Buhari et le Haut-Commissaire de l’Onu pour les refugiés, Filippo Grandi en décembre 2016 à Abuja. Ce n’est plus le grand amour depuis l’extradition de Sisiku et de ses amis au Cameroun. |
L'organisation des Nations Unies est enfin sorti de son mutisme jeudi, pour fustiger le Nigeria et exprimer sa vive préoccupation au sujet de l’extradition au Cameroun par le Nigeria de 47 militants sécessionnistes du Cameroun anglophone, dont leur leader Sisiku Ayuk Tabe.
C'est la substance d'un communiqué rendu public jeudi par le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) de l’ONU, qui affirme avoir « appris avec une grande préoccupation le retour forcé de 47 Camerounais du Nigeria, qui ont été rendus aux autorités le 26 janvier ».
Selon l'agence Onusienne qui souligne que “La plupart de ces individus étaient des demandeurs d’asile”, “Leur retour forcé est une violation du principe de non-refoulement, qui constitue le point principal des lois internationales de protection des réfugiés.”.
L'inquiétude du HCR est justifiée par le traitement cruel et inhumain que le Cameroun, réputé pour ses violations des droits humains, pourrait appliquer à ces personnes qu'elle a toujours qualifiées de “terroristes”. Ce d'autant plus que ce pays dispose d'un arsenal juridique de lutte contre le terrorisme qui lui permet de mettre à mort tous ceux qui sont ainsi considérés par le régime très jaloux de son pouvoir.
Alors que Sisiku Ayuk Tabe et son staff étaient encore détenus au Nigeria, l’ONG de défense des droits de l’Homme Amnesty International avait pourtant averti que ces “dirigeants du mouvement indépendantiste dans les régions anglophones du Cameroun pourraient être menacés de torture et s’exposer à un procès inéquitable s’ils sont extradés du Nigeria”. C'est donc conscient qu'il jetait par leur extradition des êtres humains dans la gueule du loup féroce camerounais que le Nigeria a posé l'acte qui fait tant jouir de plaisir le gouvernement camerounais.
D'où le rappel du HCR selon lequel “le Nigeria se trouve sous l’obligation d’appliquer les lois internationales”, dont il est signataire.
Le Nigeria plus préoccupé par ses problèmes internes a-t-il envoyé des hommes à la mort à la grande satisfaction du Cameroun ?
Le développement de l'actualité relative à la lutte que mènent ce qu'il est désormais convenu d'appeler la coalition Cameroun-Nigeria contre les séparatistes du Southern Cameroon ne laissent pas penser que le Nigeria soit le moins du monde réceptif aux critiques qui ont suivi son geste “amical » vis-à-vis du Cameroun. Depuis le début de la semaine, en effet, bénéficiant d'un “droit de poursuite” de fait, des dizaines d'éléments des forces de défense et de sécurité du Cameroun son en train de traquer en plein territoire nigérian, les milliers de Camerounais anglophones qui avaient fui la répression dans les régions anglophones du Nord-ouest et du Sud-ouest pour se réfugier dans des villages du Nigeria frontaliers du Cameroun, et qui sont désormais considérés comme des sécessionnistes, en d'autres termes, des “terroristes”.
On comprend qu'appréciant à sa haute valeur ce quitus donné par le Nigeria au Cameroun pour mater sur son territoire des camerounais qui croyaient pourtant y trouver refuge, le ministre de la communication du Cameroun, Tchiroma se soit félicité lundi “du caractère excellent de la coopération multiforme qu’entretiennent le Nigeria et le Cameroun, notamment au plan sécuritaire”, et réaffirmé la “détermination des gouvernements des deux pays (…) à ne jamais tolérer que leurs territoires servent de base à des activités de déstabilisation dirigées contre l’un d’entre eux”.
Il faut noter que les autorités nigérianes qui font déjà face à un important nombre de ses propres déplacés internes à cause des exactions de la secte islamiste Boko Haram, dans le Nord et le Nord-est, voyaient déjà d'un très mauvais œil l'afflux sur leur territoire des refugiés camerounais, dont le nombre, pour le seul Etat de Cross-River, dépasse déjà les 33.000 individus. Craignant donc -dit-on ici- la survenue d'une crise humanitaire, qu'il ne pourrait pas juguler, le pays de Mohamadu Buhari n'a cessé d'user de tous les moyens pour refiler au Cameroun son colis encombrant que constituent les victimes survivantes de la répression du soulèvement anglophone au Cameroun. C'est ce qui aurait abouti à la décision sur fond non seulement de ponce-pilatisme, mais aussi de violation des conventions internationales, de livrer les sécessionnistes au Cameroun, question de décourager ceux qui seront tentés de prendre la direction du Nigeria pour s'y mettre à l'abri.