Toutes les actions menées par le gouvernement camerounais et ses soutiens intérieurs et extérieurs, dont des officiels français, pour ôter de l’esprit des Camerounais l’idée de la mort du président de ce pays, continuent de rester inopérants pour certains qui voudraient toucher Paul Biya du doigt pour être convaincus. En témoignent l’opération coup de poing menée hier jeudi, devant la mission diplomatique camerounaise à Ottawa au Canada.
Ce jour en effet, des Camerounais de la diaspora se sont enchainés devant le siège du Haut-commissariat du Cameroun au Canada.
Plus libres du fait de leur éloignement du Cameroun que leurs compatriotes du terroir qui ne peuvent pas s’exprimer sur les affaires touchant la gouvernance de l’Etat sans se faire tirer dessus par l’armée à la solde du régime où sans se faire arrêter et emprisonner pour des crimes imaginaires qui peuvent les amener à séjourner de nombreuses années derrière les barreaux, ces Camerounais manifestaient ainsi leur mécontentement relativement au “mystère entretenu” selon eux au sujet de la mort de Paul Biya par l’aile dure du régime, qui voudrait profiter de l’ignorance de la situation réelle par les Camerounais, pour perpétrer un coup de force politique consistant à transférer le pouvoir à des individus autres que ceux indiqués par la Constitution dans le cas extrême de vacance à la tête de l’Etat.
Les manifestants de la mission diplomatique camerounaise à Ottawa qui se sont enchainés aux portes exigeaient ainsi, en espérant que le représentant de Yaoundé soit pour une fois leur relais, une réelle apparition de Paul Biya marquée par des entretiens et des actions autrement vérifiables que par les journaux télévisés et autres éditoriaux à la noix produits par des journalistes gouvernementaux et pro-régime qui, pour un bout de pain, ont depuis abdiqué leur responsabilité sociétale d’informer leurs concitoyens pour en faire des hommes et des femmes éclairés. Ou, à défaut, que soit produite la dépouille du président au cas où il serait véritablement décédé, le vieil homme ayant disparu des radars début mars, et n’ayant pas fait signe de vie depuis lors malgré la crise sanitaire mondiale de la Covid-19 qui a sorti de leur réserve même les chefs d’Etats réputés très mal en point, à l’instar du Gabonais Ali Bongo.
Il faut dire qu’au Cameroun, plus les communicants du régime déploient des efforts pour convaincre les Camerounais que leur président – celui que le Conseil Constitutionnel a proclamé élu à l’issue de l’élection de 2018 malgré de nombreux indices incitant au doute – est vivant, moins ils y parviennent.
Ils sont nombreux les Camerounais à affirmer que les seules preuves de vie du chef de l’Etat données à ce jour, à savoir les apparitions du président Paul Biya -par deux fois aux côtés de l’Ambassadeur de France au Cameroun, ou son inhabituel discours du 19 mai dernier – dont ils ont eu connaissance à travers la télévision gouvernementale, sont insuffisantes et donc peu susceptibles de leur faire changer de religion sur la question de la « mort certaine » du président officiellement âgé de 87 ans et au pouvoir depuis 36 ans. Certains soupçonnent même qu’il “ait été fait au chef de l’Etat le sort que les militaires ont récemment fait au journaliste Samuel Wazizi”*.
Des supputations et commentaires qui suscitent l’hilarité de ceux qui affirment que le président est bel et bien en vie et travaille comme d’ordinaire et n’hésitent pas à exhiber le nombre de décrets portant [son] “estampille” ou les audiences accordées à de hautes personnalités entre avril et ce début du mois de juillet 2020.
Désormais habités en permanence par le doute philosophique à cause des contrevérités qui leur ont été très souvent servies par les officiels, (Cf. exécution sommaire de deux femmes et de leurs enfants à l’Extrême Nord, massacre de Ngarbuh), les Camerounais parlent de « reportages fabriqués de toutes pièces dans des officines gouvernementales de montages des vidéogrammes à des fins de tromperie » et diffusés par la télévision gouvernementale (ainsi que les télés privées obligées de diffuser sans autre forme de procès des images à elles transmises par les officiels, sous peine de représailles administratives, voire plus) à l’instigation des autorités gouvernementales dont la vérité, cela a été démontré répétitivement, n’est pas une des qualités les plus connues.
Le président Biya gagnerait peut-être à se plier aux exigences de ses “Saint Thomas” de compatriotes, en se montrant à eux dans les formes qu’ils indiquent ou souhaitent, afin qu’il soit mis un terme à la controverse qui dure déjà depuis un bon moment.
* Arrêté le 2 aout 2019 par la police à Muea, une localité de la région du sud-ouest, le journaliste anglophone Samuel Wazizi avait été récupéré le même jour par le 21ème Bataillon d’Infanterie Motorisé et torturé… Mais son décès n’a été annoncé que début juin 2020, après que ses parents, amis et confrères ont passé dix mois à le chercher en vain, enclenchant au passage des procédures en habeas corpus devant la Cour d’Appel du Sud-ouest, dans l’espoir que cela contraindraient les militaires qui le gardaient à le présenter à la Cour. Par analogie ou déduction, des Camerounais redoutent qu’il ait été attenté aux jours de celui qui les dirige d’une main de fer depuis près de 40 ans, et que les auteurs de cette énième ignominie soient juste à la recherche du moment propice pour l’annoncer. par exemple quand ils on auront rodé la machine de transmission de gré à gré du pouvoir d’Etat.