Cameroun. Mise en place du Sénat: Le triomphe de l’improvisation

Assemblée nationale du Cameroun

De nombreux faits témoignent de ce que le gouvernement du Cameroun n’était pas prêt à mettre en place une Institution comme le Sénat. L’éclairage de Joseph Mbah Ndam, avocat au barreau du Cameroun et député du Social democratic Front (Sdf) à l’Assemblée nationale.

Le Cameroun est en train de vivre   l’expérience de la mise en place de son tout premier sénat de son histoire post-indépendance. Après la convocation du collège électoral le 27 février 2013 et la tenue des élections sénatoriales le 14 avril de la même année, la liste des membres de l’auguste chambre du parlement a été complétée à 100 par un décret du chef de l’Etat signé et rendu public le 8 mai dernier. Jusqu’ici, aucun problème majeur à signaler. Mais immédiatement après la programmation de la session de plein droit mardi 14 mai, les manifestations de l’improvisation ont commencé à faire jour. D’abord sur le lieu de la tenue de cette session. Le cœur du chef de l’Etat, qui décide de tout, a balancé pendant des jours entre le palais des congrès de Yaoundé et l’hémicycle du palais des verres de Ngoa-Ekélé, où siègent habituellement les députés à l’Assemblée nationale.

Des centaines de millions ont d’ailleurs simultanément été engagés par le trésor public pour apprêter les deux sites (Voir Le Messager du mardi 14 mai 2013). Et finalement le choix a été porté sur l’Assemblée nationale. Mais voici qu’après l’adoption du règlement intérieur à l’unanimité par les sénateurs, une autre manifestation de l’improvisation a jailli. Ce document de référence devant régir le fonctionnement de la chambre est toujours en étude à la Cour suprême siégeant comme Conseil constitutionnel, près  de 16 jours après son dépôt. Une lenteur qui surprend  de nombreux observateurs de la scène politique nationale.

Mardi 4 juin dernier,  la commission de la Cour constitutionnelle en charge de toiletter ce document s’est réunie. Mais n’a pas pu boucler le travail, selon nos sources. Joseph Mbah Ndam, député du Social democratic Front (Sdf) à l’Assemblée nationale tente une explication. Pour lui, c’est la preuve par mille que, le gouvernement est victime de son empressement à mettre sur pied le Sénat. «La Cour suprême a vraiment du pain sur la planche. Parce qu’il faut étudier ce texte avec une attention soutenue pour ne pas compromettre la bonne marche de la navette parlementaire. Car la Constitution prévoit que les projets ou les propositions de loi sont concurremment déposés à l’Assemblée nationale et au Sénat. Mais c’est l’Assemblée nationale qui doit étudier et adopter en premier ressort, avant d’envoyer au Sénat qui appose des amendements si nécessaire, mais renvoie à l’Assemblée pour adoption définitive. Et si les deux ne s’entendent pas, la loi autorise de mettre sur pied une commission mixte paritaire constituée des sénateurs et des députés à nombre égal pour décider. Vous comprenez que si le règlement intérieur ne tient pas compte de tout cela, la navette parlementaire sera impossible», explique l’élu du peuple.

Besoin d’experts

Pour lui, la Cour constitutionnelle aurait dû s’entourer d’experts en droits parlementaires qui malheureusement ne sont pas très nombreux au Cameroun. Il cite par exemple l’ancien ministre des Finances Michel Meva’a Meboutou, l’ancien député et ancien secrétaire général du parlement africain Efoua Mbozo’o. «Mais comme tout a été improvisé, même la Cour suprême est prise de court alors qu’elle aurait dû consulter ces expertises au préalable pour mieux avancer dans la correction de ce document de référence », ajoute ce fils du Nord –Ouest, avocat au barreau du Cameroun. Ce retard observé dans l’adoption du règlement intérieur du Sénat portera à n’en point douter, un coup sur le fonctionnement normal des activités de l’Assemblée nationale. « Cela fait que la session de juin  devienne aléatoire. Et c’est une autre complication car si on la convoque tardivement, cela rentrera en contradiction avec le voeu du chef de l’Etat qui a prorogé le mandat jusqu’au 23 juillet pour permettre la bonne tenue de la session de juin. Et s’il y a perturbation pour la session de juin, cela va impacter sur la session budgétaire de novembre. Vous voyez jusqu’où l’improvisation peut nous emmener », regrette le collaborateur de Ni John Fru Ndi, le leader du principal parti de l’opposition camerounaise.

Quoi qu’on dise, la mise en place du sénat était le souhait de tout Camerounais soucieux du respect de la Constitution du 18 janvier 1996. Seulement, la précipitation avec laquelle  «le roi Biya» a engagé le processus de sa mise en place sans avoir légitimé le statut des grands électeurs (ils ne tenaient leur légitimité que des prorogations de mandats) a prouvé aux yeux du monde sa volonté de rendre cette chambre presqu’unicolore. Illustration parfaite d’un cynisme politique comme à l’époque de l’empereur Bokassa 1er ?

Joseph Flavien KANKEU

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