Cameroun/NOSO : Un air de terreur planifiée lors du CHAN 2021, comme lors du Commandement Opérationnel en 2000. J.D.D Momo était témoin

Les camerounais se souviennent encore comme si c’était hier, des massacres à huis-clos perpétrés courant 2000 et 2001 par le Commandement Opérationnel  créé en mars 2000 à Douala par le président Paul Biya, officiellement  pour éradiquer le grand banditisme, au lendemain de l’assassinat d’un boucher de nationalité française  nommé Noury, installé dans la capitale économique camerounaise.

A l’époque, des personnes étaient arrêtées pour un oui ou un non, détenus quelques jours ou quelques heures dans une unité de police ou de gendarmerie, quelquefois dans un camp militaire, exécutés sans autre forme de procès, puis jetés à un carrefour ou dans une rue réputé(e) passant(e).

A en croire les “criminels légaux” ou “terroristes en uniforme”  qui se livraient à ces exécutions sommaires, les exécutions extrajudiciaires et les exhibitions macabres qui s’en suivaient avaient pour but de dissuader les bandits de grand chemin et tous ceux qui pouvaient être tentés par ce métier de s’y adonner. Sauf que pendant que le Commandement opérationnel  – placé sous le Commandement du Général de Brigade d’alors Philippe Mpay qu’assistait le Colonel Bobbo Ousmanou,  Commandant à l’époque  de la Légion de gendarmerie du Littoral et chef d’Etat-major du Commandement opérationnel- semait la terreur parmi les honnêtes gens  dans la ville de Douala transformée pour la circonstance en une vaste barbarie, les actes de criminalité n’en démordaient pas, à telle enseigne que les populations durent  s’interroger non seulement sur le bien-fondé et l’efficacité de cette opération spéciale de restauration de la sécurité dans la capitale économique, mais également et surtout sur les objectifs visés par l’autorité qui l’avait mis en place et les missions véritables qu’il avait assignées aux policiers, gendarmes et militaires chargés de les réaliser.

L’affaire des 9 disparus de Bépanda, un cas typique de règlement des comptes du C.O. dont le souvenir donne encore des frissons 20 ans après 

En fait, la sérénité qui prévalait dans les milieux du grand banditisme concomitamment à la répression supposée l’éradiquer n’était pas la seule constante qui se dégageait de cette opération controversée, car de nombreux cas de personnes n’ayant jamais flirté avec la délinquance mais qui furent exécutées à la suite d’une rafle au cours de laquelle elles avaient été ramassées sans même qu’il leur soit laissé la possibilité de décliner leur identité, furent signalés.

Certaines défuntes victimes du Commandement opérationnel  encore, et elles furent nombreuses à l’époque, furent arrêtées un matin,  exécutées quelques jours après, et jetées dans la rue, parce qu’elles étaient en conflit avec  des  personnes haut placées ou proches d’un officier travaillant au sein du Commandement opérationnel.

L’affaire des « neuf disparus de Bépanda » est encore présente dans les esprits. Une demoiselle nommée Annick Souki vivant au quartier Bépanda où elle subissait les taquineries de quelques jeunes du quartier qui lui reprochaient d’avoir rompu avec un des leurs pour se mettre en couple avec un lieutenant de gendarmerie se confia à son amant qui, du haut de son rang (au Cameroun, les gendarmes ont coutume de faire chanter, en les bastonnant, « Votre Certificat d’Etudes Primaires dépasse mon Baccalauréat et ma licence », à des étudiants, même inscrits en thèse. Du coup  le dernier des agents de la police ou le gendarme le moins gradé est un dieu capable de terroriser une centaine de personnes à la fois, au même endroit et au même moment)  obtint de ses collègues que dans la nuit du 22 au 23 janvier 2001, une expédition punitive soit conduite au quartier Bépanda où, dit-il, la bouteille de gaz de sa dulcinée avait été volée par des brigands.  Neuf jeunes gens dont trois frères furent interpelés et conduits à la Légion de Gendarmerie du Littoral, puis au groupement territorial de gendarmerie du Wouri, siège de l’Etat-major du C.O. Depuis lors, on ne les plus revus, malgré les marches de protestations, les appels de la communauté internationale et autres. Les différentes familles qui n’ont pas encore fait le deuil continuent de croire que leurs enfants avaient été exécutés pour les beaux yeux de la Cendrillon du très malfamé quartier Bépanda qui avait connu la couche d’un seigneur Lieutenant de la gendarmerie. 

Un avocat aujourd’hui  ministre avait été constitué pour plaider la cause de ces disparus, et cela l’a sorti de l’anonymat et lui a conféré une incommensurable notoriété. Une notoriété  qu’en bon commerçant il a transformée en atout politique, pour s’acheter une place au sein de la mangeoire à partir de laquelle il piétine la mémoire des martyrs de la tyrannie du régime.

