« 10 F » : Nkodo Sitony, Précurseur de la Lutte Contre la Misère au Cameroun

Cher(e)s Camerounais(e)s, j’écris cet article pour revenir sur ce grand mépris à l’endroit de Nkodo Sitony. Il s’agit  juste d’un témoignage pour souligner le fait que Nkodo Sitony est un artiste Camerounais qui s’est inscrit dans la noblesse de la lutte et la solidarité comme tout bon artiste Camerounais qui se respecte. Je ne vais jamais oublier ce que ce titre 10 Franc CFA nous avait révélé fortuitement et que je vais essayer de partager avec vous.

Je trouve que la façon cavalière, dont certains soi-disant Ekang ont profité pour parler de cet artiste original et énergique qui a converti tout le Cameroun au Bikutsi, est simplement inacceptable. Oui ! il est Ekang. Et vous alors, qu’avez-vous donc fait de ce grand ambassadeur de la musique du Sud ?

Je dois écrire pour dire qu’il n’est pas exact et correct de faire les commentaires que j’ai entendus la dernière fois à propos de Nkodo Sitony. « Nkodo Sitony a accompagné Maurice Kamto pour trahir les Ekang », « Nkodo Sitony n’a pas chanté pour les Camerounais, c’était juste pour avoir un cachet ». La réalité c’est que Valsero a rejoint Nkodo Sitony dans la lutte et non le contraire.

Et c´est facile à comprendre. Nkodo Sitony est un enfant de New-Bell. Pour ceux qui ne connaissent pas le Cameroun, New-Bell est un grand quartier de Douala qui a été l’épicentre des batailles pour l’indépendance. Si vous rencontrez un enfant de New-Bell qui ne s’inscrit pas dans la lutte permanente pour l’indépendance et contre le colonialisme, alors vous aurez en face de vous Juda en personne en chair et en os. Nkodo Sitony incarne la générosité de cette lutte.

Comme un volcan, il chante comme s’il pleurait, il est en pleine lamentation malgré le rythme volcanique et joyeux. La mélancolie et le questionnement ne se détachent pas de ses chansons. Cette voix qui raisonne comme les grands arbres de la forêt des Ekang vous interpelle directement et sans détour. On nous dit d’ailleurs que ce sont ces suppliques incessantes d’un mendiant de l’amour, de la paix et de la fraternité que les hommes sans cœur et sans pitié d’Etoudi n’aiment pas entendre. D’ailleurs il serait censuré dans ce haut lieu de la brimade des Camerounais avec les conséquences que l’on connait : Nkodo Sitony, malgré tout le bonheur qu’il a apporté au Camerounais, il n’a jamais reçu la moindre distinction, la moindre médaille du Cameroun, alors que des artistes d’un niveau inférieur en ont reçu. Le régime de Yaoundé a le mérite de savoir neutraliser les hommes de talents et les résistants qui aiment notre pays.

NOUS. C’est ça oui ! Ça aussi c’est une particularité Camerounaise. Les Camerounais, dans leur rejet de la France, utilisent le Franc CFA qu’il nomme Dollar, les comptent en langue locale, mais alors dans une base de calcul figée qui échappe à tous les expert en économie. En effet, Au Cameroun, quelle que soit la parité Franc CFA-Euro ou la parité Euro- Dollar, un dollar = 5 Fcfa, qu’il pleuve ou qu’il neige.

Voyez-vous ? La réalité est donc tout autre. Nkodo Sitony est un artiste Camerounais pur, c’est-à-dire un homme qui aime voir les Camerounais heureux, partager la joie des Camerounais, qui les aime et qui ne peut que se tenir à leurs côtés quand ceux-ci souffrent et se battent pour leur liberté. Comme vous l’avez tous constaté, il n’est pas réapparu sur le château de la publicité pour affaire de mœurs, ni pour une histoire d’escroquerie, ni pour une histoire d’abus de pouvoir parce qu’il est un Ekang. Non, rien de tout cela. Il réapparait dans le cadre de la résistance et de la lutte permanente du peuple Camerounais. Et ce n’est pas par hasard qu’il réapparait auprès de Valsero et de Maurice Kamto.

