Duplicité : La Cour Pénale Internationale joue à se prendre au sérieux en Côte d’ivoire

 
Le porte-parole de la Cour pénale internationale (CPI), Fadiha Abdellah

Lors d’une conférence de presse qu’il a donnée le 10 avril dernier sur les bords de la Lagune Ebrié, le porte-parole de la CPI, Fadiha Abdellah, a rappelé que son institution attendait toujours de juger Simone Gbagbo, épouse de l’ancien chef de l’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, détenu depuis sa déportation aux Pays-Bas  il y a six ans, pour un procès interminable qui s’enlise faute de preuve suffisante à charge. Tout le monde sait pourtant que malgré le refus du gouvernement ivoirien de déférer aux injonctions de la CPI de transférer Mme Gbagbo à la Haye, le Procureur de cette Cour, Fatou Bensouda, qui s’est jusqu’ici contentée de souligner « qu’aucune enquête ou poursuite pertinente n’était en cours au niveau national », ou que les autorités ivoiriennes n’avaient pas démontré l’existence « de mesures d’enquête concrètes, tangibles et progressives », n’a pas cru nécessaire d’en référer aux Etats  signataires des Accords de Rome instituant la CPI, habilités à connaitre des affaires de refus de coopération des Etats membres.  

Ce silence de la CPI a aidé le régime Ouattara, à éloigner Simone Gbagbo de son compagnon, tout en la tenant à portée de main pour lui infliger ce qu’il ne pouvait pas faire à Laurent Gbagbo.

Pour la petite histoire, des chefs d’Etats et personnalités influentes d’Afrique, à l’instar de l’Archevêque anglican sud-africain, Desmond Tutu, ou l’ex-Secrétaire général de l’Onu, Koffi Annan, qui avaient trouvé inopportun et injuste le traitement infligé à Laurent Gbagbo lors de son renversement par la France et l’Onuci  venus en renfort aux rebelles du tandem Ouattara-Soro, avaient discrètement convaincu Sarkozy et Ouattara en quête d’issue de sortie à peu de frais, de “transférer” à la Haye le présidentiel prisonnier devenu un colis encombrant pour ses persécuteurs. 

Voilà que deux semaines après l’acquittement “politique” par la justice ivoirienne de Mme Gbagbo, désormais lavée des charges de crimes de guerre et crimes contre l’humanité qu’on lui avait collés, quoique toujours écrouée en raison de sa condamnation en mars 2015 à 20 ans de prison pour “atteinte à l’autorité de l’Etat, participation à un mouvement insurrectionnel et trouble à l’ordre public”, la CPI se rappelle que depuis cinq ans, « il y a un mandat d’arrêt qui a été délivré et qui est en vigueur ». Des mots dans le vent puisqu’on subodore qu’il n’y aura pas une suite.

Plus absconse encore aura été cette décision de la CPI de réduire le nombre de témoins au procès Gbagbo-Blé Goudé, “pour des exigences de célérité dans la procédure”.  « Soit on estime que certains témoins ne sont pas des témoins clés, soit on leur demande de faire leur déposition par écrit au lieu d’un déplacement physique à l’audience », a affirmé lundi dernier à Abidjan, Fadiha Abdellah. Une démarche qui irrite les Africains au plus haut point. 

Quand il faudra interroger le témoin, on lui écrira un Sms ou un e-mail dont il  devra accuser réception instantanément, ou alors faudra-t-il, pour chaque question et chaque réponse, des renvois d’audiences jusqu’à ce qu’on en ait fini avec un témoin, peut-on se demander en tout bon sens au regard de ce précédent que constitue l’institutionnalisation du témoignage par correspondance. Un nouveau développement qui  illustre l’impasse dans laquelle se trouvent la CPI et ses amis du gouvernement ivoirien, incapables, ne serait-ce que par respect pour cette Cour, d’à avouer qu’ils n’ont pas trouvé en six ans ce qu’il leur faut pour condamner Gbagbo.

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