Cameroun : Plus de 60 villages anglophones incendiés par l’armée

Au moins 60 villages, et la liste est loin d’être exhaustive, puisqu’elle ne comporte pas le village Lepenja incendié jeudi dans l’arrondisement d’ekondo-Titi.

Ces statistiques lugubres mais malheureusement fondées, ont été fournies dans un communiqué rendu public par Me Agbor Balla Felix Nkongho,  avocat camerounais,  un temps leader du Consortium de la Société Civile Anglophone -à l’origine des revendications corporatistes des avocats et enseignants de cette aire linguistique en novembre 2016-.

Me Agbor Balla qui avait été éjecté de la direction du Consortium par les membres de cette organisation pour avoir prôné l’apaisement  et le dialogue avec Yaoundé, mais qui n’en reste pas moins déterminé à défendre les droits de tous les opprimés de la crise anglophone, autant que ceux des Camerounais francophones en difficulté, a cité nommément les villages et agglomérations suivants incendiés par l’armée qui a reçu la consigne de venir à bout des sécessionnistes par la manière forte, y compris au prix des vies des civils innocents :
 

Kwakwa, Boa Bakundu, Bole Bakundu, Dipenda Bakundu, Big Ngwandi, Bakumba, Bokosso, Nake, Mission de Kombone, Kake I, Kake II, Bekondo, Big Massaka, Nganjo, Foe Bakundu, Ekombe, Petite Ekombe, Ediki, Kuke, Ebonji, Étam, Nguti, Mongo Ndor, Bello, Anjang, Angine, Anyagwa, Azi, Kumbo, Doti Nobi, Kugwe, Ambo, Efah, Kumku, Ashong, Ngie, Kembong, Ejeke, Mbène, Bati-Numba, Kagifu …, Dadi, Gurifen , Muyenge, Bafia, Ekwe, Kumbe-Balue, Ekona Mombo, Batibo, Bafut, Mbalangi, Oshie, Baingo, Bombele Mbonge, Kumu Kumu, Bangélé, Konye, Guzang, Widikum, Babadiehka.

S’exprimant pour le compte du Centre pour les Droits de l’Homme et la Démocratie en Afrique,  Me Agbor Balla évoque, outre les village brûlés dans le Sud Ouest et le Nord Ouest, de dizaines d’exécutions extrajudiciaires, notamment les tueries de civils non armés et des disparitions et des déplacements forcés des populations, qui doivent faire l’objet d’une enquête.

« Nous demandons instamment qu’une commission d’enquête mène une enquête approfondie sur ces crimes », conclue-t-il.

Il faut cependant souligner, sans nécessairement faire dans l’équilibrisme, que les sécessionnistes se sont rendus eux aussi coupables d’exactions ces sept derniers mois, en procédant à des enlèvements de civils travaillant pour le compte de l’administration camerounaise qu’ils considèrent comme “des complices de l’entité colonisatrice”. Par ailleurs des dizaines de soldats camerounais ont été tués par des assaillants présumés sécessionnistes qui justifient ces meurtres par le fait que des centaines de leurs parents, généralement des civils dont la sympathie pour le séparatisme n’est même pas avérée, par les forces armées camerounaises engagées sur ce front pour empêcher par tous les moyens la partition du pays.

Les deux parties du Cameroun jadis sous tutelles française et britannique avaient vécu jusqu’ici dans la bonne entente, les anglophones faisant contre mauvaise fortune bon coeur, pour digérer non seulement le hold-up référendaire du 20 mai 1972 qui avait débouché sur la transformation de l’Etat fédéral en Etat unitaire, mais surtout le décret présidentiel controversé du 4 février 1984 qui changeait la dénomination “République Unie du Cameroun” en “République du Cameroun”.

Pour de nombreux anglophones modérés, le problème anglophone est véritablement né de ce décret, parceque la dénomination “République du Cameroun” avait été celle de la partie francophone du pays après son accession à l’indépendance, et ce entre le 1er janvier 1960 et le 1er octobre 1961. Date à laquelle, en conséquence aux référendums des 11 et 12 février 1961 ayant consacré le rattachement du Sud de l’ancien Western Cameroon (Cameroun occidental ou Cameroun britannique) anglophone et non encore indépendant, à l’ancien Cameroun oriental et francophone,  il prit la dénomination de “République Fédérale du Cameroun”.

« C’était une manière de nous faire comprendre que ce président francophone n’avait que faire des spécificités du Cameroun anglophone, et qu’il était résolu à nous phagocyter sans autre forme de procès », affirme un universitaire anglophone pourtant proche du régime. Une thèse que soutiennent d’ailleurs des francophones “modérés”, qui y ajoutent le fait que le président Biya aurait dû au moins tenir compte de la notion juridique du parallélisme des formes : « Pour qu’une partie de l’ancien Cameroun britannique accepte de se mettre ensemble avec l’ancien Cameroun sous tutelle française pour former un Etat, on est passé par un référendum, inique fut-il ; pour que les deux parties acceptent de se retrouver au sein d’un Etat unitaire,  on a également procédé par un référendum dont l’équité était cependant contestable ; il aurait fallu que le président Paul Biya procédât de même, c’est-à-dire par un référendum », entend-on dire ces Camerounais francophones dits  “lucides”, qui disent cependant ne pas douter « de la volonté qui était à l’époque celle du président, d’amener le Cameroun à transcender les clivages linguistiques et culturels hérités de la colonisation, en passant à une véritable intégration nationale ».

Un véritable casse-tête camerounais pour les Camerounais qui célèbrent dimanche le 46ème anniversaire de l’avènement en 1972 de “l’Etat unitaire”, et non celui de “l’Etat… intégré”. Qui plus est, à un moment où, progressivement, les anglophones sont de plus en plus nombreux à ne plus vouloir ni de l’un, ni de l’autre, puisqu’ayant pris l’option de créer leur propre Etat qu’ils projettent de dénommer “Ambazonie”
 

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