Bilan sécuritaire du quarantenaire du Renouveau

Avec un regard froid et injonctif le Géostratège Charly Kengne revisite méthodiquement les acquis et les menaces sécuritaires des quarante ans de règne du Renouveau porté par Paul Biya.

Conflits sans fin

Compte tenu des défis majeurs que le pays a traversé durant ces 40 dernières années, il faut dire que c’est un bilan très encourageant. Je
pense être modeste en le disant. Si on fait une lecture panoramique des situations sécuritaires au Cameroun, de ces 40 dernières années, on commencerait déjà par voir où les classifier en grands ensembles.

Il y a des menaces qui relevaient de la sécurité intérieure. Il y a également des menaces de l’extérieur qui s’attaquaient aussi à la sécurité intérieure.

Lorsqu’on prend sous cet angle, on com­prend très bien que la réponse, l’analyse de cette situation repose principalement sur deux ou trois grands éléments de sé­curité. Premièrement, la Police nationale qui est là pour faire face à toutes les situa­tions transgenres qui pourraient provenir de l’intérieur du territoire et d’un autre côté, les forces armées qui sont là pour parer à toute autre menace transgenre qui menacerait l’intégralité du territoire national.

Au cours de ces 40 dernières années, l’analyse panoramique de la situation sécuritaire au Cameroun peut être donc être recoupée en trois. Premièrement, la guerre du côté de Bakassi. Cette zone transfrontalière entre le Cameroun et le Nigeria avec la dispute qu’il y a eu entre ces deux pays.

Quand on voit comment l’état-major, principalement le Comman­dant en chef à savoir le Chef de l’État, le Président de la République, Son Excel­lence Paul BIYA, qui a géré cette situation, on ne peut qu’apprécier la méthodologie utilisée pour résoudre justement ce pro­blème.

On sait très bien que sur le plan des ef­fectifs, sur le plan économique, parce que la guerre est d’abord économique. Sur le plan économique, il aurait été vé­ritablement difficile de continuer à mener cette guerre au niveau de la presqu’île de Bakassi, contre le Nigeria, quand on sait très bien que la guerre coûtent excessi­vement cher. Si celle-ci avait continué, on serait dans une guerre d’usure, ce qui au­rait épuisé les caisses de l’État, mais bien encore, les pertes en vies humaines.

Le budget qui aurait été alloué aurait sans doute freiné le développement écono­mique au Cameroun. Voilà pourquoi le Commandant en chef en a jugé oppor­tun de porter ce problème devant les ins­tances internationales, telle que la Cour Internationale de Justice qui a fini par donné gain de cause au Cameroun.

Donc ça c’est le premier défi majeur relevé véri­tablement sur le plan sécuritaire. On peut aussi saluer la bravoure et la témérité de l’armée camerounaise qui n’a concédé aucun brin du territoire national. C’est dire à suffire qu’avec peu de moyens, elle a su faire de grandes choses.

Par la suite, nous avons eu la menace Boko Haram qui est une secte terroriste venue du Nigeria, qui menaçait la paix et la tranquillité dans la partie septentrio­nale du Cameroun. Extrême-Nord, Nord et Adamaoua. Là aussi, on a vu la réponse qui a été faite par le Cameroun pour ju­guler cette nébuleuse.

On a vu comment avec le concours de pays frères, dans le cadre d’une force multinationale, la Force Multinationale Mixte sur le Commande­ment de la Commission du Bassin du Lac Tchad qui regroupe 4 pays: le Cameroun, le Nigeria, Niger et le Tchad. Ç’avait été mis sur pied pour endiguer le phéno­mène Boko Haram.

Le Cameroun a par la même occasion dû revoir sa cartographie militaire. On a déployé un certain nombre de nos effec­tifs de ce côté-là. Bien plus, le Cameroun dans le cadre de sa doctrine de défense qui est adossée à ce qu’on a appelé le concept d’armée et nation qui a été vou­lu par le Chef de l’État, Chef des Armées, au début des années 2000 qui consistait à améliorer les capacités de notre armée.

