Covid-19, quelle stratégie de santé publique en Côte d’Ivoire? (Par Le ministre Eric Kahe, président de l’AIRD)

Depuis les premiers cas de Covid-19 dans notre pays, les populations ivoiriennes ont l’impression qu’il n’existe pas une stratégie visible des autorités du pays dans la lutte contre cette pandémie.

C’est en décembre 2019, que la Chine enregistre des cas groupés de pneumonies dont certains mortels. Le 9 janvier, le virus responsable est identifié, il s’agit d’un nouveau coronavirus appelé Sars-CoV-2. Le coronavirus est donc une famille de virus, appelée ainsi à cause de la couronne autour du virus.

En mars, ce virus très contagieux s’est répandu sur les 5 continents de la Terre. 
Comme la communauté  scientifique en savait très peu sur ce virus, c’est par tâtonnement et de nombreuses pistes de recherches qu’on collecte à présent des données sur ce virus. 
Ainsi, sa maladie a été nommée « Covid-19 » le 11 février 2020 par l’OMS. Covid-19 est composé de :
« Co » pour « corona« ,
« vi » pour « virus » et
« D » pour « disease » (« maladie » en anglais).
Le chiffre 19 indique l’année de son apparition : 2019.
En résumé, le Covid-19 est la maladie causée par un coronavirus comme le paludisme est la maladie causée par l’anophèle qui est un type de moustique.

Le temps d’incubation d’une maladie est le temps écoulé entre l’infection par le microbe et l’apparition des premiers symptômes de la maladie. La durée moyenne d’incubation du Covid-19 est de 4 jours avec une durée maximale de 12 à 14 jours.
Le virus est très contagieux et se propage rapidement.

Dans le cas du Covid-19, l’essentiel de la contamination provient de l’aérosol. L’aérosol c’est cet amas de gouttelettes fines qui sont projetées lorsque l’on éternue, lorsque l’on tousse ou que l’on parle. Ce sont ces gouttelettes qui contiennent le dangereux virus.
Ce virus vient ensuite habiter dans le corps humain en passant par une muqueuse: la bouche, le nez ou les yeux.
Une fois dans l’organisme, il va s’attaquer aux alvéoles pulmonaires. Les alvéoles pulmonaires sont les plus petits composants du poumon; c’est à leur niveau que se fait l’échange entre l’oxygène qui rentre et le gaz carbonique qui sort. Leur destruction est irréversible, d’où le recours à un respirateur.
Autrement dit, l’on n’a pas besoin d’être en contact direct avec le malade pour être contaminé. Ni d’habiter avec lui.
En effet, une personne qui éternue ou parle à moins d’un mètre d’une autre personne peut projeter des gouttelettes sur le nez, les lèvres ou dans les yeux de cette dernière avant que le reste ne retombe par terre. De même que des mains qui ont touché un objet infecté (siège de véhicule, poignée de porte, une autre main, barre de soutien dans le bus ou le métro, etc.) et qui viendraient ensuite à frotter les yeux, toucher la bouche ou le nez peuvent contaminer.

L’attitude citoyenne à adopter est à double sens : se protéger et protéger les autres. Se protéger en évitant d’être en contact avec l’aérosol des autres et protéger les autres en leur évitant notre propre aérosol. D’où le port de masques. Il n’y a pas de place pour l’égoïsme dans la lutte contre le Covid-19.

Si par malheur, l’on est contaminé, naturellement, notre système immunitaire génère des anticorps dès qu’intervient une attaque de l’organisme. Statistiquement, dans plus de 85% des cas de Covid-19, c’est l’organisme lui même qui se défend et permet la guérison. 15% des cas nécessitent alors des soins dont 5% de cas graves.

Et c’est à ce niveau qu’intervient l’adoption d’une stratégie qui doit être claire et lisible par les populations. Une stratégie qui devra mettre l’accent sur la prévention. Une stratégie qui doit rassurer et faire disparaître la peur qui fera plus de dégâts que le virus comme nous l’avons montré dans une contribution précédente!
Les Européens ont vite compris qu’une contagion généralisée de la population conduirait à une situation incontrôlable, sans moyens d’accueillir tous les malades qui auront besoin d’être hospitalisés. 15 personnes sur 100, c’est gérable mais ramener cela à 20 millions d’habitants, est intenable. Même si on intègre le taux de prévalence.

