Mouvement d'humeur des médecins camerounais : les patients font les frais d’une grève “mitigée”

A Yaoundé, capitale administrative du pays, l'onde de choc s'est fait ressentir jusqu'à l'hôpital central, où des médecins qui avaient donné rendez-vous aux malades n'étaient pas présents lundi et mardi (17 et 18 avril) pour les recevoir.  Des patients venus de localités lointaines ont dû rebrousser chemin, dépités. Il est vrai cependant que conformément à la mesure de service minimum qu'avait mise sur pied le Symec, des praticiens ont répondu présents à l'appel. Mais ceux-ci ont affirmé au micro de nos reporters ne s'être pas soumis à l'injonction du ministre de la Santé. « Même en temps de guerre, nous médecins, avons le devoir de d'intervenir pour soigner les combattants –y compris ceux du camp ennemi-. A plus forte raison nos compatriotes. Certains d'entre nous sont là aujourd'hui pour que les patients ne trouvent pas porte close, mais tous ne seront servis, car 5 ou 10 médecins astreints pour assurer le service minimum ne peuvent pas faire en un jour le travail qui est dévolu à une trentaine », affirme un médecin trouvé en plein service à l'hôpital Central de Yaoundé par notre reporter. Même son de cloche chez un de ses confrères de l'hôpital de la Cité verte à Yaoundé, Dr. Parfait Olomo, approché par notre confrère Emmanuel Jules Ntap, correspondant local de la radio “la Voix de l'Amérique” : « Parmi les malades, il y a les membres de nos familles. Si nous les abandonnons complètement, la situation va s'empirer pour le Cameroun ». « Laissez-moi travailler. Si j'ouvre ma bouche, je vais cracher du feu. Je suis en grève, même présent à mon poste »”, dira aussi un autre qui n’avait pas le coeur à papoter au reporter de VOA. Une attitude qui vient corroborer le fait que les grévistes ne sont pas du tout insouciants, mais veulent plutôt pousser le gouvernement à les mettre dans les conditions propices de rendre le service que l'on attend d'eux conformément à leur serment. Quelques jours avant le début de la grève, le Secrétaire Général du Symec, le Dr. Patrick Ndoudoumou, rappelait cette posture : « “Nous avons des carrières qui ne sont pas bien définies. On a des salaires qui oscillent entre 104.000 francs CFA et 204.000 par mois. Parfois, les médecins en zone rurale opèrent les malades dans l'obscurité, sans groupe électrogène. Il est temps que les patients camerounais aient accès aux soins de qualité”.
En effet, les meneurs du mouvement de grève avaient prévu que les services de radiologie et de laboratoire -sauf pour les malades hospitalisés et ceux présentant les urgences- allaient être suspendus, mais que les urgences médicales, chirurgicales, obstétricales et pédiatriques seraient fonctionnelles, de même que les services de garde et d'astreinte. il n'était donc pas question que les grévistes désertent les hôpitaux. A contrario, ils devaient tous répondre présents, dans les limites des horaires de travail, sans travailler cependant. Cela  a fait dire à certains que la grève n'avait été que partiellement suivie.
Il faut cependant noter que si la grève a été suivie dans les hôpitaux publics, cela n'a pas été visiblement le cas dans les cliniques privées, quoique le problème posé par le Symec concerne le sort de tous les praticiens : institution d'une assurance maladie de base à couverture universelle, revalorisation des salaires actuels des médecins du sous-secteur public -qui varient entre 105.000 francs, 180.000 francs et 250.000 francs CFA-, versement direct des subventions de l’État aux médecins du sous-secteur privé sous forme de primes mensuelles, arrêt définitif des affectations des médecins sans salaire, mise en place d'une procédure de traitement accélérée des dossiers d'intégration, revue à la hausse de l'âge de départ à la retraite qui devrait passer de 55 à 65 ans, les médecins ne comprenant pas, à l'instar du Dr. Patrick Ndoudoumou, 11 ans de pratique, qui ne comprend pas qu'à l'âge où le médecin est au sommet de son art, on lui demande d'aller se reposer. « Pourquoi celui qui étudie le plus pour être opérationnel devrait-il aller se reposer le premier ? », interroge-t-il.

A l'heure où nous mettions en ligne aucune réaction n'avait filtré du ministère de la santé que nous avons tenté en vain de joindre toute la journée de mardi. En tout cas, pas dans le sens de résoudre les problèmes évoqués par les grévistes. Visiblement, le gouvernement serait resté campé sur sa position de ne pas discuter avec une organisation corporatiste qu'il estime illégale. Réagissant à ce qu’il appelle “l’attitude dédaigneuse du département de tutelle” un médecin rencontré en fin de matinée avertit : « si rien n'est fait dans le sens de nos aspirations, la prochaine grève sera plus dure, et le ministre devra lui-même aller soigner ses malades avec ses conseillers toxiques. En attendant, nous souhaitons que le Premier ministre s’implique dans cette affaire, et qu’il instruise le ministre de la Fonction Publique et celui des Finances de s’y impliquer également, comme cela a été le cas au Mali il y a quelques jours. Cela avait permis au gouvernement malien d’obtenir la cessation de la grève des médecins qui ont vu leurs revendications satisfaites au moins à 70% ».

Réagissant à ce qu’il appelle “l’attitude dédaigneuse du département de tutelle” un médecin rencontré en fin de matinée avertit : « si rien n'est fait dans le sens de nos aspirations, la prochaine grève sera plus dure, et le ministre devra lui-même aller soigner ses malades avec ses conseillers toxiques. En attendant, nous souhaitons que le Premier ministre s’implique dans cette affaire, et qu’il instruise le ministre de la Fonction Publique et celui des Finances de s’y impliquer également, comme cela a été le cas au Mali il y a quelques jours…»


Il n'est pas superflu de relever que dans son programme, le Symec a prévu d'autres arrêts de travail au cas où leurs revendications ne seraient pas prises en considération,  du 15 au 17 mai et du 12 au 14 juin prochains.

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