Cameroun- Massacre en Ambazonie: 6 civils et 1 militaire tués jeudi, un village incendié, des blessés à la pelle


Village incendié en zone anglophone (Image d'illustration)

Après de réels affrontements entre militaires camerounais et séparatistes anglophones le  11 mai (à Bafut dans la région du Nord-ouest)  et 12 mai à Yo-Ke (dans la région du Sud-ouest) qui n'ont pas fait de morts, l'armée camerounaise est allée jeudi à l'assaut des populations d'Ekondo-Titi,  département du Ndian, dans la région anglophone pro-séparatiste du Sud-ouest du Cameroun, où elle abattu des populations civiles et perdu un de ses éléments.

« Ne me rappelle plus… ton téléphone peut être retracé… nous sommes en train de fuir, mais nous ne savons pas où nous allons, car ils sont en train de tuer tout le monde… ils avancent vers nous… » Celui qui, au téléphone, tient ces propos alarmistes à l'un des correspondants de Cameroonvoice, jeudi aux environs de 8 heures, est un blessé qui vient de recevoir deux balles : une à la cuisse, une autre à l'avant-bras. Il a fini par succomber à ses blessures peu avant 14 heures T.U. Comme trois autres jeunes du village Ngolo-Metoko, arrondissement d'Ekondo-Titi, tués aux premières heures de ce jeudi par des éléments de l'armée irascibles.

 C'est  dans la nuit de mercredi à jeudi que l'armée camerounaise a encerclé le village Ngolo-Metoko dont est natif le Secrétaire Général Adjoint N° 2 de l'Assemblée Nationale du Cameroun, pour y « dénicher des “terroristes” à la solde des gens qui veulent diviser le Cameroun », pour reprendre les termes d'un responsable de l'armée qui s'est confié à Cameroonvoice en début d'après-midi. 

Selon les témoignages de certains rescapés, les militaires, comme c'est devenu leur habitude, n'ont pas perdu du temps pendant cette campagne de dessouchage des “terroristes”, pour procéder à des exécutions sommaires.

Récit d'une matinée de jeudi macabre
C'est ainsi que trois des personnes qui se rendaient au champ pour récolter des provisions ou ce qu'il en reste -puisque ces derniers temps l'armée incendie les cultures dans les zones anglophones- question d'avoir de quoi se mettre sous la dent pour les quatre ou cinq prochains jours, ont été froidement abattus par des soldats des forces gouvernementales qui les ont étiquetés terroristes malgré leurs protestations. Ce sont les premiers morts, ayant précédé notre informateur dans l'au-delà. « Mais la plupart ont réussi à fuir dans la brousse environnante », affirme un des survivants depuis son abri de fortune, non sans ajouter que pour l'instant, il n'est pas question qu'il revienne au village : « Qu'ils viennent nous chercher ici en brousse, mais je suis sûr que beaucoup y laisseront aussi la vie. ».

Les choses ont pris une tournure plus grave au lever du jour, quand apprenant l'assassinat de l'un de ses parents par les militaires, un garçon âgé de 14 ans, s'est saisi d'un fusil de chasse et est allé à la rencontre des militaires dont il a abattu l'un à bout portant en lui tirant sur la tête, puis a réussi à s'enfuir.

Cet affront aura insupporté les militaires qui se sont alors rués avec plus de vigueur sur la population, abattant cinq personnes et blessant grièvement plus d'une vingtaine d'autres.

Des troupes d'élite en action, incendie du village Lepenja (témoignage d'une dame)

Par la suite, ce sont les parachutistes de la base des troupes aéroportées de Koutaba qui sont entrés en action en apprenant que l'un de leurs avait été abattu par un enfant.

« Ils ont arrêté des passants, et ont même interpellé des personnes qui étaient dans leur domicile, les ont regroupés au carrefour et se sont mis à les fouetter avec leurs ceinturons, en exigeant de ces gens qu'ils leur disent où se trouvait le garçon à l'origine de la mort d'un militaire. Personne ne leur ayant donné de réponse satisfaisante, ils ont abattu une des personnes qu'ils avaient prises en otage et ont menacé de faire de même pour toutes les autres. Quand ils ont pointé l'arme sur l'une d'elles, madame Onye,  celle-ci leur a dit que l'enfant avait pris la direction du village Lepenja. Un homme âgé a alors qualifié la dame de “traitor” (traitresse, ndlr), et le militaire qui tenait l'arme l'a aussi abattu »,

nous confie encore sous le choc, une dame, témoin de la scène.

Après avoir abattu le vieil homme, les  “paras” de Koutaba ont pris la direction du village Lepenja qu'ils ont remué de fond en comble, tabassant au passage ses habitants, sans pour autant trouver le jeune garçon. Irrité par cet insuccès, ils ont mis le feu à la plupart des maisons, particulièrement celles qui ont été désertées depuis quelques jours par leurs habitants.

Au moment où nous mettons en ligne (17 Heures T.U.), des informations recueillies à diverses sources font état de la désertion massive du village Ngolo-Metoko par ses populations qui n'oublieront pas de sitôt ce jeudi sanglant.

Cela va sans doute accroitre le nombre de personnes ayant dû fuir leurs habitations dans les deux régions anglophones du Cameroun en raison de  la violente répression que mène l'armée contre les séparatistes.
Mardi, le Bureau de coordination des Affaires humnaitaires (Ocha) de l'ONU a estimé à environ 160.000 le nombre de personnes ainsi déplacées,  qui ont trouvé asile dans des villes et villages des régions francophones, dont Mbanga Njombé, Penja et Douala dans la région du Littoral située à proximité de la région du Sud-ouest, ou encore  Mbouda et Dschang, Bangourain, dans la région de l'Ouest, limitrophe de celle du Nord-ouest. 

L'agence nigériane de gestion des urgences (SEMA) parle quant à elle de 34.000 Camerounais anglophones qui se sont refugiés dans ce pays, du moins ceux qu'elle a enregistrés formellement. Mais des sources estiment le nombre de Camerounais anglophones ayant fui au Nigeria à plus de 60.000, vu que la plupart « traversent la frontière à pied, dans des zones montagneuses et de forêt dense très peu accessibles du fait du manque de routes, rendant difficile leur enregistrement ».

« La majorité des déplacés a fui dans la brousse avec peu pour survivre. D'autres sont hébergés par des communautés locales qui font également face à des conditions de vie défavorables », a également indiqué le communiqué rendu public par l'Ocha.

Beaucoup avaient cru que l'approche de la fête nationale (encore appelée “fête de l'Unité”) dont la 46ème édition se célèbre le 20 mai, serait une occasion pour le gouvernement camerounais de tendre la main aux séparatistes, et de marquer par cette symbolique son attachement à l'unité du pays que ses antagonistes veulent partitionner. Hélas, le mois de mai s'est plutôt révélé l'un des plus meurtriers dès ses premiers jours. Une vingtaine de membres présumés du mouvement sécessionniste ont été tués le 3 mai, et le lendemain,  trois militaires ont été tués, deux blessés et un autre porté disparu dans une attaque perpétrée par des séparatistes dans la localité de Mbonge, ( Sud-Ouest).

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