Deux ans après les émeutes, le Cameroun toujours asphyxié

« Monsieur le Président, avez-vous jamais été jeune  ? Non, vous ne l’avez jamais été  : sinon vous auriez une oreille pour les inquiétudes de la jeunesse de notre pays… » Cette phrase est extraite de la lettre ouverte adressée depuis les États-Unis à Paul Biya ce mois de février 2010 par l’écrivain camerounais Patrice Nganang. Presque deux ans jour pour jour après la répression (100 à 200 morts) de ce qu’il est convenu d’appeler les émeutes de la faim. Des affrontements, des manifestations avaient alors secoué tout le pays sur fond d’explosion du prix des denrées alimentaires de base. Un anniversaire que l’auteur de Temps de chien a manifestement présent à l’esprit, même s’il ne l’évoque pas directement dans sa missive

Paris tire les ficelles

Ces émeutes de février 2008 ont eu plusieurs causes, observe de son côté Samuel Mack-Kit, président de l’UPC (Union des populations du Cameroun, le plus ancien parti de l’Afrique subsaharienne après l’ANC sud-africain), et qui perdurent toutes. « Le pays était et est toujours sinistré sur le plan économique. Un journal canadien a caractérisé Douala comme la ville la plus chère de l’Afrique. J’ajoute que l’enseignement est payant dès le lycée et qu’il n’existe pas l’ombre d’un service s’apparentant à la Sécurité sociale pour ce qui est des soins. Une situation d’autant plus insupportable que les populations savent que les hiérarques du régime détournent des millions, voire des milliards de francs CFA. Début 2008, c’est le ras-le-bol de la jeunesse qui s’est exprimé… » À cela s’ajoutaient des causes politiques avec les manipulations de la Constitution orchestrées par Paul Biya pour continuer de se succéder à lui-même. Provoquant ainsi des levées de boucliers dans la classe politique, mais aussi dans le monde religieux (voir les propos alors tenus par le prélat Tumi à Douala).

Aujourd’hui, on prête au président Biya le projet d’une nouvelle révision constitutionnelle, cette fois afin de créer une vice-présidence. « Une idée qui lui aurait été soufflée depuis Paris, inquiet par l’absence de dauphin attitré, poursuit Samuel Mack-Kit. Ici, nous sommes nombreux à toujours associer les gouvernements camerounais et français. Le second veut s’assurer qu’un éventuel départ de Biya, pour quelque raison que ce soit, ne signifierait pas une remise en cause des intérêts français qui font la loi. »

Présidentielle anticipée

Dans ses contacts avec les autres formations de l’opposition, l’UPC maintient un préalable déjà exprimé de longue date : aucune transparence n’est envisageable avec le Code électoral actuel. Les liftings esquissés par le pouvoir n’apportent aucune solution. « À tous ceux qui sont acquis à l’idée d’un changement de fond visant à permettre une alternance pacifique, nous proposons de se regrouper afin d’obliger le pouvoir à accepter un Code électoral de compromis, la constitution d’une Ceni (Commission électorale nationale indépendante). Un vaste mouvement populaire ambitionnant de changer le mode d’organisation du processus électoral doit se mettre en place. Si on arrive à impulser un tel rassemblement populaire, même Paris devra l’accepter, quitte à ce que ce soit du bout des lèvres. »

La présidentielle est annoncée pour octobre 2011, mais le Cameroun présente une tradition curieuse  : les consultations ont lieu avant ou après, mais jamais à la date officielle prévue… Selon Samuel Mack-Kit, « il est à peu près certain que la présidentielle sera anticipée et interviendra cette année. Peut-être vers mai-juin ou en octobre. Paul Biya est pressé  : il tient d’autant plus au pouvoir qu’il ne voudrait pas que les déboires judiciaires vécus par le Tchadien Hissène Habré se reproduisent à son encontre »…

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