Afrique: La rupture selon Sarkozy

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         Afrique. Plaidoyer pour la modernité française. Le président français sera au Gabon pour une visite de 24 heures. Photo AFP

 

La dernière fois qu’il s’est rendu en Afrique, c’était déjà au Gabon. Nicolas Sarkozy avait alors été sifflé par une dizaine de jeunes à son entrée dans le palais présidentiel de Libreville, où se tenaient les obsèques du président Omar Bongo, le 16 juin 2009. Son fils, Ali Bongo, a depuis pris sa place dans le fauteuil présidentiel, dans les conditions que l’on connaît. Plusieurs jours de violences avaient suivi sa réélection, contestée par l’opposition. La France, elle, a reconnu la victoire du fils du potentat, reçu en grande pompe à l’Elysée le 20 novembre dernier. Et pour sceller cette amitié, Nicolas Sarkozy se rendra mercredi au Gabon, pour la troisième fois en deux ans. Aucun autre pays africain n’a eu cet honneur. Mais le président de la République veut désormais faire du Gabon, pilier des relations franco-africaines depuis l’indépendance de 1960 – et donc de leurs dérives – l’exemple de cette relation “modernisée” et “exemplaire” que la France veut entretenir avec le continent. Pour l’Elysée, Libreville est donc devenue le lieu de la rupture avec la Françafrique! C’est d’ailleurs depuis la Cité de la Démocratie que Nicolas Sarkozy prononcera son discours mercredi. Pourtant, le premier geste du président français au Gabon sera de s’incliner sur la tombe d’Omar Bongo… En revanche, aucune rencontre avec l’opposition gabonaise ne figure pour l’heure à l’agenda présidentiel, même si Nicolas Sarkozy pourrait se réunir avec “la classe politique”.

Le but du voyage est notamment de signer la révision des accords de défense avec Libreville, promesse faite par Nicolas Sarkozy lors de son discours du Cap, le 28 février 2008. Le président avait alors invité tous les Etats africains concernés à “adapter les accords existants aux réalités du temps présent”. Depuis, la renégociation des accords s’est faite dans la plus grande discrétion. Tout juste sait-on que le Cameroun et le Togo ont signé un nouveau texte. Critiqué pour le manque de transparence, Nicolas Sarkozy a fait savoir que les futurs accords, dont celui du Gabon, devront être ratifiés par le Parlement et leur termes seront rendus publics. “On sort de la logique initiale qui était celle de 1960“, explique-t-on à l’Elysée, l’objectif étant désormais de centrer les relations militaires “sur la coopération entre les armées, sur la formation des armées nationales et aussi sur l’utilisation des dispositifs français au service des organisations régionales”. La base de Libreville devrait donc bientôt être la seule base française sur le littoral d’Afrique de l’Ouest, la visite de Nicolas Sarkozy ayant été précédée par l’annonce de la fermeture de la base française de Dakar. Ce qui confirme un peu plus le rôle stratégique du Gabon pour la France.

Au Rwanda pour tourner la page?

Au Rwanda jeudi, il s’agira de tout autre chose. La visite est clairement symbolique: Nicolas Sarkozy est le premier président français à se rendre dans le pays depuis le génocide de 1994. Par ailleurs, elle vient concrétiser la récente reprise des relations diplomatiques entre les deux pays, interrompues en 2006 après l’émission par la justice française de mandats d’arrêts internationaux contre neuf proches du président Paul Kagamé dans l’enquête sur la mort du général Habyarimana, événement qui avait été le point de départ du génocide des Tutsis. La visite de Nicolas Sarkozy marquera donc l’aboutissement du processus de normalisation engagé par un déplacement fin 2008 du secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant et poursuivi par celui en janvier du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Elle doit permettre “d’acter la volonté des deux parties de se tourner vers l’avenir sans pour autant oublier le passé“, dit-on dans l’entourage du chef de l’Etat. Ce dernier doit notamment déposer une gerbe au mémorial des 800.000 victimes du génocide. Nicolas Sarkozy n’y prendra toutefois pas la parole et n’a pas prévu de présenter des excuses au nom de la France, indique-t-on à l’Elysée, où l’on souligne que le président rwandais Paul Kagamé n’a d’ailleurs rien demandé de tel. A plusieurs reprises, Kigali a accusé Paris d’avoir une responsabilité dans les événements de 1994 par son soutien au régime du président Juvénal Habyarimana.

A l’occasion de cette visite, une plateforme citoyenne a d’ailleurs lancé un appel pour que soit mis fin “au silence sur le rôle qu’a joué la France au Rwanda entre 1990 et 1994”. “Cette visite est une injure aux victimes du génocide si elle ne marque pas une étape dans la reconnaissance des responsabilités françaises dans ce génocide“, écrivent les signataires de l’appel, parmi lesquels figurent Edgar Morin, Stéphane Hessel, Noël Mamère ou encore des stars de la chanson, comme Tiken Jah Fakoly. Dans les colonnes du JDD , Bernard Kouchner a d’ailleurs suggéré la création d'”une commission d’historiens, pour établir ce qui s’est passé alors“. “Si cette proposition est reprise par la partie rwandaise, on l’examinera. On n’est pas fermé sur le sujet“, a toutefois nuancé l’Elysée. Du côté du palais présidentiel, on fait d’ailleurs savoir que Nicolas Sarkozy s’est déjà exprimé clairement sur le sujet lors d’un sommet Europe-Afrique à Lisbonne en 2007, “à savoir qu’il y a eu une responsabilité collective de la communauté internationale” qui n’a pas su intervenir pour empêcher le génocide, et que “la France a eu sa part” dans cette responsabilité.

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