Cameroonvoice : Monsieur le Ministre vous venez de signer pour le compte de l’Etat du Cameroun, une convention minière avec la société Chinoise SINOSTEEL, rebaptisée Accord Sinosteel, en vue de l’exploitation du fer de Lobe-Kribi. Que contient vraiment cette convention et pourquoi suscite-elle autant de débat dans les médias ?
Gabriel Dodo Ndoke :Je voudrais avant de répondre à votre question rendre toute ma gratitude au Chef de l’Etat pour les très hautes attentions accordées à cet important projet pour le développement de notre pays.
Comme vous le savez, le Chef de l’Etat a toujours inscrit dans sa politique économique, l’exploitation de nos ressources naturelles au cœur de la relance et le développement économique de notre pays, contenue également dans la SND 30 axée sur la transformation structurelle de l’économie.
Plusieurs autres grands projets miniers pour lesquels il suit particulièrement sont en cours de discussion et viendront renforcer à moyen terme notre production minière nationale et sa contribution au PIB.

Maintenant, revenons sur le projet de Fer de Lobe-Kribi, d’abord pour vous dire que dans le monde entier la question de l’exploitation des ressources naturelles suscite les débats et surtout si ce sont des débats constructifs. Je pense que c’est une situation normale pour les démocraties comme la nôtre.
Comme vous le savez, nous sommes membres de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) et à ce titre tous nos contrats miniers (comme l’Accord Sinosteel) et toutes les informations minières sont transparentes et conformes aux dispositions de la loi, pour le cas d’espèce le Code Minier de 2016.
Il faut également dire que les conventions minières et les permis d’exploitation ne sont accordés qu’aux entreprises ayant effectué la recherche qui a permis de mettre en évidence une réserve minière économiquement rentable.
L’entreprise SINOSTEEL a effectué dans ce cadre avec ses propres fonds, des travaux de recherches minières qui ont duré plus de cinq (05) ans et qui ont abouti à la mise en évidence d’une ressource de minerai d’environ 632,8 millions de tonnes riche en Fer à 33% économiquement exploitable.
Elle a pour ce faire demandé auprès de l’Etat du Cameroun un permis d’exploitation en soumettant au Gouvernement comme l’exige la Loi, une étude de faisabilité du projet. C’est au terme donc d’un examen et des discussions impliquant l’ensemble des administrations sectorielles concernées et les populations locales que la convention a été validée par les Très Hautes Autorités de notre pays et signée.
CV : C’est quoi le contenu de cette convention rebaptisée Accord Sinosteel ?
Gabriel Dodo Ndoke : Il faut dire que les éléments constitutifs d’une convention minière sont précisés par la Loi, à savoir : le Code Minier de 2016. Les clauses de la convention signée entre l’Etat du Cameroun et la société SINOSTEEL pour l’exploitation du Fer de la Lobe à Kribi stipulent les obligations et les droits de chaque partie. Ces droits et obligations sont ceux déjà prévus pour l’essentiel par le Code Minier de notre pays.
CV : Relativement à cet Accord Sinosteel on nous parle d’une extraction des minerais et leur transport par pipeline dans le bateau pour une exportation. Concrètement, on s’attend à quels investissements ? Qu’est-ce que notre pays gagne alors en terme de valeur ajoutée ? Est-ce que les Chinois vont construire une usine au Cameroun pour transformer ce Fer ?
Gabriel Dodo Ndoke : Le partenaire de l’Etat envisage de construire à Lobé une usine de traitement du minerai extraite avec une teneur en Fer à 33 %. Ce qui va permettre de l’enrichir en fer à 60 %.
Elle va également construire une centrale électrique à gaz de 60 mégawatts, un terminal minéralier pour le transport maritime du concentré, un pipeline de 20 km pour transporter le concentré de fer du site minier au terminal minéralier, et beaucoup d’autres installations socio-économiques.
C’est donc un projet intégré dont les coûts estimatifs sont évalués à près de 420 milliards de fcfa que l’entreprise va financer à 100 %. Il est donc prévu d’après ces installations, d’extraire 10 millions de tonnes par an de minerai qui devra être enrichi à 60 % de Fer. Cela veut dire que sur les 10 millions de tonnes, seules environ 4 000 000 tonnes de concentrés pourraient être commercialisés au cours de sa valeur minérale de 60 % de Fer.
CV : Certains disent que cette convention a été accordée pour 50 ans, d’autres 20 ans certains 10 ans ? Quel est finalement la durée de ce contrat ?
