Biya accusé d’instrumentaliser “Epervier”

Paul Biya serait-il en train de mener une “purge politique” ? C’est en tout cas ce que pensent ceux qui l’accusent de défendre des intérêts personnels derrière l’opération « mains propres », entamée il y a 5 ans et réactivée début 2010 avec l’incarcération de trois personnalités politiques.

Depuis les 11 et 12 janvier, l’ex-ministre de l’Education de base, Haman Adama, l’ex ministre du Budget, Henri Engoulou, l’ex-secrétaire d’Etat Catherine Abena ainsi qu’une trentaine d’autres personnes sont emprisonnées et font face à l’accusation de “détournement de fonds publics”. Un motif d’inculpation devenu banal au Cameroun, classé par l’ONG Transparency International à la 146e place (sur 180) de son classement 2009 sur l’indice de la perception de la corruption.

Les arrestations se multiplient
En 2004, les autorités camerounaises s’engageaient par le biais de l’opération « Epervier », sous la pression des bailleurs de fonds, à lutter contre la corruption. Et depuis, les arrestations se multiplient. Derrière les barreaux, ils sont désormais une centaine à être victimes du zèle des autorités, dont 8 ex-ministres (un 9e est mort en détention), 7 anciens patrons d’entreprises publiques, un ex-ambassadeur et un ancien député.
Ceux d’entre eux qui ont eu la chance d’être jugés ont été sévèrement condamnés. L’ex-ministre de l’Energie Alphonse Siyam Siwé a ainsi écopé de la perpétuité en appel pour avoir détourné 53 millions d’euros avec 12 complices.

Paul Biya à la manœuvre ?
Bien que cette opération “mains propres” soit très populaire, beaucoup de Camerounais soupçonnent Paul Biya, 76 ans dont 27 passés au pouvoir, de l’utiliser à des fins politiques. Dans sa ligne de mire, d’après eux: l’élection présidentielle de 2011 à laquelle il pourrait être candidat.

Sous couvert de lutte contre la corruption, on assiste à une “purge politique” , estime le politologue Alain Fogué. Et selon la presse, plusieurs des ministres emprisonnés, dont celui des Finances Polycarpe Abah Abah suspecté de s’être constitué un fabuleux trésor de guerre, appartiendraient au “G11” (Génération 2011), une nébuleuse informelle constituée par des caciques en vue de la présidentielle.

En décembre dernier, Jeune Afrique avait rencontré certains de ces » prisonniers VIP », à la prison de Kondengui à Yaoundé : Urbain Olanguena Awono, l’ancien ministre de la Santé publique dénonçait une « instrumentalisation » de l’institution judiciaire, dans la perspective de la succession du président Paul Biya. Le même jour, Jean-Marie Atangana Mebara, l’ancien secrétaire général de la présidence – poursuivi dans le cadre de l’affaire « Albatros » – expliquait attendre toujours l’ouverture des débats contradictoires, alors qu’en novembre dernier un nouveau chef d’inculpation venait s’ajouter aux cinq autres le concernant.

Epervier est une “opération à tête chercheuse”, dénonce également Joshua Osih, vice-président du principal parti d’opposition, le Social Democratic Front (SDF). Elle vise les membres du régime “qui ne sont pas d’accord avec la présidence à vie de Biya” ainsi que “les brebis galeuses qui ne pèsent pas politiquement” et dont les arrestations lui donnent un semblant de crédibilité.

“Procès et emprisonnements ne servent à rien”
Faut-il voir des similitudes avec l’affaire Titus Edzoa ? En 1997, cet ancien médecin de Paul Biya et homme clé de son régime, avait été arrêté pour “détournement de fonds publics”. Il venait de se porter candidat à l’élection présidentielle. Il purge depuis une peine de 15 ans de prison, alors qu’un nouveau procès à son encontre a été ouvert en octobre dernier.

Pendant ce temps, s’insurge Joshua Osih d’autres personnalités, soupçonnées  d’être – enquêtes à l’appui – “coupables de mauvaise gestion”,  ne sont pas inquiétées. En réponse à ces accusations, le ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary soutient qu’Epervier “n’est pas du tout politique”. La justice “n’est pas aux ordres” de l’exécutif, maintient-il.

Procès et emprisonnements ne servent à rien, répond de son côté le SDF. Toujours selon ce parti, une lutte efficace contre la corruption devrait passer par un système permettant d’identifier l’origine des biens des fonctionnaires. Et, surtout, donnant l’occasion aux gestionnaires indélicats de rembourser les sommes détournées.

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