C’est donc en pure perte que l’activiste de la diaspora Max senior Ivoire fait appel au souvenir de cet “avocat l’eau-l’eau” au sujet des disparus de Bépanda et autres disparus du C.O. de 2000. Le personnage devenu amnésique depuis qu’il a rejoint la Sardinerie-Sardinavie où il se fait appeler “Saul”,  ne cesse de beugler que sur son chemin de Damas, il s’est rendu compte qu’il s’était trompé et avait été trompé à l’époque où il luttait pour que justice soit rendue aux personnes assassinées par une opération de sécurisation dévoyée par des criminels en col blanc.

Au regard de cet antécédent historique et paradigmatique des observateurs craignent, plus à raison qu’à tort,  que les menaces proférées début janvier par des personnes se réclamant du mouvement sécessionniste ou “restaurationniste” anglophone de l’ancien Southern Cameroons, ne soient qu’un stratagème ourdi par le régime en place au Cameroun, avec la complicité de ses agents infiltrés dans les mouvements sécessionnistes, pour pousser des naïfs à esquisser des actes de violence et servir ainsi de prétexte à un massacre en règle et à grande échelle des populations civiles anglophones que l’on aura tôt fait d’accuser d’avoir attenté à la vie des athlètes évoluant dans la poule dont les activités se dérouleront en zone anglophone, avec le discrédit qu’une telle situation pourra jeter sur la cause sécessionniste que le gouvernement de Paul Biya essaie de présenter en vain aux yeux des Camerounais et de la communauté internationale comme un mouvement terroriste.

Le régime est coutumier du fait. Des enquêtes menées en 2000 avaient démontré que l’assassinat à Douala du boucher français Nourry, n’était qu’un acte posé par les services de sécurité pour punir cet entrepreneur radin qui refusait de payer les forces de sécurité étatiques pour qu’ils assurent sa sécurité comme le faisaient d’autres expatriés nantis. Cet assassinat fut par ailleurs commis à la suite de plusieurs autres actions d’éclat réalisées par des bandits entretenus et armés par les mêmes services, pour faire sentir un besoin de renforcement de la sécurité, avec pour corollaire l’augmentation des enveloppes de financement des opérations spéciales et de rémunération spéciale des personnels supplémentaires déployés. Tout cela devant déboucher sur des détournements massifs. 

Pour que le crime soit parfait, un marché fut passé avec des brigands incarcérés pour qu’ils avouent certains de ses crimes en échange des commutations de peine ou d’élargissements.

Plus près de nous,  en septembre 2019, au moment où s’ouvre le Grand Dialogue National lancé par le président  Paul Biya pour trouver une solution à la crise anglophone, des personnes dont une gardienne de prison sont déchiquetées à la machette en régions anglophones. Ces massacres dont il est depuis prouvé qu’ils ont été commis par des tueurs à la solde du régime avaient été imputés aux sécessionnistes. Par la suite, quand il s’est avéré que le Grand Dialogue National avait été pipé et n’avait en fait été qu’un grossier monologue n’ayant réussi à résoudre aucun problème, d’autres meurtres effroyables ont été encore commis, dont le dernier est le massacre des élèves à Kumba, pour démontrer que les sécessionnistes sont d’irréductibles assassins que la communauté internationale doit rejeter et aider le régime à combattre.

En 2008, des bandits furent sortis de prison et commis pour faire des casses pendant la grève des transporteurs pour cause d’augmentation des prix des produits pétroliers, permettant à l’armée de se livrer à des tueries massives, pour prévenir par la dissuasion l’insurrection qui se préparait à répondre à une éventuelle modification de la Constitution par Paul Biya dans le but de faire sauter la clause de limitation des mandats présidentiels. Plus de 400 (quatre cents) morts soldèrent en quatre jours (du 25 au 28 février 2008) ce que les propagandistes du régime Biya appelèrent “les émeutes de la faim”     

A ce moment où se déroule le Championnat d’Afrique des Nations (CHAN), il ne fait pas de doute que des naïfs, sympathisant avec la cause anglophone, pourront poser des actes pour donner un semblant de corps aux menaces qu’ils croiront émaner des dirigeants sécessionnistes. Mais ces actes seront immédiatement imputés à l’un quelconque des mouvements sécessionnistes et justifieront des tueries graves, non seulement des populations, mais aussi des athlètes, question de discréditer davantage la cause sécessionniste. C’est le but d’une alerte lancée jeudi par l’opposant en exil Max Senior Ivoire.

Sous Ahidjo, on prenait le prétexte d’un acte répréhensible pour massacrer une communauté indésirable, comme lors de l’incendie du quartier Congo en 1960.

Sous Biya, on pose des actes ignobles au nom d’une communauté, pour l’amener à appeler la répression et la réprimer ensuite en arguant que cela se fait avec son plein et patriotique consentement  ou on les pousse à la faute comme lors du putsch manqué du 6 avril 1984, et on les massacre.

Comme quoi, les régimes Ahidjo et Biya, c’est bonnet blanc, noir bonnet. Le deuxième étant tout simplement pire que le premier.

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