Paul Biya au parlement : Un non événement

Sur le plan économique, le Premier ministre est déjà été passé par là et nous avait lui aussi gratifié d’un discours fleuve dans lequel, il avait entre autres vérités, averti les Camerounais de ce qui les attendait dans les prochains jours. Biya n’a donc repris que le refrain d’un air que les Camerounais connaissent bien pour l’avoir entendu on ne sait plus combien de fois depuis que le Renouveau est au pouvoir. Huit années au cours desquelles on a constamment invité au sacrifice provisoire, mais qui s’est traduit dans les faits par une dégradation désespérément progressive de la situation économique du pays, au point où parler aux Camerounais aujourd’hui de nouveaux sacrifices à consentir, reviendrait à parler de la corde dans la maison d’un pendu.

Et dans ce registre de catastrophes qui se préparent à s’abattre sur eux, les Camerounais sont même plus informés que le gouvernement ne veut qu’ils soient grâce justement à cette presse étrangère à propos de laquelle, le président Biya se gausse si allègrement, mais qui fort heureusement pour le peuple camerounais  vient combler (à l’instar de la presse privée indépendante) les silences complices des médias officiels et les non-dits coupables de nos dirigeants grâce à cette presse étrangère (louée soit la providence), les Camerounais savent les choses qui les attendent. Des choses que, ni le Premier ministre, ni le président de la République n’a  désigné ou osé,( le mépris ou le courage produisant ici les mêmes effets) détailler aux Camerounais.

Télex confidentiel (bihebdomadaire d’informations rares et de perspectives) édité par Jeune Afrique Economiele plan d’ajustement structurel du Cameroun, conçu en concertation avec la Banque mondiale, prévoyait une réduction conséquente des effectifs de la Fonction publique, jugés pléthoriques. Il s’agissait alors de licencier quelques 70 000 agents de l’Etat. Redoutant l’explosion populaire que provoquerait une telle mesure, le gouvernement camerounais a choisi une solution pour atteindre le même objectif : réduire la masse salariale afin de pouvoir, dans la meilleure des hypothèses, payer régulièrement le salaire des fonctionnaires. Des mesures draconiennes ont donc été décidées pour faire face à la situation. Ainsi les salaires indiciaires connaîtront une réduction de 17%. L’indemnité de responsabilité sera réduite de 50%, alors que l’indemnité de logement, représentant jusqu’ici 20% du salaire, sera ramenée à 12%, soit diminution de 8%. annonce dans son n°911 du 24 juin 1991 d’importantes réductions de salaires dans la Fonction publique. Notre confrère écrit, « 

Par ailleurs, la taxe proportionnelle retenue sur les salaires, qui était de 3% passerait à 10% du salaire indiciaire. Enfin, les logements de fonction seront supprimés. Ces mesures devraient entrer en vigueur dès le 1er juillet prochain, le gouvernement étant obligé de faire un « geste » pour convaincre les organismes financiers et internationaux, et notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, de sa détermination à appliquer les mesures qui lui ont été imposées. »

Quel que soit le crédit qu’on peut accorder à  des informations pareilles et même si en définitive elles ne se confirment pas, le rythme  de circulation de ce document à travers le pays prouve tout simplement que là où il n’y a pas le langage de la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, le peuple s’inquiète à raison et hypothèque facilement  son avenir au premier marchand d’illusions. Sur ce  terrain précisément, et au regard de ce qui se passe, c’est bien au gouvernement Rdpc qu’il faudrait  retourner les propos suivants de son chef : « Nous n’avons pas le droit de nous mentir à nous-mêmes ni de mentir au peuple ».

Sur le plan politique, Biya a dressé un bilan particulièrement élogieux de son règne (ce qui était prévisible) usant au passage de menaces à l’endroit de la Coordination des partis d’opposition (c’est de bonne guerre) avant de prononcer la petite phrase qui a rallumé le feu dans le pays et fait de nouvelles victimes notamment dans la ville de Douala : « Je maintiens que la Conférence nationale est sans objet pour le Cameroun ».

