C’est le constat fait par le Vérificateur général (VG) du Québec dans le tome 1 de son rapport 2010-2011. Renaud Lachance a découvert que le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC) faisait fausse route dans 48 % des cas, lorsqu’il s’agit de noter les dossiers des postulants. Sur 91 dossiers étudiés, quelques 44 l’ont été «sans que les dossiers respectent la réglementation ou les instructions du Guide des procédures d’immigration, ou encore sans que des documents ou des commentaires des conseillers à l’immigration soutiennent cette décision».
De plus, le MICC « n’utilise pas d’indicateurs socioéconomiques pour cerner la capacité réelle du Québec, a constaté le VG. Un indicateur, ça pourrait être le taux d’intégration à l’emploi de ces immigrants travailleurs qualifiés (…) Présentement, le ministère n’a pas d’indicateurs, et c’est ça qu’on a soulevé.»
Dans la grille d’analyse qui permet au Québec de sélectionner ses immigrants, Renaud Lachance note la présence d’éléments subjectifs. «Il faut comprendre que 40 % des dossiers ont été admis avec le facteur «adaptabilité» (…). Il est nécessaire d’avoir des balises mesurables pour savoir ce que veut dire «être adaptable». Dans la grille canadienne, il y a des balises mesurables. Dans la grille québécoise, il n’y a pas de balises mesurables, c’est laissé au côté subjectif du conseiller à l’immigration.»
En 2006, 42,1 % des immigrants étaient surqualifiés par rapport aux exigences des emplois qu’ils occupaient. Selon les chiffres de 2009, le taux de chômage de ces mêmes immigrants était de 13,7 %, contre 7,6 % pour la population native du Québec. Encore plus significatif, le taux d’emploi des nouveaux arrivants ayant fait des études universitaires était de 75,7 %, contre 93 % dans le reste de la population ayant suivi un cursus scolaire comparable.
La ministre se défend
Reconnaissant que le système peut être amélioré, Yolande James, ministre de l’Immigration, a tenté de défendre le processus de sélection. «Le Vérificateur général regarde certaines choses ou fait des constats à partir des données de 2006 à 2009. Il faut dire qu’en 2009, on a apporté un certain nombre de changements qu’il n’a pas pu évidemment évaluer au niveau de l’impact que ça peut avoir», a-t-elle fait savoir.
Interrogée sur les lacunes constatées par le VG dans l’évaluation de la moitié des dossiers, Mme James a insisté sur le fait «qu’on ne parle pas d’erreurs de nature de sécurité et de santé pour la population».
Du côté du PQ, la députée Louise Beaudoin a soutenu que «ce rapport confirme beaucoup de nos appréhensions soulevées depuis des mois (…) L’intégrité même de la sélection (des immigrants) est mise en cause partiellement et la grille de sélection se révèle inadaptée», a-t-elle fait savoir.
Peu impressionné par les explications de la ministre James, le chef de l’ADQ Gérard Deltell, a insisté sur le fait que «nous souhaitons qu’on les accueille (les immigrants) correctement, mais pour ça, il faut avoir les moyens. Actuellement, nous n’avons pas ces moyens-là.» L’ADQ propose ainsi de ramener de 55 000 à 45 000 la cible annuelle d’immigrants. «C’est une cible qui est réalisable, pense M. Deltell. Ni le Québec, ni ses immigrants ne gagnent lorsque la société d’accueil intègre mal les nouveaux arrivants.»