La doctrine de défense a été revue à tra­vers le concept armée-nation qui faisait de l’armée camerounaise un prolonge­ment du peuple camerounais et le peuple camerounais, socle granitique sur lequel repose cette armée-là. Ce concept était basé sur ce qu’on a appelé l’interarmi­sation de l’armée qui avait trois grands éléments. Le rajeunissement des troupes, la professionnalisation des troupes et l’équipement des troupes.

L’armée ca­merounaise est montée en puissance. Ce concept armée-nation a permis une franche collaboration entre l’armée et les populations, dans un esprit de solidari­té et de communion. On a vu naître des comités de vigilance qui permettaient la circulation et la collecte de la bonne in­formation. Les renseignements étaient de qualité et acheminés avec célérité.

La réponse tactique suivait sur le terrain. Avec plus de 1000 km de frontière com­mune avec le Nigeria, placer les éléments de nos Forces de défense et de sécurité n’aurait pas été d’un apport certain. La relation entre l’armée et les populations a donc été le facteur gagnant lors de cette lutte. Aujourd’hui, il y a accalmie et dimi­nution des actions ennemies.

Il y a aussi le MLC (Mouvement de Libéra­tion du Cameroun) qui est en groupe re­belle qui provient de RCA du fait de l’ins­tabilité politique qu’a subi ce pays depuis un certain nombre d’années. A leurs cô­tés, il y a les Anti-Balaka et Seleka qui ont profité de cette instabilité sociopolitique pour se constituer et qui menaçaient vé­ritablement l’intégrité territoriale à travers des incursions en territoire camerounais. La tranquillité des populations de l’Est était volée.

Le haut commandement a dû prendre des mesures coercitives. Voilà pourquoi un certain nombre de détachements mi­litaires ont dû être mis en place. Bataillon d’Infanterie Motorisée (BIM) à Bertoua, Garoua-Boulaï, le Bataillon d’Intervention Rapide (BIR) et certaines positions le long de la frontière réactualisées pour vaincre la nuisance de l’ennemi.

C’est donc des prouesses à mettre sur le dos des Forces de défense et de sécurité. En premier lieu le Commandant en chef, le Président de la République, sont Excel­lence Paul BIYA. Voilà également un autre défi.

La crise au NOSO

Enfin, je parlerai de la crise insurrec­tionnelle dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. Il faut relever qu’à la base, il s’agissait des revendications cor­poratistes qui ont évolué pour devenir des mouvements insurrectionnels. Mais, comme j’ai pour habitude de le dire, il s’agit ni plus ni moins d’une guerre par procuration qui a été servie au Cameroun.

Rappelons très bien que les éléments sociaux et sociétaux sur lesquels s’ap­puyait un certain nombre d’analystes pour justifier cette guerre n’ont pas rai­son d’être. En 2016 avant cette crise ne commence, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest étaient dans le top 3 des villes camerounaises les plus déve­loppées en terme d’indice de dévelop­pement humain.

Rien que sur cette base, la raison sociale et même sociétale n’a pas raison d’être. Par contre, lorsqu’on analyse cette crise sur un autre angle, on comprend bien que ces régions premiè­rement abritent de deuxième plus grand employeur du Cameroun derrière l’État, à savoir la CDC.

Egalement, lorsqu’on veut mener une guerre par procuration, on utilise ce qu’on appelle en stratégie de guerre, des tech­niques de soft power. Elles consistent en réalité à charger des régimes sans ad­mettre être présent sur le sol. Sans qu’il y ait une corrélation entre les actes sur le terrain et celui qui tisse les pions de l’autre côté.

C’est par rapport à ça qu’on comprend mieux dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Lorsque vous voulez mettre un pays au sol, vous créez une situation, je ne veux pas dire d’instabilité, mais de profond chômage. Vous mettez le deuxième plus gros em­ployeur au sol, indirectement, c’est le soulèvement populaire que vous êtes en train de préparer dans ce pays là

Une autre chose à savoir c’est que les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, pendant bien des années, depuis 1984, ont été sollicitées par les États-Unis d’Amérique pour implanter des bases mi­litaires, le coeur des Marines. Ça toujours été l’état de non recevoir par le Came­roun. Limbe donne accès à l’océan Atlan­tique, on parle là de la deuxième région pétrolifère au monde, le Golfe de Guinée.

