Décrétée par Paul Biya, une journée de deuil national a été observée ce 9 novembre sur l’étendue du territoire national. Une cérémonie officielle a été organisée à Bafoussam en hommage aux 43 morts de cet éboulement de terrain. Sans aucune surprise le chef de l’Etat s’est fait représenter par le Premier Ministre.
Les morts et les Morts
L’homme d’État israélien Shimon Peres disait qu’« À notre époque, un dirigeant qui veut laisser son nom dans l’histoire doit comprendre que son rôle est d’assister, et non de gouverner. » Le président Camerounais veut bien entrer, lui aussi, dans l’histoire. Celle des sponsors officiels d’obsèques de ses compatriotes morts accidentellement, morts en défendant la patrie. Il veut entrer dans l’histoire de ceux qui se contentent de tweeter sur les réseaux sociaux même lorsqu’il s’agit des sujets sérieux comme la mort. C’est à la mode dirait quelqu’un. Si le rôle d’un dirigeant est d’assister son peuple, pour le dirigeant africain « imprégné » de toutes les valeurs hospitalières, chères à l’Afrique on devrait s’attendre à plus. En Afrique quand il y a deuil, la présence est la première source de réconfort. Tenez. Outre le tweet de condoléance à l’endroit des familles éprouvées de l’éboulement de Ngouache, Paul Biya « le père de la nation camerounaise » a décidé d’offrir 200 millions aux sinistrés. On a tout l’impression que c’est malgré lui qu’il l’a fait tant ce n’est que plus d’une semaine après l’éboulement meurtrier qu’il décrète cette journée de deuil national.
Autre curiosité. À l’opposé des nations démocratiques, cette journée de deuil national n’a guère amené le Chef de l’Etat à prendre publiquement la parole pour consoler ses concitoyens à défaut d’une descente sur le lieu du sinistre. Paul Biya a décidé de se faire représenter par le premier ministre Joseph Dion Nguté. Aussi triste que vrai, cela n’a rien pour surprendre au Cameroun. Pour ne pas aller au fond des âges, on peut se rappeler que jusqu’à ce jour, ce n’est que derrière son petit écran que le Président camerounais a apprécié les sinistres de l’accident ferroviaire d’Éséka qui avait causé la mort de plus de 79 camerounais le 21 octobre 2016. Il en est de même de la crise dans les deux régions anglophones du pays. A ce jour on évalue à plus de 1850 le nombre de camerounais qui y ont perdu leur vie. Ils ont eu droit à des hommages de moins de 280 caractères et leurs familles, à des appuis financiers. Il faut donc combien de morts pour deviser Paul Biya de son strapontins ? Un crash d’avion ayant causé la mort de 4 MILITAIRES avait suffi pour que cela arrive en 2017. Le président Camerounais avait personnellement présidé une cérémonie d’hommage en l’honneur de quatre officiers morts dans l’accident d’hélicoptère du 22 janvier 2017 survenu à Bogo, près de Maroua (…)
Un « sésame »
A y regarder de près, les cérémonies d’hommage aux morts se muent de plus en plus en théâtre pour les Salamalecs et autres courbettes bouffonnes. Le cas des 43 victimes de Ngouache l’a témoigné à suffisance ce 9 novembre. A l’image des accessoires de branding d’un meeting festif, une large banderole à l’effigie de Paul Biya et son épouse qu’’ils adressent leurs condoléances aux victimes (plus que tous ceux qui ont fait le déplacement). Aussi curieux que cela puisse être, outre la quarantaine de cercueils disposés à l’occasion, aucun visuel aussi impressionnant n’a été accordé aux disparus. Cette pratique est commune chez les thuriféraires de Biya. Ils ne ratent aucune occasion de faire commerce des idéaux de leurs parti à grands coups de salamalecs au détriment d’évènements autant tristes les uns que les autres. Quel est réellement le rôle que joue l’uniforme d’un parti à une manifestation nationale ? A quoi bon se fendre de discours élogieux à l’intention d’un soi-disant président national alors qu’on se réunit principalement pour le recueillement ? la réponse à cette interrogation nous plongerait dans un profond débat autour des habitudes d’un pays où aime pratiquement tout faire à la marge. Il n’est plus de nation évoluée où on observe de telles pratiques.
Pour en emprunter à Lilian Hellman, « Les larmes les plus amères versées sur les tombes
tiennent aux paroles passées sous silence et aux actions restées inaccomplies. » l’amer des « larmes » du régime Biya tient au manque d’entreprises pour éviter la survenue d’autres drames. Il a le talent d’attendre l’irréparable pour se décider de venir au secours de sa population. Le culte des personnalités et autres éléments de campagnes sont autant d’éléments qui laissent croire que l’objectif serait d’attendre le pire pour jouer la carte du sauveur qui vous veut du bien. Comme qui dirait, l’on ne fait rien pour éviter plus de morts, on attend toujours qu’ils soient nombreux pour singer la compassion.