Cameroun-Lettre au Cardinal, aux Archevêques et Evêques : Prions et agissons pour la vérité et l’avenir des pauvres

LETTRE OUVERTE A:
    Son Éminence Christian Cardinal TUMI
    Leurs Seigneurs les Archevêques
    Leurs Seigneurs les Évêques

S/C
Monseigneur Abraham Kome
Président de la Conférence épiscopale Nationale du Cameroun
Président de la commission Justice et Paix

Eminence ; Excellences,
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.

L’histoire du Cameroun est jalonnée par une succession des crises qui se sont gérées diversement. Parfois par le sacrifice de la vie de certains comme UM NYOBE, Martyr sanglant ; parfois par des actes comme ceux de Mgr Albert NDONGMO, Martyr non sanglant.

Pour le nouveau président de la conférence des évêques, votre hésitation à prendre davantage position dans la crise multiforme que traverse ce pays semble légitime. Pourtant, l’histoire des abeilles que vous avez vaincues dans une paroisse, me réconforte que, comme Saint Jean Paul II, vous nous dites en ce moment de ne pas avoir peur, car la grâce de notre maître le Seigneur Jésus Christ suffit pour affronter les défis auxquels nous faisons face en ce moment.

Saisir la perspective de notre cheminement commande de rechercher d’où nous venons. L’Eglise qui est au Cameroun est en pleine croissance dans un environ social marqué par des conflits et des crises. Le décès de Mgr BALLA a provoqué de multiples interrogations sur les circonstances réelles de sa mort ; la justice, tout comme le travail journalistique ne les ont toujours pas élucidées. Depuis les élections du 07 Octobre, la vérité des urnes continue d’entretenir la controverse internationale, la revendication de millions de citoyens, et la violence répressive du régime de M. Biya. Les morts par milliers et les déplacements des pauvres citoyens dans la région Anglophone n’ont toujours pas augmenté la quantité de franchise nécessaire pour résoudre dans la vérité les problèmes posés. Les violations massives de droits fondamentaux, celui à l’éducation, celui à la santé, celui à la vie, celui d’exprimer son opinion, d’accéder à un procès équitable comme d’être détenu dans une prison respectueuse de l’humain constituent d’autres variables de cette crise multiforme.

La politique de l’autruche est incompatible avec l’enseignement du Christ
LA VÉRITÉ est le dénominateur commun à tous ces maux, à toutes ces crises. Or Jésus-Christ notre maître se définit comme, «le chemin, la vérité et la vie». Si donc nous ne le retrouvons pas dans les solutions proposées à chacun de ces problèmes, nous passons à côté des attentes des populations. Comment comprendre par exemple que la marche blanche ; une marche pacifique conduise des gens en prison où ils risquent d’être condamnés à vivre jusqu’à la mort en détention ? La politique de l’autruche, la simplification des risques et le silence ne peuvent plus tenir.

Excellences, toute crise peut être perçue à la fois commesource d’angoisse,moyen de démoralisation,espoir de vie nouvelle ou tous simplement comme une promesse de libération. Seulement, mal géré, le conflit engendre animosité, amertume, mensonge, calomnie, méchanceté. Un conflit devient violent si les choses s’accumulent, se répètent sans être gérées, réglées. Nous ne pouvons pas faire l’angélisme. C’est évident que fort du passé récent nous devons résolument changer de fusil d’épaule. Jacques POUGOL parlant des conflits nous apprend que ce n’est pas en déclarant que nous n’avons pas d’ennemis qu’on n’en a pas, c’est en refusant les germes des conflits qu’on s’entoure d’amis. Pour se tromper d’avoir résolu les problèmes, on ment, ruse, calomnie, fait des faux témoignages et des coups bas.

Les stratagèmes repoussent les problèmes sans les résoudre. Nous devons aller à un dialogue sincère. C’est en tentant de faire l’autruche depuis 1992 que nous avons évité de poser sérieusement le problème d’élections non transparentes ; aujourd’hui cela nous rattrape après une avalanche d’élections communales, législatives et présidentielles, dont tous les résultats ont donné lieu à de rudes contestations. C’est en refusant de prendre en compte les revendications corporatistes légitimes de nos frères des régions anglophones que nous sommes aujourd’hui installés dans une guerre civile aux conséquences alarmantes. La recherche de la vérité pour la construction de notre nation est un impératif. En toute chose, cette recherche de la vérité est possible et ne relève pas d’un miracle. L’absence de vérité dans les actes posés produit immanquablement des étincelles qui vont allumer le feu d’incendies chaque jour plus graves.On doit apprendre à se pardonner pour ne pas laisser Satan prendre le dessus.

Les prières ne suffisent plus à elles seules

En considérant le cas particulier de la crise dite anglophone, les contributions récentes de l’Eglise qui est au Cameroun sont visibles ; mais insuffisantes. Elles se déclinent ainsi que suit :

1) Le 06 Décembre 2016, est publié un «Appel au dialogue», un dialogue franc et honnête et aux négociations en vue d’une solution juste, pacifique et durable. Cet appel se conclut par l’interpellation des fidèles à «organiser des prières».

