
Après la défection claire et nette de la Hongrie, l’ambiguïté sur fond de mièvrerie de la Turquie, place au refus de la Pologne et des USA de livrer des armes à une Ukraine qu’ils ont poussé à la confrontation avec l’ogre russe.
Jusqu’ici d’accord pour tenir l’ogre russe à distance considérable, la Pologne et l’Ukraine s’acheminent vers une cessation de leur coopération militaire, à la suite de l’interdiction par le gouvernement polonais -très mal perçue par le chef de l’Etat ukrainien- des importations de céréales ukrainiennes sur son territoire.
« Je (…) veux dire au président Zelensky de ne plus jamais insulter les Polonais, comme il l’a fait récemment lors d’un discours à l’Onu », a réagi le chef du gouvernement polonais, Mateusz Morawiecki, à des propos tenu par le dirigeant ukrainien à l’occasion de la 78ème Assemblée Générale de l’ONU, Volodymyr Zelensky.
Des propos qui auraient pu être pris pour les récriminations d’un ami sincère, mais qui sont devenus la source d’une quasi insoluble tension diplomatique.
A s’en tenir à la réaction éruptive du Premier ministre polonais -rapportée vendredi par l’agence de presse polonaise PAP-, la critique émise par le président Zelensky à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies relativement à la décision polonaise considérée comme « servant les intérêts de la Russie », se sera révélée difficile à digérer et a créé une brèche difficile à refermer dans les relations entre les deux pays en particulier et entre alliés de l’OTAN en général.
Au mauvais moment bien sûr, la Russie à l’origine de la mini 3ème guerre mondiale qui se joue sur le théâtre ukrainien depuis le 24 février 2022 étant restée très forte sur le plan militaire malgré les efforts déployés par la coalition occidentale en matériels de guerre et en ressources humaines et intellectuelles.
Plus encore, l’agression de l’Ukraine qui passe pourtant difficilement dans le monde comme l’ont démontré différents votes à l’ONU, a plutôt, curieusement, requinqué la côte diplomatique de Moscou qui s’est fait davantage d’amis et d’alliés en Asie et en Amérique Latine où l’hégémonisme états-unien est odieusement considéré depuis la nuit des temps, et en Afrique où sa très dynamique propagande portée par des influenceurs locaux ayant pignon sur rue a presque retourné tout le monde contre la France néo-colonial(ist)e.
Jusqu’où ira le désamour entre l’allié Polonais et Volodymyr Zelensky ?
Après celle de la controversée chute d’un missile russe en territoire polonais que l’Ukraine avait imputée à la Russie, mais que la Pologne elle-même avait dit être le résultat d’une action incontrôlée de la défense ukrainienne, la mésentente au sujet des céréales entre l’ancien satellite de l’ex-URSS en Europe centrale et “le grenier à blé de l’Europe”, toutes aujourd’hui ennemies mortelles du “pays des Tsars”, a toutes les allures de la goutte d’eau qui ferait déborder le vase de la tolérance des soutiens occidentaux de l’Ukraine, de plus en plus agacés par les récriminations de Kiev, au sujet de leurs aides.
Ces aides militaires frisent le « service minimum », de l’avis de l’Ukraine, qui estime qu’en plus de leur livraison au compte-gouttes à son goût, elles ont ce handicapant désavantage d’être marquées par trop de restrictions sur leurs usages comme conditions de leur poursuite. Pis encore, les alliés, à l’évidence ankylosés par la perspective de ce qu’il pourrait arriver s’ils osent trop effaroucher le “Rambo” de Moscou -qui ne manque aucune occasion de les menacer avec son missile balistique SARMAT alias “Satan 2” (le plus gros -200 tonnes- et le plus rapide – une vitesse de pointe de 7km/seconde – jamais mis au point), « capable, de raser en un seul lancement un territoire grand comme la France », en sont venus à oublier que la guerre -de positionnement- par procuration que fait Vladimir Poutine à l’Ukraine est d’abord une guerre contre les démocraties d’Europe et les Etats-Unis, après lesquels en ont les régimes totalitaires de Russie, de Corée du Nord, d’Iran, de Chine, de Syrie pour crime d’“impérialisme”.
Après le lâchage polonais, gare à l’effet domino au sein de l’OTAN ?
Pour certains observateurs cependant, il ne faut pas trop que l’on se fasse à l’idée que le bloc anti-Poutine en Occident soit en train de se désagréger du fait des agacements manifestés par les uns et les autres en son sein, tous ayant plutôt à l’esprit l’objectif de défaire la Russie à l’issue de la guerre qui s’annonce longue, et les tâches étant réparties de manière à ce que de temps à autre, il y ait des responsables du bloc occidental, qui ramènent le très plaintif Zelensky sur terre, et dans le même temps, de désorienter l’adversaire.
Le semblant de discordance dans le ton des réactions de l’exécutif polonais en serait-il l’illustration ? Probablement, si l’on veut voir ainsi la tentative du président polonais, Andrzej Duda, de minimiser -à des fins d’apaisement- la colère de son homologue ukrainien, lorsque peu avant la mise en garde musclée de Morawiecki, il laissait entendre que le désaccord sur les céréales ukrainiennes n’entamait pas de manière notable les relations entre leurs deux pays.“Je n’ai aucun doute sur le fait que le litige au sujet de l’approvisionnement en céréales en provenance d’Ukraine sur le marché polonais n’est absolument qu’un fragment de l’ensemble de la relation entre la Pologne et l’Ukraine”, avait-il affirmé.
Zelensky dans de sales draps ?
Mais cette interprétation un peu biaisée si l’on s’adosse sur les faits et non les spéculations. Deux jours en effet avant l’injonction polonaise faite au numéro 1 ukrainien de se retenir plus souvent quand il parle de la Pologne, ce pays, pourtant un des plus grands fournisseurs d’armes à l’Ukraine, avait annoncé ne plus fournir d’armes à Kiev, alors que la contre-offensive contre la Russie est à un moment charnière. Pour justifier cette décision, même le président Andrzej Duda, généralement très conciliant à l’égard de l’Ukraine agressée et de Zelensky, ne s’est pas privé, lors d’une conférence de presse à New York aux Etats-Unis, d’une comparaison choquante sur l’Ukraine qu’il a présentée à l’occasion comme un homme qui se noie, et qui peut entraîner avec lui au fond et noyer aussi celui qui veut le sauver, obligeant le sauveteur à choisir entre l’abandonner à son sort et se sauver lui même. Ce qui reviendrait au même.
De là à croire que là aussi Moscou a réussi à brouiller les alliés entre eux et à leur détriment, il n’y a qu’un pas, les Etats-Unis ayant eux aussi clairement affirmé qu’ils ne livreront pas les missiles de longue portée ATACMS vivement attendus par Kiev. c’était lundi, lors d’une conférence de presse donnée par le conseiller à la Sécurité Nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan.