaison le plus parlant c’est donc les charges d’exploitation. Frédéric Ekandè dépensait mensuellement 54 083 millions, contre 385 908 millions, économisant chaque mois ainsi, la somme de 331 825 millions. En projetant cette économie sur 44 mois, c’est une économie globale de (331 825 x 44) soit 14 600 300 000 FCFA qui a été réalisée. Selon nos informations, les dépenses de fonctionnement sont allées decrescendo d’une année sur l’autre. Ainsi, pour l’exercice 97/98 elles se chiffraient à 535 millions ; à 595 millions en 98/99 ; 442 millions en 99/2000 ; 411 millions en 2000/2001 ; 390 millions en 2001/2002. On estime ainsi à 26,86 %, la diminution moyenne des charges depuis l’ouverture de la Liquidation par Ekandè. Notre source parle dès lors de cynisme, en évoquant l’incarcération de ce patriote. Argument : « Si l’on peut estimer que sous l’Administration provisoire, les banques partenaires du CAC auraient versé des intérêts de 34 770 millions, qui seraient purement et simplement des recouvrements captifs, soit une moyenne mensuelle de 2 898 millions, il convient de rappeler que sous la Liquidation 11 418 532 milliards ont été recouvrés, soit une moyenne mensuelle de 259 512 millions. »

Il poursuit en soutenant que « Tout ce travail de redressements, de régulations, de contre passation des écritures pour déterminer un solde exigible au crédit et au débit, c’est l’Administration provisoire, avec ses effectifs pléthoriques, qui aurait dû le faire avant de le passer à la Liquidation. En somme, avec moins de moyens, Fréderic Ekandè a fait, et son travail, et celui de son devancier. Et dire que sa facture de 3 milliards pour ce travail ne lui a jusqu’ici pas été payée, suivant les dispositions que celui- a signé avec le gouverneur de la banque centrale, Félix Mamalepot.»

Notre informateur affirme qu’en réalité, ce que l’accusation appelle abandon de créances, est plutôt un abandon d’agios dicté par le simple bon sens. Il ne fallait plus faire courir des agios sur des créances que les débiteurs avaient déjà de la peine à honorer. « Les faits lui donnent aujourd’hui raison, même si c’est à ses dépens. Ce sont justement ces débiteurs intouchables, qui n’entendent pas rembourser ce qu’ils doivent, qui téléguident la procédure engagée contre l’ex liquidateur. Ce sont pour la plupart, des pontes du régime. » Paul Biya devrait donc administrer un puissant anti grippal à son épervier, afin qu’il voit plus clair, et distingue entre règlement de compte et désir de justice. Sinon, le volatile vole à sa perte.

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