C’est littéralement le premier hommage de cet ordre à la mémoire du héros panafricain plus de 30 années après son assassinat. Avec rigueur et ingéniosité, l’artiste musicien Bourkina Fâsô déterre des tranches sonores et visuelles de l’illustre sous un air de rap, un featuring si proche de la réalité. Au refrain, Bourkina Fâsô qui reprend en boucle « Tu es l’élu des ancêtres. Pour la cause, tu es un grand-prêtre, Capitaine vas-y dis-leur. Tu viens de loin », chante l’artiste. Les punchs line d’anthologie de Sankara Thomas vont justement venir de très loin pour rappeler sa ferme opposition contre l’impérialisme, ou du moins contre le néocolonialisme auquel sont soumis les Africains. Les déclarations chocs de Thomas Sankara vont se succéder durant les 4min44, si bien qu’on peut se résoudre à dire que sankara n’est pas mort . « Capitaine Sankara, tu as osé la révolution contre l’impérialisme, tu as dirigé la rébellion… À toi l’honneur et la raison de redevenir nous-mêmes, Kamit, tête haute et bons. En nous, tu as remis la graine. Tu viens de loin, dis-leur », reprend l’artiste avec allant et passion. La résurrection du discours et de la « personne » de Sankara va en droite ligne d’une mission dont il s’est investi depuis 9 ans. « La précision du temps ne compte pas dans mon acte de marcher sur la vision de Sankara, même s’il aurait fallu que quelqu’un le fasse avant, afin de précipiter la renaissance de Kama la Terre mère. Néanmoins, en portant comme nom d’artiste BOURKINA FÂSO et ceci depuis 2012 (année de ma renaissance artistique), j’exhumais déjà ainsi la vision de ce grand fils du continent à qui il a donné jusqu’à sa vie. Et il mérite tout pour lui. » soutien le musicien.
L’artiste Bourkina Fâso veut par-là lancer un appel à l’éveil des filles et fils de l’Afrique, afin qu’ils se souviennent que Thomas Sankara s’est réellement sacrifié pour la Terre Mère, et que ce sacrifice ne doit pas demeurer vain. Le treillis qu’il arbore et le béret vissé sur sa tête courant la chanson sont loin d’être des assortiments pour le symbole. « Je me suis vêtu comme un militaire pour symboliser la défense de l’Afrique, car chacun de nous devrait être un soldat pour la cause de la libération de notre continent. Mon treillis est donc non seulement le symbole de mon engagement, mais aussi de mon adhésion à l’idéologie de Sankara. », a expliqué celui qui se fait aussi appeler Capitaine RADEGÛ, le nom d’artiste qu’il portait à l’époque lorsqu’il était un jeune rappeur. Si le barbu engagé a ressuscité un sankara 2 au moyen de sa chanson, il se réjouit d’être le relai d’un hymne contre l’impérialisme qui se révèle avant-gardiste plusieurs décennies après. « Son message et son combat étaient bien d’actualité dès l’instant où l’Afrique a obtenu une pseudo-indépendance, et c’est d’autant plus d’actualité maintenant, du moment où on constate que l’aliénation joue les durs chez les Africains. Je crois que son message a toujours été d’une grande pertinence. Et ceux d’en face l’ont bien compris. Raison pour laquelle il était un danger et a mérité selon eux d’être assassiné.» Regrette l’artiste.
La lueur positive a brillé le 13 avril 2021. En effet, dans l’affaire de l’assassinat du héros du panafricanisme, le tribunal militaire du Burkina Faso a appelé à la barre son successeur à la tête du pays. Blaise Compaoré, son ancien bras droit et 12 autres personnes sont accusés d’attentat à la sûreté de l’Etat, de dissimulation de cadavres dans l’affaire de la mort de Thomas Sankara. La justice ne s’était véritablement pas penchée sur ce dossier. Optimiste, Bourkina Fâsô espère une suite probante sous la mandature de Roch Marc Christian Kaboré, au pouvoir depuis 2015. « On peut croire que l’actuel président du Burkina est moins à la solde de l’Occident que le précédent, Compaoré qui n’échappe pour l’instant à la justice que parce qu’il est protégé par ses maîtres et amis. Mais il finira par payer, le karma aidant. C’est donc une bonne chose que ce procès soit ouvert. » Lance-t-il à cameroonvoice.
Si le journaliste à temps plein s’est choisi comme nom d’artiste Bourkina Fâsô, en allusion au pays d’un homme dont il célèbre l’audace et l’héritage, il ne tarit pas d’éloges pour les autres Tsars du continent. On se souvient qu’en 2018, il a mis sur le marché le titre Appelle-moi Africain, au fil duquel il célébrait plusieurs héros africains dont Lumumba, Marcus Garvey, CHEIKH ANTA DIOP, Mandela, Rosa Parks, Um Nyobe, Dualla Manga Bell, Sekou Toure et autres. Le Camerouno-Congolais promet bien de surprises dans son album « Nzela » (le chemin en lingala) qui sera disponible à la fin de cette année à la force de son orchestre, République Kilimandjaro, qui y œuvre depuis pas mal de temps. Mais plus imminent, il annonce la sortie d’un autre single intitulé « Ngono la fille de l’heure ». Ainsi va donc la carrière d’un artiste qui aime à rappeler qu’il se fait fièrement un chevalier de la renaissance africaine, de la fierté d’être soi et de la préservation des valeurs culturelles de l’Afrique.
Par Romulus Dorval Kuessie