2) Le 29 Avril 2017 est délivré le message des évêques «un Peuple, une Nation» qui invite l’Etat à «poursuivre la voie de la décentralisation totale» qui souhaite que «soient respectées la subsidiarité et la solidarité institutionnelles», et que soit proscrite «la violence d’où qu’elle vienne». Plus loin, le message fustige «les prédications incitant à la haine, à la vengeance et à la désobéissance publique» et se conclut par «Priez intensément».

3) Le 06 Octobre 2017, «Au Peuple de Dieu», «la Paix soit avec vous». les évêques dans ce message interpellent pour un dialogue extrêmement urgent», ensuite, ils «condamnent fermement la violence sous toutes ses formes» précisant que «la violence menace les droits fondamentaux», appellent «les citoyens camerounais à reconnaître leur responsabilité dans le malaise social» et réaffirment l’appel au dialogue inclusif. Le message se termine par la recommandation à plus «d’assistance et d’ardeur à la prière, et une messe dans toutes les paroisses le samedi 14 Octobre 2017».

4) Le 16 Mai 2018 est lancé le cri de détresse des évêques intitulé «j’ai entendu les cris de mon peuple». ce cri appelle à cesser toutes les formes de violences, à arrêter des ‘entre-tueret conclut par la proposition de la médiation des évêques.

C’est donc depuis 2016 que nous sommes en prière. N’EST-IL PAS TEMPS QUE COMME LE DISENT  LE CATECHISME DE L’EGLISE ET LE PAPE FRANÇOIS, NOUS PRIONS EN AGISSANT. Commençons par consulter le catéchisme au 2302 qui dit: «le cinquième commandement interdit la destruction volontaire de la vie humaine. A cause des maux et des injustices qu’entraîne toute guerre, l’Eglise presse instamment chacun de prier et d’agir pour que la bonté divine nous libère de l’antique servitude de la guerre. Chacun des citoyens et des gouvernants sont tenus d’œuvrer pour éviter les guerres ». Le Pape François nous dit : «Engageons-nous par la prière et l’action à devenir des personnes qui ont banni de leur cœur de leurs paroles et de leurs gestes, la violence et à construire des communautés non-violentes qui prennent soin de la maison commune».

«Prier et agir», nous sommes ainsi en droit de nous interroger sur des actions efficaces susceptibles d’influer le cour des événements. Je suis certain  qu’une réflexion avec les laïcs pour prier et agir débouchera sur d’innombrables possibilités. Citons quelques exemples d’actions engagées par le Pape François au-delà de la prière :

o    Il va à LAMPEDOUSA créer l’émotion avec le décès de la jeune immigrée.
o    Il accueille au Vatican des migrants musulmans.
o    Il baise les pieds des protagonistes Soudanais.

Il pose des actes, il prie et il agit.

Comment agir sur les crises actuelles ?
Excellences, que souhaiterions-nous maintenant de vous?

1.    Votre intervention et éventuellement celles des autres membres du clergé dans les réseaux sociaux notamment Facebook pour solliciter des Chrétiens et les personnes de bonne volonté qu’ils bannissent le discours de la haine et dutribalisme.

2.    Votre soutien ouvert et clair à l’initiative des organisateurs de la «ALL CONFERENCE» conduite par Christian Cardinal TUMI.

3.    Une plus grande implication dans le système électorale. En raison de la présence de l’Eglise sur l’ensemble du territoire national avec des paroisses très souvent dotées des démembrements de la commission justice et paix. Ici, vous pourrez par exemple porter le nombre des observateurs électoraux à 1000 000 au moins pour être capable d’avoir une opinion crédible, pour les prochaines élections. En agissant ainsi, vous pourrez contribuer à mettre sur pied, un véritable système électoral indépendant.

4.    Un regard accru sur les détenus en prison et leurs droits.L’exemple de la prison Centrale de Yaoundé qui dénombre environ 3500 prévenus pour 4500 détenus est scandaleux. L’exception est devenue la règle. Le laxisme concernant les droits humains est intolérable. La commission justice et paix peut agir dans un bref délai et dans toutes les prisons pour ramener la situation à une proportion acceptable avec 50% de condamnés pour 50% de prévenus/accusés dont on veillera à ce qu’ils soient jugés le plus rapidement possible.

5.    Apporter le soutien et la caution de l’Eglise aux initiatives de la Société civile dont elle est membre et même des partis politiques pour des actions en faveur de la paix etde la vérité. Tant que nos valeurs resteront préférentielles pour le pauvre, le souci pour la justice, la vérité, la liberté et l’amour, nous devrions au-delà du discours, nous impliquer d’avantage.

Pour conclure, dirons-nous,
Nous avons les yeux rivés sur nos apôtres pour passer de la prière à l’action, car  nous sommes convaincus que nos robes ne seront blanchies que si nous supportons la «grande épreuve», dont parle Saint Jean dans l’Apocalypse. Refuser d’apporter des réponses immédiates aux crises, nous imposera plusieurs crises dans le futur. Comme Paul et Barnabé qui allaient et venaient, la société civile attend de vous son affermissement pour la recherche permanente de la vérité, et de l’action en faveur des opprimés.

Que le Seigneur Dieu Tout puissant vous bénisse et fleurisse votre ministère.

* HOMSI Jean Baptiste
Member Board UNIAPAC
Past President UNIAPAC AFRICA
Chairman PADIC

                                                                                             Prison centrale de Yaoundé

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