Madagascar : le président déchu accuse la France

Elu en 2002 puis réélu en 2006, celui que l’on surnommait le “PDG de Madagascar” n’a pas accepté sa mise à l’écart le 17 mars. Ce jour-là, l’armée pousse Marc Ravalomanana à quitter le pouvoir et le confie à Andry Rajoelina qui mène la contestation dans la rue depuis trois mois. La communauté internationale dénonce le coup d’Etat de l’ancien maire de la capitale malgache.

A quelques jours du sommet d’Addis-Abeba (Ethiopie), du 3 au 5 novembre, qui doit finaliser le schéma de transition devant aboutir à une élection en 2010, Marc Ravalomanana explique sa position.

Que direz-vous à Addis-Abeba ?

J’y répéterai qu’il faut respecter l’accord signé à Maputo en août par les quatre chefs des mouvances (Andry Rajoelina, Marc Ravalomanana et les deux anciens présidents Albert Zafy et Didier Ratsiraka) qui parle de la “neutralité” de la transition. Pour respecter celle-ci, les médiateurs internationaux m’ont poussé à ne pas participer au gouvernement de transition alors même que je suis le président élu. Le putschiste Andry Rajoelina doit faire de même et quitter son poste de président de la transition. Aux médiateurs de faire leur travail.

Cette condition est-elle non négociable ou s’agit-il d’une monnaie d’échange pour obtenir, lors du sommet, davantage de portefeuilles ministériels ?

Je ne joue pas avec les principes. Ce n’est pas mon intérêt personnel qui compte mais l’intérêt national. Le leader d’un coup d’Etat ne peut pas être légitimé. Madagascar ne doit pas devenir un mauvais exemple pour le reste de l’Afrique. Imaginez que chacun des 1 546 maires du pays décide de faire un coup d’Etat ! Ce n’est pas négociable. Je n’accepterai jamais Andry Rajoelina comme président de la transition !

Et si vous n’obtenez pas le départ d’Andry Rajoelina ?

Si on n’a pas besoin de moi à la table des négociations, je peux rester ici en Afrique du Sud. Mais je ne veux pas abandonner mon pays. Les médiateurs veulent-ils prendre la responsabilité de laisser à la tête de Madagascar un dirigeant qui enfonce le pays dans la crise ?

Comment jugez-vous son action depuis sa prise du pouvoir ?

Il n’est pas capable de diriger un pays. Il ne sait pas commander les militaires, ses ministres et même son ancien premier ministre. Il est sous la pression de son entourage. Ce n’est pas moi qui le dis, tout le monde le voit. Au début, il a eu de la chance car il y avait des ressources. Ses partisans ont volé du riz, du blé, de l’huile à la société Tiko (propriété de M. Ravalomanana) dans le port de Tamatave. Ils ont récupéré les 150 voitures et les motos que j’avais fait importer en prévision du sommet de l’Union africaine en juillet. Mais tout cela est aujourd’hui fini. Ils n’arrivent plus à payer les salaires des fonctionnaires.

Quand envisagez-vous de rentrer à Madagascar ?

Le gouvernement de transition doit d’abord être formé. Je rentrerai après. Les risques pour ma sécurité ne me font pas peur. Ma vie est entre les mains de Dieu.

Comptez-vous vous présenter à l’élection présidentielle ?

C’est encore trop tôt pour répondre. Mais j’ai des militants dans tout le pays et un projet pour le pays. En sept ans de présidence, j’ai eu des résultats : 5 % par an de croissance économique moyenne. J’ai lutté contre la corruption. Les prix ont baissé. J’ai augmenté le taux de scolarisation et baissé celui de la mortalité infantile.

Les accusations d’affairisme et d’autoritarisme ont nourri la contestation qui a abouti à votre renversement. Avez-vous commis des erreurs lorsque vous étiez au pouvoir ?

Ma seule erreur est d’avoir été trop vite dans la mise en oeuvre de mon projet. Sinon, j’ai toujours favorisé le dialogue. J’ai toujours séparé la gestion des affaires de l’Etat de celle de mes entreprises. Je suis en paix avec ma conscience.

Vous avez accusé la France de soutenir Andry Rajoelina. Avez-vous des preuves ?

Le coup d’Etat à Madagascar était bien étudié et bien orchestré. En trois mois, c’était fait ! Moi-même, j’ai été surpris. Je ne dis pas que la France a tout organisé, mais il y avait des Français derrière cela. Les services de renseignement sud-africains, ici, me l’ont dit.

Avez-vous un regret concernant votre gestion de cette crise ?

Ne pas avoir assez prêté attention à l’armée. J’ai préféré acheter 400 tracteurs que 400 blindés.

Le 7 février, des gardes présidentiels ont tiré sur une foule désarmée qui s’approchait de l’un de vos palais. Il y a eu une trentaine de morts. Vous avez donné l’ordre de tirer?

Les balles ne venaient pas du palais, mais de tireurs postés dans les arbres par l’autre camp.

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