Pour la deuxième fois de son histoire, le Cameroun va retourner sur le marché international des obligations en respect des prescriptions du président Paul Biya. Le pays tentera de mobiliser auprès des investisseurs internationaux la somme de 450 milliards de FCFA à travers l’émission d’un eurobond (obligations publiques émises en devise). L’ambition du régime en place est que cette seconde entreprise permette de refinancer la première émise en 2015 et dont les échéances de remboursement sont prévues pour la période 2023-2025. Notification en a d’ailleurs été faite par Paul Biya au ministre des Finances. La seconde opération est classée d’urgence au sens d’une correspondance transmise à ce membre du gouvernement le 24 mars 2021.
Le Cameroun est appelé en novembre 2023 à effectuer un premier versement de 150 milliards pour éponger une partie du premier emprunt. Lorsqu’on sait qu’en 2015, le trésor camerounais qui avait exprimé un besoin de 750 milliards de FCFA (1,3 milliards d’euros), n’avait finalement pu lever que 375 milliards de FCFA, (environ 693 millions de dollars) avec un taux d’intérêt autour de 10%, soit l’un des plus élevé servi par un pays africain et qu’au 31 décembre 2020, l’encours de la dette du Cameroun s’est situé à 10 164 milliards de FCFA, soit 46,9% du PIB ; en dessous du plafond d’endettement public en vigueur dans la zone Cemac qui est de 70% du PIB, il y a véritablement à se demander l’opportunité et la capacité du Cameroun à tenir cet autre engagement .
Cette actualité majeure n’a pas échappé à l’économiste Christian Penda Ekoka. Pour lui, le Cameroun s’engage sur une route sinueuse et incertaine « Le plus préoccupant, en plus des conditions onéreuses de ces émissions obligataires sur les marchés financiers, est le cycle infernal où s’engage le Cameroun. De nouvelles dettes pour refinancer les anciennes, révélant par le fait même l’incapacité de ces crédits à créer de la richesse pour assurer leur service. », prévient l’ancien conseiller du président de la République qui se souvient pourtant que des démarches avaient été engagées courant 2015 pour alerter le chef de l’Etat sur « le danger des dettes improductives, qui constituent une hypothèque sur la vie des générations futures, car finançant des éléphants blancs et des projets de prestige (stades par exemple), et non des infrastructures si cruellement manquantes (énergie, eau potable, routes, hôpitaux, internet, etc.)», argumente-t-il.
A en croire la note transmise au Ministre des Finances, le régime en place fonde ses espoirs sur les conditions favorables du marché. De l’avis de Christian Penda Ekoka, il n’y a aucune raison d’espérer. « Quoiqu’en dise le discours officiel, la situation du pays empirera au cours des prochaines années, et avec elle son insolvabilité, au vu de l’atonie de la croissance en perspective, qui s’avère bien en deçà des prévisions officielles. Il serait criminel de dire “Nous ne serons plus là”. » a-t-il martelé.