Mal connu, l’autisme assimilé à la sorcellerie au Cameroun

Handicap neurobiologique causé par des anomalies du développement et du fonctionnement cérébral, l’autisme est mal connu et assimilé à la sorcellerie au Cameroun où des responsables d’une structure d’encadrement privée d’enfants atteints de cette pathologie affirment avoir recensé lors de consultations près de 500 enfants malades en trois ans.

Sous le thème “pour une meilleure prise en charge de l’enfant attient d’autisme et de troubles de développement au Cameroun”, les 4èmes Journées camerounaises de l’autisme, une initiative de la direction du centre Orchidée Home sous tutelle du ministère camerounais des Affaires sociales, ouvertes mardi pour trois d’ateliers de formation se tiennent en prélude à la 3ème Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme le 2 avril, instituée par les Nations Unies.

“Lors des congrès comme celui-ci, nous avons diagnostiqué près de 500 enfants [autistes]. Le centre a déjà vu défiler près de 50 enfants. Mais de façon permanente, nous avons 15 enfants qui sont suivis. Et 15 enfants, ça veut dire 15 éducateurs”, a confié mardi à Xinhua à Yaoundé à l’occasion des 4èmes Journées camerounaises de l’autisme, Dr. Ernestine Gwet-Bell, responsable médical du centre Orchidée Home.

Unique au Cameroun, cette structure basée à Douala, la métropole économique de ce pays d’Afrique centrale, est née en 2005 d'”une histoire de vie” familiale de cette gynécologue. “Moi je suis médecin, je dirige une clinique et ma jeune sur est mère d’un enfant autiste [un garçon aujourd’hui âgé de 20 ans]”, témoigne-t-elle.

“Cet enfant, c’est moi qui l’ai accouché. Pendant les trois premières années, c’était un petit garçon tout beau, tout mignon. Et puis tout d’un coup, nous avons trouvé qu’il n’évoluait pas comme tous les autres enfants. Il se renfermait sur lui-même, il ne parlait pas. C’était devenu un grand drame pour sa famille, particulièrement sa mère”, poursuit-elle.

Autant l’enfant autiste est rejeté et exclu, autant sa famille est indexée. Résultat : surtout du fait des croyances, la plupart de ces enfants, au lieu d’aller chez le médecin, sont plutôt orientés vers les tradipraticiens ou guérisseurs.

“Sur le pal médical, les pédiatres, les médecins et moi-même, on n’a pas trouvé les raisons de la situation de mon neveu qui allait de mal en pire. Evidemment, sa mère a été prise, pendant trois ou quatre ans, par tous les guérisseurs, tous les sorciers qui ont essayé de lui expliquer que c’était quelque chose de maléfique”
, confie la gynécologue.

Deux ans de soins médicaux en France n’avaient pas non plus permis de diagnostiquer le mal. C’est finalement un psychologue clinicien camerounais évoluant à l’Hexagone qui, lors d’un séjour au pays, décèlera l’énigme.

“L’autisme affecte le processus d’apprentissage, de communication et de socialisation de l’enfant. C’est un enfant dont les souffrances ne sont pas perçues comme les souffrances des autres. Dans notre société, parfois cet enfant est taxé d’être obsédé [autrement dit, habité par les mauvais esprits]”, constate pédopsychiatre, Dr. Ntonè Enyimè.

Il explique que les causes de cette maladie pourtant répandue au Cameroun, bien qu’il n’existe pas de statistiques, sont mal définies. “C’est une pathologie du développement de l’enfant. Elle peut s’expliquer par une erreur dans le processus de développement, notamment dans la relation entre l’enfant et son environnement ou avec lui-même”, affirme-t-il.

“On peut aussi interroger la génétique. En réalité, c’est l’une des pathologies qui posent le plus de problèmes au psycho- psychiatre pour l’analyser”, complète le spécialiste, par ailleurs sous-directeur de la prévention et de l’action communautaire au ministère de la Santé publique et chef de la section action sociale à la Fondation Chantal Biya à Yaoundé, créée par la première dame camerounaise.

Pour le Dr René Tuffreau, autre pédopsychiatre, de nationalité française, l’autisme a beaucoup de formes. “On peut avoir des enfants quasi-grabataires avec un retard mental majeur. A l’autre bout du spectre, on peut avoir des grands savants, c’est-à-dire des gens qui produisent des travaux de très haut niveau mais qui ne savent pas gérer leurs relations sociales”, décrit-il.

Généralement, le diagnostic va être assez précoce lorsqu’il le patient présente un déficit mental. Dans le cas contraire, l’identification est très tardive, informe l’expert. “C’est souvent lorsque l’enfant va rentrer à l’école, lorsqu’on va commencer à le socialiser, qu’il va paraître bizarre, étrange, parce qu’il ne s’intéresse pas aux autres, il semble ignorer les autres enfants”.

C’est un enfant qui évolue tout seul dans son coin, avec des gestes bizarres. On n’arrive pas à accrocher son regard et à le faire répondre à la voix humaine qui, pour lui, est un bruit comme un autre. “Il peut parfois avoir du langage, mais des mots sans suite, qui ne servent pas à communiquer, ou il peut avoir un langage très savant ou une absence de langage”, note par ailleurs le Dr Tuffreau.

D’après les estimations des experts de l’Organisation mondiale de Santé, la prévalence de l’autisme varie considérablement en fonction de la détermination des cas, et va de 0,7 à 21,1 pour 10 000 enfants (médiane, 5,2 pour 10 000), tandis que la prévalence des troubles du spectre autistique est estimée à un chiffre compris entre 1 et 6 pour 1000.

Face à ce problème de santé, la médecine et ses avancées technologiques restent impuissantes. Près de 70 ans après la première description de ce handicap par un médecin autrichien, Léo Kanner, en 1943, le défi de la guérison n’est toujours pas relevé.

“J’aime bien parler d’améliorer les conditions de vie de l’enfant autiste. Guérir, c’est un concept un peu prétentieux. C’est un travail sur lequel nous échouons plusieurs fois. Il s’agit finalement d’un problème caché”
, remarque le Dr Ntonè Enyimè qui révèle qu’en plus de 20 ans de pratique de soins aux enfants, une partie de ceux-ci a simplement gagné en socialisation.

“On est des artisans face à l’autisme. Il n’y a pas de traitement, un remède miracle”, renchérit le Dr. Pascaline Guérin, pédopsychiatre également, en service à l’unité de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Armand Trousseau à Paris.

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