A mon avis, si on exclut les baobabs comme l´oncle Medjo Nsom Jacob, alors on peut dire que Nkodo Sitony  est le meilleur chanteur ou musicien du Bikutsi au Cameroun. Vraiment c’est grâce à cet homme que les Camerounais se sont intéressés au Bikutsi qui était considéré alors comme une musique paillarde ou oisive avec les fameux « Caleçon, Simba, A cheval, etc.. ». Si Manu Dibango devait résumer ce commentaire, il dirait que « Sitony a brutalement civilisé le Bikutsi » car le frère Nkodo nous a présenté un Bikutsi authentique, sans débordement, sans vulgarité et avec beaucoup d’humanisme (« au village »). Son fameux pas de danse généreux est le seul que j’exécute avec beaucoup de fierté en Bikutsi.

Nous n’allons pas évoquer tous les titres de Nkodo Sitonyqui ont rythmé nos pas de dance sur les pistes mais je tiens à insister sur le titre Dolo Eiba (10 F), extrait de l’album « 100° De Bikutsi A L’Ombre » “C’est Quoi Même”. Je ne vais jamais oublier ce titre de 10 F parce qu’il nous a permis dans un moment complètement inattendu et surréaliste de découvrir un aspect monétaire profond de la résistance du peuple Camerounais. Un soir des années 80, lors d’une petite cérémonie à laquelle nous avions convié quelques expatriés Français (coopérants) qui séjournaient dans la région, nous avons engagé une conversation mémorable autour de cette chanson de Nkodo Sitony. Voici un extrait de cette conversation:

LES FRANÇAIS. (Interloqué par l’effervescence trépidante que cette chanson provoquait sur la piste, les Français vont engager la conversation avec nous) Quel est le titre de cette chanson ?

NOUS. (Alors, nous qui avons pris l’habitude au Cameroun de danser sans chercher à comprendre les paroles de la chanson ou même connaitre les vraies titres de la chanson, nous nous sommes lancés dans les approximations).

  • « 100 degrés de Bikutsi a l’ombre », lança Lucky Luke (plus rapide que son ombre) .
  • « Ça c’est plutôt le titre de l’album », corrigea le Prof.
  • « C’est quoi même » ou bien « Chez moi-même, je pense », reprit un troisième qui avait une oreille plu fine.
  • « Non ! c’est Tchibae Tchibae le titre de la chanson » lança mon voisin (qui semblait mieux s’y connaitre)
  • « Le vrai titre c’est Au Village » semblait clore un cinquième ami avec l’air du premier de la classe.
  • Et finalement un grand danseur, qui gesticulait sur la piste d’à côté tout en s’intéressant au petit quizz qui nous animait, s’est penché sur nos épaules pour nous souffler « 10 Francs CFA », voilà le vrai titre de la chanson. L’unanimité était faite.
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LES FRANÇAIS : (qui ont une bonne écoute, vont saisir l’opportunité que le DJ du soir n’arrêtait pas de repasser le morceau, pour se rendre compte que  le mot Franc CFA n’apparaissait nulle part dans la chanson)  Mais 10 F n’apparait nulle part dans la chanson ?

NOUS. Un de nous a alors rétorqué que 10 Francs CFA était prononcé dans la chanson en Ekang « Dolo eiba ».

LES FRANÇAIS. « Ah Bon ? Les Camerounais ont un nom pour la monnaie ? Et c’est différent du Franc CFA ? »

NOUS. Oui bien sûr ! Chaque langue a un nom de la monnaie. Ici c’est en Ekang. Dolo Eiba veut dire 10 Franc CFA.

LES FRANÇAIS. (En se souvenant qu’il ya au Cameroun plus de 300 dialectes) Alors il y aurait donc près de 300 noms de monnaies au Cameroun ?

NOUS. Non pas du tout. En fait, Ici au Cameroun toutes les dialectes utilisent le mot Dollar pour designer la monnaie, avec des prononciations assez variables d’une tribu à une autre. Par contre les chiffres sont effectivement en langue locale. Ainsi chez les Ekang, Dolo Eiba veut dire « Deux Dollars », soit 10 Franc Cfa.

LES FRANÇAIS. OK, c’est-à-dire qu’ici au Cameroun Un dollar est égale à 5 Franc CFA. Ce n’est pas la parité officielle ?

NOUS. C’est ça oui ! Ça aussi c’est une particularité Camerounaise. Les Camerounais, dans leur rejet de la France, utilisent le Franc CFA qu’il nomme Dollar, les comptent en langue locale, mais alors dans une base de calcul figée qui échappe à tous les expert en économie. En effet, Au Cameroun, quelle que soit la parité Franc CFA-Euro ou la parité Euro- Dollar, un dollar = 5 Fcfa, qu’il pleuve ou qu’il neige.

LES FRANÇAIS. C’est donc une sorte d’improvisation du Fcfa ou une forme de résistance ?

