Françafrique/Validation des mascarades politiques: Les vraies raisons de la visite au Cameroun de Le Drian

Jean-Yves Le Drian est au Cameroun depuis mercredi. Officiellement, le chef de la diplomatie française va sur les bords du Mfoundi pour renforcer, mieux, donner un coup de neuf à l’axe Paris-Yaoundé dont le tunnel semblait s’assombrir de plus en plus du fait des difficultés dans lesquelles s’empêtre le partenaire d’Afrique centrale depuis 2017 : guerre civile de plus ou moins haute intensité en zone anglophone,  crise postélectorale, auxquelles il faut ajouter une crise économique insidieuse (raréfaction des devises, disparition notable de la petite monnaie)…

Officieusement ou plutôt côté jardin, le voyage de Yaoundé a pour but de donner personnellement l’onction de l’ancien colonisateur au régime du président réélu Paul Biya, que la France avait été le seul pays occidental à adouber à travers une lettre de félicitations de l’Elysée adressé au locataire du palais de l’Unité sous le sceau de la confidence.  

Sortir le soldat Biya de la quarantaine à tout prix

Quasiment sur le ban de la communauté internationale depuis un an pour  le refus du  président Biya, d’ouvrir des concertations franches avec les forces vives de la nation aux fins de résolution des multiples crises sociopolitiques et sécuritaires auxquelles le pays fait face, le Cameroun de Biya  est de nouveau fréquentable.  Un retour en grâce, qu’il doit à cette France qui a déployé dernièrement d’importants moyens sécuritaires pour neutraliser une démonstration pacifique des activistes anti-Biya de la diaspora.

Selon la presse hexagonale, Le Drian, artisan du rapprochement Biya-Macron selon des fonctionnaires du Quai d’Orsay, vient “réchauffer” des relations franco-biyaïennes qui ne se sont jamais refroidies, l’Hexagone sachant pouvoir compter sur la présence à la tête du Cameroun de son « meilleur élève » pour mettre au pas  –par tous les moyens-  une zone anglophone de plus en plus regardante sur la manière dont est exploitée la principale ressource de son sous-sol, le pétrole. Une politique de préservation des intérêts français récompensée par le soutien constant que la France apporte au régime à chaque fois que celui-ci s’est trouvé en difficulté, voire au bord de la chute.

Maintenir le Cameroun dans le giron de la France via Biya

La France a par exemple, et cela ne fait pas l’ombre d’un doute, conseillé aux sécurocrates  de Biya,  l’arrestation arbitraire et l’enfermement  illégal pendant neuf mois du principal adversaire de leur régime à la dernière élection présidentielle, ainsi que des centaines de ses camarades, sympathisants et alliés. Objectif visé, intimider l’opposition qui était déterminée à faire en sorte que pour la première fois au Cameroun le suffrage universel ait un sens,  et anéantir Maurice Kamto et ses partisans jusqu’à ce que la revendication de leur victoire électorale se révèle dépassée et inopportune.

Par ailleurs, déjà à l’origine auparavant du durcissement de la répression des revendications corporatistes pacifiques des avocats et enseignants anglophones en 2016, qui s’est muée depuis 2018 en véritable guerre de sécession, la France a recommandé l’entourloupe politique dénommée Grand Dialogue National, dont le double but était de trouver un moyen de libérer Maurice Kamto sans donner l’impression d’avoir cédé aux pressions internationales, d’une part, et d’autre part, de donner à la communauté internationale l’impression d’avoir fait un pas dans le sens de la résolution par un moyen autre que militaire du soulèvement anglophone.

En accueillant Paul Biya en France à l’instigation de Le Drian pour  conférer à son régime un semblant de “fréquentabilité” et en lui envoyant ledit Le Drian une dizaine de jours plus tard, Macron a démontré aux yeux de tous que la politique de la France au Cameroun  reste frappée par la malédiction originelle de la  Françafrique, c’est-à-dire de la conception inique des relations entre un Etat soi-disant puissant  et exploiteur, faisant main basse par le truchement de ses esclaves de salon locaux sur un autre, faible, vassalisé à souhait,  et surexploité.

Domestication de l’opinion camerounaise face à la remontée en puissance du couple France-Biya

Toutes choses qui rendent possible le fait qu’un ministre français effectue le tour du propriétaire dans ce jardin de la France qu’est le Cameroun,  en le faisant précéder de l’annonce condescendante qu’il s’y rend pour « prendre acte et encourager la poursuite de la dynamique enclenchée là ».

En d’autres termes, la France est en train de banaliser la plus grosse crise politique que le pays ait connue depuis son accession à la souveraineté internationale en 1960, en organisant le blanchiment du régime Biya qui en est la cause.

L’autre nom de la France pour le Cameroun est “le désespoir”

Une véritable  insulte pour les Camerounais qui attendaient  qu’à l’instar des autres pays dont la voix compte au sein du concert des Nations (Etats-Unis, pays membres de l’Union Européenne…), la France prenne fait et cause pour l’élaboration et la mise sur pied d’un code électoral plus consensuel, en tout cas, qui change du taillé sur mesure actuellement en vigueur qui fait qu’actuellement la compétition électorale dans ce pays se résume à trois mots : “qui perd gagne”. Dans le sens bien sûr où le parti au pouvoir, quand il le veut, peut transformer les défaites dans les urnes de ses candidats, avec l’aide de l’organe électoral, de la justice et de l’administration préfectorale, en une victoire imparable.

Mais qui se retrouvent confronté à une France qui, en médiateur partial et partisan, lui suggère déjà qu’« Il faut que tous les acteurs politiques puissent regarder maintenant vers le futur, notamment les échéances électorales de l’an prochain, qui sont nombreuses », question d’enterrer définitivement, sans discussion à propos, le casse politique du siècle qu’est le hold-up électoral de 2018, encore frais dans les mémoires. Une véritable incongruité pour les Camerounais qui n’ ont nullement besoin d’une autre élection aux résultats détournés qui viendrait s’ajouter à la longue liste des élections truquées, mais d’une transition qui doit se faire sans Biya et son système complètement dépassés par la marche de l’histoire.

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