Gabriel Dodo Ndoke : Alors ! Je voudrais vous dire sur la question que tout projet minier fait l’objet d’une étude de faisabilité conformément à la Loi et je vous ai parlé plus haut de la réserve minière découverte et estimée par les entreprises au terme de la recherche. La combinaison de ces éléments nous permet d’estimer la durée globale d’exploitation de la ressource peu importe l’entreprise ou les entreprises qui vont intervenir au cours de cette durée.
Pour le Fer de Lobe-Kribi, cette durée a été estimée à 50 ans. C’est une estimation, elle peut durer plus ou moins en fonction des moyens que l’entreprise mettra progressivement pour extraire le minerai.
Maintenant, pour la convention minière, le code minier en vigueur fixe la durée de validité d’un permis d’exploitation minière industrielle à 20 ans au plus, renouvelables par période de 10 ans. La convention SINOSTEEL n’a pas donc dérogé à cette règle.
CV : Qu’est-ce que les entreprises locales peuvent attendre de cette exploitation induite par l’accord Sinosteel, quand on sait que notre pays importe aujourd’hui ces mêmes matières pour ses usines ?
Gabriel Dodo Ndoke : Le Code Minier a déjà anticipé sur la question de la mise à disposition des matières ou minerais extraites au profit des industries locales. Il a donc fixé une quote-part minimale de 15 % qui doit être vendue localement. SINOSTEEL va donc vendre une partie de sa production aux usines camerounaises de métallurgie en fonction bien évidemment de leurs besoins.
CV : Monsieur le Ministre, concrètement qu’est-ce que l’Etat gagne dans cet Accord Sinosteel ? Est-ce que vous pouvez dire que c’est un contrat gagnant-gagnant ?
Gabriel Dodo Ndoke : Comme c’est le cas dans tous les pays du monde, la loi minière précise la contrepartie de l’Etat dans un projet minier. Qu’est-ce que l’entreprise doit s’attendre lorsqu’elle va entrer en production, et même lorsqu’elle veut s’engager dans la recherche minière. Tout ce qu’elle devra payer est connu à l’avance et fixé par la Loi.
Donc ce n’est pas lorsqu’on engage les discussions quand on veut entrer en production qu’on fixe les taux d’impôts à payer ou la contrepartie de minerai à reverser à l’Etat. Notre pays a opté de par sa Loi, de se rémunérer globalement à travers les taxes et les dividendes.
Le code minier camerounais en vigueur prévoit donc le paiement des taxes spécifiques minières directement liquidées sur la production, des différentes contributions pour le développement local ; et des taxes de droit commun sur les sociétés industrielles et commerciales.
Il prévoit en outre, le reversement des dividendes de droit à hauteur de 10 % à l’Etat à travers la Société nationale des Mines (SONAMINES), porteuse des parts de l’Etat dans les projets miniers. La convention minière de SINOSTEEL a pris en compte tous ces éléments sans aucune autre incitation spécifique.
Mais bien plus, à la demande de l’Etat, SINOSTEEL a consenti céder gratuitement une portion du concentré de Fer à l’Etat dans le cadre d’un partage de production. Tout ceci devrait donc générer d’importantes ressources à l’Etat dans le cadre de ce projet. C’est en définitive, pour terminer sur cette question un contrat gagnant-gagnant que l’Etat vient de signer.
Par ailleurs, au plan macroéconomique, le projet contribuera de manière significative au développement de notre économie à travers une forte valeur ajoutée sur le PIB, la création de 600 emplois directs et de plus de 1000 indirects, la contribution au développement des infrastructures portuaires.
CV : Et les populations locales ?
Gabriel Dodo Ndoke : Pour les populations locales, le Code Minier a également prévu l’affectation à leur profit d’une partie des ressources dans le cadre des projets miniers. D’importantes ressources sont également prévues pour le développement local à travers le reversement d’une partie des taxes collectées par l’Etat dont les quotes-parts sont fixées par la Loi.
Mais également des contributions directes par prélèvement d’une partie du chiffre d’affaires. Il est également prévu outre les compensations dans le cadre de l’étude d’impact environnemental, la construction par SINOSTEEL des infrastructures socio-économiques au profit des populations ainsi que le recrutement et la formation de la main d’œuvre locale.
Du reste, les populations de ces localités ont déjà exprimé leur besoin qui ont été pris en compte dans le cadre de la convention.