Des écrivains et artistes africains sont à l’origine d’une pétition lancée le 30 août dernier contre les mandats à vie en Côte d’Ivoire, Guinée, Tchad, au Cameroun… Une pétition au bas de laquelle 40 intellectuels de différentes branches et professions libérales ont cru bon d’apposer leur signature, pour empêcher que des tyranneaux en plein essor, exécutent définitivement sur le peloton de leur égocentrisme narcissique, cette démocratie encore bourgeonnante, qui leur fout plus que des poussées d’urticaire. Ci-dessous, la teneur de la pétition.
“Le projet d’Alassane Ouattara de briguer un troisième mandat est un très mauvais signal pour l’avenir de la démocratie en Afrique. Le président ivoirien renie sa déclaration du 15 Mars dernier dans laquelle il promettait de se retirer du pouvoir et tord ainsi le cou à la Constitution de son pays à des fins personnelles. Les interprétations vont bon train et les juristes de tous bords se contredisent sur ce point, jetant un désarroi sans précédent dans les rangs des démocrates.
La messe semble donc dite dès l’instant où la constitution est méprisée, et la ligne rouge tracée par les Conférences nationales des années 90 clairement franchie. Le pire est à craindre. Ce pire a un nom. Il s’appelle parti unique, assemblée monocolore, présidence à vie. Nous en connaissons tous les méfaits. Alors, dès maintenant, exprimons haut et fort notre réprobation. Refusons toute idée de troisième mandat où que ce soit en Afrique ! Souvenons-nous que Nelson Mandela, après tous les sacrifices consentis à son peuple avait promis de ne faire qu’un seul mandat et il s’y est tenu malgré les fortes pressions exercées sur lui de toutes parts.
Il est clair que la nouvelle tentative de confiscation du pouvoir à Abidjan fera des émules si elle réussit. Alpha Condé qui ne se sent plus seul dans son désir de se succéder à lui-même s’est évidemment dépêché d’adresser un chaleureux message de félicitations à son homologue ivoirien. A Niamey, le président Youssoufou doit se demander s’il ne serait pas mieux d’agir comme les autres. Pendant qu’à Kinshasa, Joseph Kabila ruse, à la mode russe, avec la loi suprême, à Dakar, la tentation sera désormais grande pour Macky Sall de suivre la voie de la manipulation constitutionnelle. Alpha Condé et Alassane Ouattara le vendredi 26 avril 2019 à Abidjan
La Cedeao, l’Union africaine et l’Organisation Internationale de la Francophonie ont sanctionné le Mali après le coup d’État militaire. Mais alors pourquoi ferment-elles les yeux sur le putsch constitutionnel en cours à Abidjan et à Conakry ? Ces institutions veulent-elles nous faire croire que le coup de force des lettrés est plus convenable que celui des gradés ? Cette attitude ambigüe est hautement dommageable au processus démocratique amorcé au début des années 90.
Nous en voulons pour preuve la disparition de la limite d’âge dans la nouvelle constitution ivoirienne qui permet à Henri Konan Bédié, âgé de 86 ans, d’être candidat à la présidentielle. Dans quel abîme sommes-nous donc projetés ? Dans le déni de tout avenir pour les jeunes sacrifiés par une oligarchie sans contrepoids, ni contradicteurs. Si l’on n’y prend garde, bientôt, les présidents ne se contenteront plus de modifier les Constitutions, ils vont faire du non droit, ou plutôt de la non-alternance politique, l’ordinaire de la vie publique. Faisons en sorte de ne pas en arriver là !
Liste des premiers signataires ayant répondu à l’appel:
- Aya Ibrahima, écrivain et éditeur
- Baco Mambo Abdou, écrivain
- Badiadji Horretowdo, écrivain
- Barral Antoine, écrivain et traducteur
- Bebey Kidi, écrivaine et journaliste
- Bhêly-Quenum Olympe, écrivain,
- Boisson Cécile, professeure et écrivaine
- Bondu Hélène, professeure de lettres
- Castel Christophe, professeur de musique
- Cayzac Marie-Claude, psychologue clinicienne
- Cirimirimwami Barhatulirwa Emmanuel, professeur à l’Université de Bukavu
- Dautry Michel, médecin psychanalyste
- De Beer Anna-Marie, enseignante et chercheuse
- Dedet Jean-Pierre, professeur émérite, Université de Montpellier
- Degon, Elisabeth, bibliothécaire, auteure
- Etty Macaire, écrivain
- Fougères Thierry, urbaniste
- Gadjigo Samba, professeur à Mount Holyoke College
- Garnier Xavier, enseignant
- Grah Mel Frédéric, enseignant
- Gueret Nathalie, documentaliste
- Kabirigi Violette, étudiante
- Keita Cherif, professeur au Carlton College, Minnesota
- Laski Catherine, directrice de publication
- Launay Gilles, Fonctionnaire retraité
- Levy Julien, professeur d’Histoire-géo
- Mangeon Anthony, professeur à l’Université de Strasbourg
- Marhouch Irène, professeure de lettres
- Mongo-Mboussa Boniface, écrivain, critique littéraire
- Ndjékéry Nétonon Noël, écrivain
- Ngorwanubusa Juvénal, professeur à l’Université du Burundi
- Okoundji Gabriel, Psychologue clinicien, écrivain
- Pacifique Docile, Maître assistant à l’Université du Burundi
- Reid Amy, professeur à New College of Florida
- Revelle Alain, environnementaliste
- Rice-Maximin Micheline, professeure des Universités
- Samaké Adama, Universitaire
- Sextius Marie-Claude, créatrice
- Tidjani Alou Antoinette, professeure, écrivaine, traductrice
- Wa Kabwe Desire Kazadi, enseignant
Source : Change.org