La peur et l’inquiétude ont gagné les rues tchadiennes depuis l’annonce du décès du président Idriss Deby Itno, le 20 avril. Si la stabilité du pays était déjà menacée depuis les joutes électorales du 11 avril 2021, la situation est davantage tendue avec le régime transitoire annoncé au Tchad depuis la mort du Président Déby. Il a été créé un Conseil militaire de Transition dirigé par Mahamat Idriss Déby, l’un des fils du défunt président tchadien âgé de 37 ans. Une entité ouvertement rejetée par des leaders politiques du monde et autres regroupements associatifs. Dans son message de condoléance à la mémoire du défunt président, l’Américain Joe Biden a appelé à une « une transition pacifique du pouvoir dans le respect de la constitution tchadienne ». Le président américaine n’a fait aucune allusion au CMT-dont il n’ignore pas la mise sur pied-sans doute la preuve de son rejet total de cette initiative qui va à l’encontre de la loi fondamentale du pays. Le coup d’état mal voilé n’est visiblement que l’œuvre d’une faction de militaires qui veulent illégalement exercer le pouvoir. L’armée républicaine s’inscrit en faux contre ce projet.
Dans une récente sortie médiatique, le général Idriss Mahamat Abderamane Diko l’a corroboré en précisant qu’il y a désormais deux camps dans les rangs de l’Armée tchadienne « l’armée républicaine» dont il se réclame étant actuellement en dissidence et, d’autre part, « un petit cercle qui veut sortir du cadre légal pour perpétrer un petit coup d’État». Mais l’officier est catégorique «La souveraineté est entre les mains du peuple» . Réunis en urgence ce 21 avril, les mouvements syndicaux du Tchad ont annoncé l’observation d’une grève perlée généralisée et continue, dans l’optique d’exiger le départ du CMT. Ils appellent de tous leurs vœux une transition dirigée par les civils.

Dans le même temps, les forces politiques du Tchad ont, dans un communiqué conjoint, condamné ce coup de force en s’indignant de l’ingérence d’Emmanuel Macron et de Jean Yves Le Drian dans les affaires intérieures du Tchad, non sans solliciter le soutien de la communauté internationale pour le respect de l’ordre constitutionnel.

L’Union africaine, dont les règlements proscrivent l’accès au pouvoir au moyen de coup d’Etat, et l’essentiel des organisations sous-régionales de l’Afrique Centrale, dont la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) observent un silence continuel depuis la disparition du président et davantage devant le coup de force qui a cours au Tchad. L’opposant camerounais Maurice Kamto du MRC vient de monter au créneau pour exiger le respect de la constitution au Tchad.
Dans son message de condoléance, le leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) formule le vœu que la nation tchadienne trouve en elle-même «Les ressources de pardon pour permettre à ses filles et ses fils de chercher, dans un dialogue inclusif apaisé, les voies et moyens d’organiser la succession du Président défunt dans le respect de la Constitution de leur pays. C’est le meilleur moyen d’éloigner durablement le spectre de la violence dont a tant souffert ce peuple courageux qui n’aspire qu’à la paix pour promouvoir son développement, et ainsi de préserver l’avenir de la jeunesse tchadienne qui, en tant que jeunesse africaine, est aussi la nôtre.» écrit Maurice Kamto. C’est sans compter le coup de semonce du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT). Le groupe politico-militaire a annoncé qu’il fera son entrée à Ndjamena, pour que la volonté du peuple se matérialise. Dans un communiqué rendu public le 21 avril, l’entité annonce ne pas reconnaître « la junte militaire » au pouvoir, qui s’est « substituée à la dictature tchadienne». Les rebelles invitent ouvertement les chefs d’états qui souhaitent prendre part aux obsèques d’Idriss Deby Itno, a renoncer à ce projet, pour des raisons de sécurité. Elle précise être à l’œuvre avec les forces vives de la Nation pour la mise sur pied d’organes véritables de transition au sommet de l’Etat.

Les appels s’enchaînent donc en vue de la démission du Conseil militaire de Transition au Tchad, malgré le mince éventail de soutiens dont il peut se targuer. Le président français, Emmanuel Macron, avait pris acte de l’annonce par les autorités tchadiennes de la mise en place d’un conseil militaire de transition et assure «se tenir aux côtés du peuple tchadien dans cette épreuve. Et exprime son ferme attachement à la stabilité et à l’intégrité territoriale du Tchad.», un communiqué de son Cabinet. Le patron de l’Elysée a d’ailleurs annoncé qu’il prendra part aux obsèques officiels d’Idriss Deby Itno ce 23 avril 2021. On se souvient également que le président camerounais, Paul BIYA, Président en exercice de la Conférence des Chefs d’Etats de la CEMAC, s’est fendu d’un message de condoléance qui traduisait ouvertement son soutien au régime transitoire illégal.
Rappelons que la création du Conseil militaire de Transition au Tchad est clairement un coup d’Etat tant il n’est pas prévu par les textes règlementaires du Tchad. La loi fondamentale tchadienne prévoit qu’en cas de vacance du pouvoir, c’est le président de l’assemblée nationale qui doit assurer l’intérim jusqu’aux nouvelles élections. Le gouvernement et l’Assemblée nationale ont été dissouts le 20 avril juste avant mise sur pied de cet appareil transitoire.