Mobilisation contre la France au Tchad : le machiavélique stratagème de Deby pour éliminer les leaders de Wakit Tamma

Commencées lundi, les arrestations des leaders de l’opposition et de la société civile regroupées au sein de la plateforme commune Wakit Tamm se sont poursuivies ce mardi avec la mise sous les verrous de Max Loalngar, coordinateur de Wakit Tamma.  

«La France dehors ! », «La France, dégage ! ». C’est au rythme de ces mots d’ordre scandés par une foule furieuse, que des centaines de Tchadiens ont investi la rue samedi pour exprimer leur ras-le-bol relativement au soutien que la France apporte –selon les manifestants- au régime du Général Mahamat Kaka Idriss Deby Itno.

Autorisés à manifester par les autorités de N’Djamena qui ont cependant commis un dispositif policier pour les encadrer, les manifestants du 14 mai –dont des élèves et des collégiens arrivés bruyamment à motos- qui répondaient  à un appel de Wakit Tamma  n’avaient pas usé de circonlocutions pour dénoncer la présence militaire française au Tchad, estimant que l’ancien colonisateur était en train de perpétuer cette situation qui ne devrait plus relever que de l’Histoire. «Non à la colonisation», pouvait-on entendre exiger les nombreux manifestants qui reprochent surtout à la France de soutenir la junte au pouvoir que conduit le fils de l’ancien président Idris Déy Itno tué l’année dernière.

La réponse massive à l’appel à manifester avait suscité un sentiment de satisfaction au sein de l’opposition, au point de laisser la nette impression que le rejet de la France est un sujet pouvant fédérer les populations du pays, comme cela est devenu une mode presque partout en Afrique… francophone.

« Nous nous réjouissons que les Tchadiens prennent de plus en plus conscience de notre lutte et nous rejoignent» avait alors affirmé le coordinateur de Wakit Tamma, Me Max Loalngar, avant d’ajouter les raison de cette prise en grippe : «La France installe des dictateurs sur notre tête. Nous demandons juste que notre peuple soit respecté».

Un reproche d’autant plus fondé que la France soutenue par l’Union européenne (UE) et l’Union africaine (UA) qui –à coups de sanctions- presse la junte malienne  de restaurer l’ordre constitutionnel, avait adoubé sans coup férir celle aux allures dynastiques à N’Djamena conduite par le fils Deby qui, le jour même de la disparition de Deby père, prit le pouvoir en piétinant sans le moindre scrupule le mécanisme constitutionnel régissant la succession en cas de vacance à la présidence de la République, fut-ce en promettant de tenir des «élections libres et démocratiques» après une transition de 18 mois, à l’issue d’un Dialogue national inclusif avec les oppositions politiques et l’armée.

Or outre le fait que la France est la tête de proue d’une communauté internationale qui fait du deux poids, deux mesures par rapport aux coups d’Etat en Afrique, l’Hexagone n’aurait pas pesé, au goût de l’opposition tchadienne, d’un grand poids pour que le dialogue national inclusif –aujourd’hui objet de moult atermoiements et reporté à la demande du pays qui l’accueillait, le Qatar, soit effectif. Tout au plus s’est-elle dernièrement contentée d’une réaction de principe, en déclarant son « attachement » à un dialogue dans les «meilleurs délais possibles», et en proposant vaguement son « aide ». D’où la suspension par Wakit Tamma, le 6 avril, de sa participation aux pourparlers avec la junte, suivie de la dénonciation par cette plateforme d’opposition d’«une communauté internationale qui s’obstine à soutenir vaille que vaille un régime illégal et illégitime».
 

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Plus d’un mois après, le silence de la France qui a pourtant réussi, avec la contribution de certains Etats “vassaux ?” de la CEDEAO  à faire plier d’une certaine façon la junte malienne par rapport à la durée de la transition que celle-ci entendait initialement fixer à cinq ans, mais qu’elle a dû ramener à deux ans, a donné l’impression que cette sortie de Wakit Tamma des pourparlers inter-tchadiens la confortait au lieu de l’inquiéter, si tant est qu’elle est préoccupée par la stabilité du Tchad évoquée il y a un an pour justifier sa “compréhension” à l’égard des putschistes du 20 avril 2021.

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C’est ce constat qui a poussé dans la rue des Tchadiens convaincus que la dictature des Deby qu’elle subit depuis bientôt 32 ans de père en fils puise ses racines en France. Mais alors que les manifestations se déroulaient sous le signe de la responsabilité, les forces du maintien de l’ordre chargées de les encadrer ont décidé, sans aucune raison valable, de disperser violemment les manifestants en usant de de gaz lacrymogène, de matraques et de crosses,  faisant dégénérer la situation qui prendra dès lors des allures de chienlit. Bilan, des dizaines de blessés et des arrestations parmi les manifestants, sept stations d’essence du groupe pétrolier français Total saccagées, quelques policiers blessés. C’est deux jours plus tard que commenceront à transparaitre les motivations de la charge gratuite donnée par les forces de l’ordre contre des manifestants qui n’avaient pas auparavant laissé appréhender le moindre signe de violence ou d’hostilité vis-à-vis des forces de l’ordre : il fallait provoquer des casses pour trouver de solides prétextes à la répression des membres de l’opposition radicale qui refusent d’accompagner le président Mahamat Deby dans un processus de dialogue en vue de la réconciliation nationale qui à l’air d’une énième entourloupe menant à la consécration de la dynastie Déby Itno. 

C’est ainsi qu’il faut comprendre l’arrestation lundi du  Secrétaire général de l’Union des Syndicats du Tchad, Gounoung Vaima Gan-Fare, du Secrétaire général du Syndicat des commerçants fournisseurs tchadiens,Youssouf Korom Ahmat, du Président du Rassemblement des Cadres de la société civile, Massar Hissene Massar, du Président de l’Association pour la Liberté d’expression, Koudé Mbainassem, ainsi que de l’ancien ambassadeur Allamine Adoudou Khatir. Ces cinq personnalités “ont été inculpés d’attroupement ayant causé des troubles à l’ordre public, atteinte à l’intégrité corporelle de personnes, incendie et destruction de biens”, par le procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de N’Djamena,Moussa Wade Djibrine, qui s’est vanté auprès de nos confrères de l’AFP de les avoir « mis sous mandat de dépôt et incarcérés à la maison d’arrêt de Klessoum”.

 

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