24000 milliards de barils de pétrole. C’est une région fortement convoitée. Le Ca­meroun est au cœur de cette région du Golfe de Guinée. En créant donc cette crise, cette insécurité, il est plus facile pour ces puissances qui convoitent un certain nombre de richesses au Came­roun, d’avoir des agenda secrets.

Malheu­reusement, des fils du pays peuvent être utilisés dans cette sale besogne. Je réi­tère donc que la crise au Sud-Ouest et au Nord-Ouest est une crise par procuration.

Pour répondre efficacement à ce pro­blème, on a vu l’état-major camerounaisse redéployer à travers une reconfigura­tion de la cartographie militaire. On a vu la création d’une région militaire interarmée. Cela a rapproché le commandement du théâtre des événements. Cela porte des fruits aujourd’hui.

La plupart des actes rapportés de ce côté sont d’ordre du grand banditisme. La dynamique séces­sionniste en elle-même a pratiquement disparu.

Lorsqu’on écoute le discours de certains hommes politiques et autres acteurs de la société civile qui tendent à mépriser le travail de nos Forces de défense et de sé­curité dans ces deux régions, c’est à rire. Il faut savoir qu’une armée a trois fonc­tions. Défendre l’intégrité du territoire national, la sécurisation des biens et des personnes et la défense, la protection des institutions de la République.

On se rappelle de feu le cardinal TUMI qui disait que seuls deux de ses ravisseurs étaient des Camerounais. Sur ses déclara­tions, on se rend compte qu’on est face à des personnes non identifiées en territoire camerounais qui foutent le bordel, qui nuisent, qui menacent la stabilité. Obliga­toirement à partir de là, l’armée a raison de rester dans ces régions.

On ne parle­rait même pas des attaques de certaines personnes qui incarnent l’État dans cette zone ou les infrastructures qui incarnent l’autorité de l’État. Je ne parlerai pas de ces routes, des écoles détruites qui ont été réhabilitées par le génie militaire. La pluridisciplinarité de notre armée est au service de ces deux régions.

L’armée y assure un certain nombre de services so­ciaux de base (santé, éducation, ravitail­lement). Une fois encore, cela démontre à suffir, le tandem armée-nation, la relation entre l’armée et le peuple. Voilà un peu ce qu’on pouvait dire de ce côté-là.

Changer la donne

Maintenant, est-ce qu’on aurait pu faire mieux au regard des enjeux? Ce qui pou­vait a été fait en fonction des moyens à disposition. Les perspectives aujourd’hui sont de trois ordres. Tout d’abord pour le Cameroun et l’Afrique, c’est un impératif de se doter de moyens juridiques et mili­taires pour lutter contre le terrorisme. La menace de demain reste encore le terro­risme.

Lorsqu’en 2014, on faisait passer la loi antiterrorisme, j’ai vu les gens qui n’ont pas compris l’importance d’une telle loi. Il faut se donner les moyens de combattre les nébuleuses. Des rapports ont démon­tré que le terrorisme prospère dans trois catégories de pays. Les pays à faible lé­gislation en terme de lutte contre le terro­risme, les pays aux frontières poreuses et les pays qui ont une faible scolarisation.

Par la suite, il faut endiguer la piraterie maritime. Nos côtes doivent être sécuri­sées. C’est une source de richesses. Il faut aussi renforcer les capacités de la Marine camerounaise. Il nous faudra sécuriser le Golfe de Guinée avec les voisins sans faire appel aux grandes puissances. Pen­ser que les autres viendraient notre travail à notre place serait très naïf.

Enfin, il faudrait renforcer les capacités opérationnelles dans le cadre de la DCA, la défense aérienne. La force d’une ar­mée c’est sa capacité à pouvoir sécuriser son espace aérien. Il s’agit de la défense stratégique.

Charly KENGNE, Géo-stratège
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