Paris jure que seul Bazoum peut lui faire une telle injonction ! Mais la junte est formelle : c’est 48 heures, pas plus ! C’est en tout cas le délai donné vendredi au chef de la mission diplomatique hexagonale à Niamey pour débarrasser le sol nigérien.
Motif, des actions françaises contraires aux intérêts du Niger, à en croire le ministère des affaires étrangères de la junte qui a fait part, vendredi, de sa décision de retirer son agrément à l’ambassadeur de France au Niger, Sylvain Itté. Le diplomate français est par ailleurs coupable de n’avoir pas déféré à une convocation du ministère des Affaires étrangères nigérien, selon des révélations de la chaîne de télévision Al Hadath.
Entre Paris et Niamey, place désormais à un irréversible dépit amoureux ?
Jusqu’au coup d’Etat du 26 juillet 2023 qui a emporté le régime -démocratiquement élu deux ans plus tôt- de Mohamed Bazoum, les relations entre la France et le Niger –une de ses anciennes colonies d’Afrique de l’Ouest- étaient plutôt bon enfant. Dans le cadre de sa lutte contre les terroristes islamistes qui infestent la région, le pays sahélien (alors considéré comme faisant partie du dernier trio -avec le Sénégal et la Côte d’Ivoire- des pays d’Afrique de l’Ouest francophone alliés de la France et de l’Occident) avait bénéficié d’une aide militaire française considérable constituée de drones, d’avions de combat et autres, ainsi que d’un contingent de plus de 1500 soldats. C’est d’ailleurs ici que les soldats français expulsés de Gao au Mali par la junte du Colonel Assimi Goita au pouvoir à Bamako, avait trouvé un point de chute début 2022.
La décision de l’ancien président Bazoum d’accueillir les soldats français répudiés du Mali sur le sol nigérien sans tenir compte de l’ambiance anti-France (que d’aucuns désignent par les mots “sentiment anti-français”) qui fait rage en Afrique en général et en Afrique de l’Ouest en particulier avait été jugée “inconséquente et risquée” par de nombreux observateurs qui, dès lors, avaient commencé à compter les jours de son régime, estimant qu’il n’avait pas pris en compte le travail au corps effectué sur les Africains ces dernières années par une propagande russe en plein éveil et de plus en plus et dynamique (portée localement par des influenceurs autoproclamés “libérateurs de l’Afrique”) qui fait voir de plus en plus clairement et à juste titre, quoiqu’avec une bonne dose de manichéisme machiavélique le côté détestable d’une France “résolument néocolonialiste et impérialiste” dont les relations avec son pré-carré africain (encore appelées “la Françafrique”) n’ont été écrites depuis la colonisation jusqu’à nos jours qu’en lettres d’exploitation et de crimes de toutes sortes au profit de la puissance européenne. Il n’avait qu’à s’inspirer, disait-on, de ce qui était arrivé au Lieutenant-Colonel Paul Henri Damiba Sandaogo du Burkina Faso qui avait montré de la tiédeur vis-à-vis de la Russie, faisant ainsi mine de suivre les traces de son prédécesseur Roch Marc Christian Kaboré –renversé par ses soins-, qui n’avait pas suivi la cohue anti-française de certains de ses compatriotes pour qui la France « était partie du problème terroriste au sahel qu’elle finançait et soutenait logistiquement et stratégiquement, et non de la solution contre… », malgré le dispositif Barkhane de fait considéré come un trompe-l’œil. La suite des événements leur a donné raison. Ce n’est pas seulement Bazoum qui a été chassé du pouvoir, mais aussi la France qui est en train d’être chassée du Niger dans le cadre des mesures vengeresses prises par les nouvelles autorités (militaires) de Niamey qui n’entendent épargner aucune importunité au pays d’Emmanuel Macron.
La fin de non recevoir de Paris à l’expulsion de son représentant au Niger tiendra-t-elle ?
Face à ce retournement de situation, on peut se demander si la France persistera dans son opposition à l’expulsion de son Ambassadeur, par des dirigeants nigériens qu’elle estime illégaux et illégitimes, ainsi qu’elle l’a fait savoir vendredi soir à travers son ministère des Affaires étrangères cité par l’AFP: « La France a pris connaissance de la demande des putschistes ». Selon la diplomatie française qui a pareillement refusé, il y a quelques semaines, de faire droit à la requête officiellement formulée par les mêmes de retirer ses troupes basées au Niger, « Les putschistes n’ont pas autorité pour faire cette demande, l’agrément de l’ambassadeur émanant des seules autorités légitimes nigériennes élues”. Mais tout ne va pas s’arrêter là, car la junte qui n’avait pas dit son dernier mot a entrepris de mobiliser ses partisans pour manifester de nouveau contre la France. Après un premier test vendredi devant la base militaire française à Niamey, une autre démonstration de force du “peuple nigérien” aura lieu ce samedi, à l’appel des organisations de la société civile pro-junte qui, malheureusement, sont les seules à jouir du droit de s’exprimer ouvertement.