Biya a-t-il apporté la démocratie au Cameroun ? Peut-être faudrait-il reconnaître ici, qu’indéniablement, son livre Pour le libéralisme communautaire contenait cette idée ? Mais dans sa  mise en œuvre combien de temps devait-il durer ? Force est de reconnaître que cela devait mettre plus de temps qu’en ce moment, au regard de nombreuses entraves que les Camerounais rencontrent sur le chemin de sa conquête. En réalité, Biya a toujours cru que la démocratie était comme un robinet qu’il pouvait ouvrir et fermer quand il veut. C’est ce qui explique qu’aujourd’hui, pour avoir la plupart de temps préféré un robinet fermé, il subit plus qu’il ne contrôle la situation. « Née avant la perestroïka de Gorbatchev », notre démocratie traîne le pas malgré la pression des bailleurs de fonds et des manifestations de rue de l’intérieur du pays. Fort heureusement, le multipartisme était déjà inscrit dans notre Constitution et ne demandait qu’à être traduit dans les faits.

Et depuis 1982, chaque étape de notre avancée vers une société de liberté s’est traduite par des arrestations arbitraires  des actes de violences, des bains de sang. Souvenez-vous  des morts de Bamenda, de l’arrestation de Yondo Black et compagnie, et des émeutes qui ont frappé l’ensemble du pays. C’est grâce à ces sacrifices que le peuple a obtenu ce qu’il a pu obtenir. Même les lois prétendument libérales de novembre 1990 ont été conçues en secret, souci de falsifier l’histoire au point où son auteur en vertu du fait qu’une loi vient chasser une autre, n’a pas cru devoir abroger dans les nouveaux textes ceux existant avant l’indépendance et qui régissaient les partis politiques à l’époque.

Si aujourd’hui les Camerounais réclament la conférence nationale souveraine, c’est parce qu’ils ont assez de toujours arracher à tous les coups et au prix de leur sang, ce à quoi ils ont normalement droit, et ceux qui avaient pensé un instant qu’ils obtiendraient satisfaction en allant dîner à la table du Premier ministre, doivent aujourd’hui se mettre le doigt dans l’œil. Peut-être vont-ils alors comprendre que lorsqu’on les invite en leur donnant d’avance la réponse à la seule demande qu’ils s’apprêtent à formuler, cela signifie tout simplement qu’on les mène en bateau, la seule chose qui les y attend étant le mal de mer.

Que dire de l’éventualité ( ce qui n’est pas une certitude) de réhabilitation de certains braves fils de ce pays, nouvelle que les médias officiels considèrent déjà comme un véritable scoop ? Tout simplement qu’elle arrive trop tard. En effet, dans presque toutes les localités du pays, il y a longtemps que les effigies de Ahmadou Ahidjo ont réapparu dans les maisons. Jamais les cassettes de ses discours n’ont autant été vendues qu’en ce moment. « Le peuple n’est pas  dupe » a dit fort à propos Paul Biya, il y a longtemps qu’il a réhabilité tous ses héros.

A l’évidence, il est diddicile aujourd’hui de croire que Biya soit un véritable démocrate. Avec plus de quatre-vingts morts sur son chemin là où d’autres chefs d’Etat ont cédé dès les premières manifestations de rue et ceci, dans le souci de préserver les vies humaines, et les biens de leur peuple, Biya veut à tout prix quelle que soit la mise, imposer son point de vue. Au nom de quoi une seule personne, un seul parti doit-il légiférer là où il existe plusieurs partis ?

Hier, Biya dit « la majorité avait soif de la liberté et de la démocratie. Il fallait répondre à cette exigence profonde. La démocratie et le multipartisme sont aujourd’hui une réalité au Cameroun ». les Camerounais ont toujours soif de la conférence nationale. Pourquoi Paul Biya ne la leur donne pas ? S’il doute que cette demande soit celle de la majorité du peuple camerounais, qu’il aille donc au référendum. Au lieu de perdre son temps et le nôtre en discours médiocres et provocateurs dont les seuls mérites ont été de démontrer à quel point il est insensible   aux malheurs du peuple qui l’a pourtant fait roi.

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