Au Cameroun, l’incident de la semaine dernière au cours duquel un gendarme a tué par balle un jeune enfant à Buea est le dernier scandale en date à faire la une des journaux internationaux. Pourtant, chaque jour, le conflit civil du pays inflige un lourd tribut à la population, sans que l’on y prête attention. Depuis cinq ans, une crise de plus en plus profonde oppose les séparatistes anglophones aux autorités au pouvoir, entraînant la perte de milliers de vies et le déplacement de centaines de milliers de civils, et perturbant l’éducation de centaines de milliers d’enfants. Malgré les appels à l’aide humanitaire lancés au Cameroun, les pourparlers concernant la fourniture de l’aide aboutissent souvent à des résultats décevants, et l’attention diplomatique de haut niveau accordée à l’effondrement du pays est rare.
Il est évident que le peuple camerounais, épuisé, mérite aide et soutien. Mais le monde ne doit pas négliger un autre élément de l’instabilité qui règne dans le pays : l’incertitude quant à ce qui se passera lorsque le président Paul Biya ne sera plus en fonction. Biya, âgé de quatre-vingt-huit ans, occupe la plus haute fonction de son pays depuis 1982, gouvernant dans un style très centralisé et opaque qui a maintenu le pouvoir et les opportunités économiques concentrés parmi les élites de son Mouvement démocratique populaire camerounais (RDPC). Alors que Biya et ses fidèles se sont occupés des apparences de la démocratie, les élections sont en réalité des exercices manipulés dont les conclusions sont prédéterminées.
L’opposition organisée qui montre des signes de menace réelle est confrontée à la répression et à l’intolérance. Les spéculations vont bon train quant à savoir qui succédera à Biya, malade, si ce processus sera constitutionnel ou non, et quel rôle les services de sécurité débordés – qui ont été chargés de vaincre simultanément les séparatistes dans l’ouest du pays et de combattre Boko Haram dans le nord – pourraient jouer dans un scénario d’élection surprise. Les réponses à ces questions permettront soit d’aggraver une situation déjà mauvaise, soit d’orienter le pays vers un chemin long et sans doute ardu pour sortir de sa spirale descendante.
Il est maintenant temps pour les partenaires régionaux et internationaux du Cameroun d’envoyer des messages clairs sur les coûts et les conséquences des prises de pouvoir potentielles qui dégradent encore plus les institutions de l’État, tout en rendant explicite le soutien que ceux qui sont engagés dans une véritable inclusion politique, une réforme et l’État de droit peuvent s’attendre à recevoir. Il est important de noter que ceux qui s’inquiètent de l’avenir du Cameroun ne peuvent pas s’en remettre à la France, dont l’histoire longue et complexe de l’influence à Yaoundé a conduit de nombreux observateurs et leaders de la société civile à se méfier profondément des motivations françaises. Le récent soutien de la France à une succession dynastique anticonstitutionnelle visant à assurer la continuité et la prévisibilité au Tchad voisin n’a fait qu’accroître ces préoccupations. Rares sont ceux qui soutiennent que ce dont le Cameroun a besoin, c’est d’une gouvernance identique à celle qui a conduit le pays à son état actuel.
La Rédaction avec Michelle Gavin