A l’occasion des vœux de fin d’année 2019, le chef de l’Etat Camerounais, Paul Biya, a invité les Camerounais à surmonter les épreuves comme par le passé.
Le coup de langue répétitif sur le côté gauche de la bouche, entre les gencives de la mâchoire supérieure et la lèvre gauche, comme s’il avait maille à partir avec des restes de repas mâchés décidément récalcitrants, c’est un Paul Biya de plus en plus étrange, qui est apparu mardi soir, dès 20 heures, sur les antennes de la télévision gouvernementale camerounaise, pour dresser avec ses compatriotes, le bilan d’une année 2019 que tous savent s’être déroulée dans une atmosphère de crises multiples, mais qu’il a trouvée à maints égards satisfaisante.
Si satisfaisante qu’alors que les institutions financières internationales estiment qu’il faut que les pays aspirant à l’émergence aient réalisé sur une quinzaine d’années consécutives un taux de croissance de 8% au moins, Paul Biya estime le taux de croissance du Cameroun à environ 4% et croit pouvoir atteindre le même résultat. C’est du moins ce que l’on retient de ce bilan économique quasiment non chiffré, contrairement aux années précédentes où le chef de l’Etat a par exemple constamment convoqué le nombre d’emplois créés en centaines de milliers ou d’infrastructures réalisées.
Mais sans le dire ouvertement, Paul Biya a fait remarquer dans le ton ferme, voire violent, la mitigation de son sentiment en ce qui concerne le bilan politique.
Ici Paul Biya aura plaidé pro domo, la situation de l’incompris. Un incompris dont la main tendue (“sincère” ?) à l’intention des anglophones –par exemple- n’est pas reçue comme telle par les insurgés, ceux-ci continuant d’exiger des négociations alors que Paul Biya est intimement convaincu qu’il a pris toutes les mesures pour satisfaire les revendications des enseignants et avocats anglophones à l’origine de ce que l’on a longtemps appelé « la crise anglophone ».
Evidemment Le rédacteur du discours présidentiel et son lecteur ont oublié de mentionner qu’il y a belle lurette que les anglophones du Cameroun n’en sont plus aux revendications des avocats et enseignants, mais ont depuis pris les armes pour venger désespérément leurs parents torturés en mondovision, tués, obligés de rouler dans la boue pour donner par cette humiliation la preuve que « les anglophones ne sont rien ».
Il faut passer. Ce n’est pas demain la veille du jour où le président camerounais adressera ses condoléances à ces personnes meurtries ou fera mieux que d’envoyer des matelas à des personnes dont les habitations ont été incendiées, du riz et des boites de conserves à des personnes qui pleurent des parents tués… En revanche, il faudra compter avec Paul Biya, pour, comme d’habitude, combattre ceux qui s’obstinent à prendre les armes, afin de protéger les Camerounais. Car, faut-il le dire, selon le Paul Biya du 31 décembre 2019, l’ensemble de la nation a apporté son soutien à tout ce qui a été entrepris par le gouvernement.
Ce qui amène “Paul Biya” à inviter les Camerounais à regarder devant eux, conscients du fait que le chemin de la construction de leur pays a été jusqu’ici jalonné de nombreuses épreuves qu’ils ont su à chaque fois surmonter.
La leçon de « patriotisme » de “Paul Biya” à Kamto et à la diaspora
Le discours de Paul Biya n’était pas seulement un rabâchage de mesures plus ou moins imaginaires prises pour calmer les anglophones, c’était également un appel -sur fond de menace à peine voilée- lancé à Maurice Kamto et à ses partisans, plus populaires sur les réseaux, à se mettre à l’école de la démocratie. Sa démocratie ou en tout cas celle conçue par son régime, pourrait-on dire, qui consiste à tenir tout le monde en respect au moyen des lois scélérates qui n’arrangent que lui, sous prétexte que « la démocratie c’est aussi le respect des lois ». Des lois comme celle relative aux élections auxquelles il appelle tous les Camerounais à prendre part le 09 février à lors qu’elles sont justement pipées et truquées par… la loi. Et le président de la République d’en profiter pour régler ses comptes avec les Camerounais de la diaspora qui l’ont itérativement tourmenté en les adjurant de faire preuve de patriotisme en ne parlant pas mal de leur pays, des institutions de leur pays ainsi que de ceux qui les incarnent.