NOUS. C’est ça Oui ! On peut dire ainsi.

LES FRANÇAIS. (Comme le DJ du soir n’arrêtait pas de repasser le morceau) Que dit l’artiste dans cette chanson à propos de 10 francs exactement?

NOUS. En fait Nkodo Sitony traduit dans cette chanson les souffrances que le régime du renouveau inflige au peuple Camerounais. Pour 10 Franc CFA au Cameroun, vous pouvez vous retrouver dans des problèmes incroyablement compliqués au point où l’auteur doit faire appel à sa Maman pour soulager sa détresse.

Voilà un extrait de cette fameuse conversation qui, dans un hasard extraordinaire, avait planté dans nos cœur Nkodo Sitony comme un précurseur de la lutte des Camerounais contre la barbarie du régime de Yaoundé, et bien sûr au-delà de tous les autres aspects telle que sa générosité. Pour rappel, à travers cette conversation nous avons tiré deux informations :

  1. La résistance est inscrite dans l’ADN des Camerounais. Dans leur rejet de la France ils utilisent le Franc CFA qu’ils nomment Dollar, les comptent en différentes langues locales, mais alors dans une base de calcul figée qui échappe à tous les experts en économie du FMI et de la Banque Mondiale réunis. En effet, Au Cameroun, quelle que soit la parité Franc Cfa-Euro ou la parité Euro- Dollar, un dollar = 5 Fcfa. Une parité intemporelle de la résistance.
  2. Avec ce titre « 10F », Nkodo Sitony était l’un des premiers, après les Putschistes, à attirer l’attention des hommes du renouveau sur la vie chère au Cameroun et la misère rampante qui planait déjà dans nos villes et campagne malgré le dur labeur de nos paysans.

C’est dire que Nkodo Sitony était un précurseur de la résistance au Cameroun. Aujourd’hui, 30 ans plus tard, les Camerounais sont presque sur les rotules et le frère Nkodo n’a pas changé. Je l’ai encore écouté récemment dans une interview : « Tout coûte cher. L’hébergement est hors de portée. Les prix des denrées alimentaires ont grimpé et l’absence de systèmes de transport en commun dans les grandes villes a créé des problèmes plus mortels pour les citadins de Yaoundé et de Douala », Pleurait-il.

Je ne sais pas si j’ai été convaincant mais je pense que vous avez pu apprécier la dimension de cet artiste qui fait partie des icônes de la culture Camerounaise et qui n’a jamais manqué de partager sa vision avec les Camerounais, même si ces derniers, plongés dans les piscines de bières et spiritueux, ne comprennent le message que lorsqu’il est un peu tard. Mais il n’est jamais trop tard. Bref, la présence de Nkodo Sitony (accompagné de Valsero) auprès de Maurice Kamto s’inscrit tout simplement dans la nature d’un Camerounais qui lutte contre les injustices avec le cœur plein d’amour, précisément comme Maurice Kamto. En tout cas le jour où vous allez entendre que Nkodo Sitony a dit qu’il n’aime pas les gens ou qu’il est insensible à leur souffrance, alors croyez-moi, nous allons tous nous inquiéter. Pour ma part ce jour là arrivera quand le coq aura les dents.

Ma véritable joie dans cette affaire c’est d’avoir revu mon artiste de Bikutsi préféré à la une et pour des raisons nobles. Sa réponse et son message, face à cet heureux tumulte ont été magistraux. Il n’a pas demandé à arrêter tel artiste ou tel journaliste, il n’a pas demandé d’aller bruler ou détruire la maison d’un autre Camerounais. Il a juste invité les Camerounais à entonner en cœur deux chansons qu’on aime pas écouter à Étoudi : Metylwa et  Mbemmvoe, des hymnes à l’amour et des déclarations d’amour.

Les plus anciens connaissent le grand cœur de ce Monsieur qui s’est battu à une époque pour réunir les artistes Camerounais quand les ténors du régime de Yaoundé les avaient divisés dans tous les sens en essayant d’imposer le Bikutsi comme hymne national de la division. Les plus jeunes d’entre nous doivent remercier le Président Maurice Kamto d’avoir permis de remettre à la lumière un des monuments de la musique Camerounaise.

Après toutes ces émotions pleines d’amour, de nostalgie et de mélancolie, franchement vivement la renaissance de notre pays car nous avons le devoir de faire une place d’honneur à ces grands artistes Camerounais qui nous ont aidé à garder très haute la flamme de la lutte et de la résistance. Nous y reviendront.

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