En Côte d’Ivoire, nos capacités d’hospitalisation sont très faibles et cela est connu de tous. A présent, il faut s’y faire sans renoncer à protéger les populations. Bien au contraire, redoubler d’imagination et de réalisme! Oui, du réalisme et de la transparence.
C’est sans doute pour éviter que toute la population tombe malade au même moment que les pays européens optent pour le confinement avec les mesures d’accompagnement économique qui conviennent. Le confinement aide aussi à la guérison du malade qui récupère une partie de ses forces et, par conséquent, de son immunité par le repos. Si le confinement total est nécessaire pour le malade, l’est-il pour l’ensemble des populations dans le contexte africain, d’une économie informelle?
Par exemple, conscient des spécificités de son économie, la Bénin a décidé de ne pas pratiquer le confinement. Il compte sur les mesures barrières, l’immunité naturelle de ces populations et les soins en cas de maladie.

Si confinement il doit y avoir, ce n’est pas une solution absolue mais une solution d’attente! En attendant par exemple de trouver des masques à tout le monde. Ou même d’aménager nos habitudes de vie.

Sur la question des masques, l’Afrique a l’occasion de se montrer originale et pas seulement bureaucratique avec des communiqués institutionnels sans consistance. Notre pays cultive du coton, dispose d’usines d’égrenage et d’industries pour l’impression. Pour une fois que nous avons toute la chaîne de production jusqu’au produit fini, ne nous en privons pas. Il faut y aller avec force dans la fabrication des masques de protection. Une production encadrée pour éviter l’illusion d’une protection avec des masques de fortune. De tels masques auront l’avantage d’être lavables et réutilisables et quelques masques par personne pourraient suffire.
Nous ferons d’une pierre 3 coups : protéger nos populations, soutenir l’industrie locale et les producteurs de coton dont les revenus augmenteront, améliorer notre balance des paiements!
Je sais que ces masques ont des limites mais entre « un rien » et « un juste moyen », entre un élève nul et un élève passable le choix est vite fait!
Cette approche est, bien sûr, à combiner avec l’accès à une bonne alimentation, de bonnes conditions d’hygiène, le respect rigoureux des gestes barrières dont le savon liquide pour se laver régulièrement les mains.

Apparemment, peu de visibilité et beaucoup de navigation à vue, avec une communication qui ne tient pas compte du contexte social, économique et culturel. En effet, dans la mise en place d’une politique de santé publique, le client c’est la population tandis que dans la médecine clinique le client c’est le malade. En santé publique, le client, c’est-à-dire la population, doit être une partie de la solution et non exclusivement le problème. Dans le cas présent, il s’agit aussi d’un changement de comportement. Ce changement ne peut se faire sans impliquer les populations elles-mêmes. Cela exige de la pédagogie.
Le cas de ces quartiers où des populations cassent des installations qui seraient destinées au dépistage du Covid-19 est symptomatique de ce manque de pédagogie.

Aussi condamnables que soient ces pratiques, elles sont compréhensibles et s’expliquent par une gouvernance qui se barricade et jette aux populations des solutions qui ne sont ni expliquées, ni consensuelles.

Si le dépistage est la stratégie retenue, les populations ont besoin de savoir à quoi devra servir ce dépistage, d’autant plus que dans son message à la nation, le Chef de l’Etat a parlé d’un dépistage en « toute discrétion », donnant l’impression de stigmatiser du coup les porteurs du virus. Pourquoi cette précision sur la discrétion? D’autant plus le pays ne semble pas avoir les moyens de la prise en charge.
C’est pour cela que nous croyons, humblement, que l’efficacité viendra de notre union sacrée pour adopter une stratégie consensuelle, pour rassurer les populations gagnées par la panique.
Le premier élément de cette stratégie devra porter sur l’hygiène. D’où notre proposition d’une journée « zéro virus chez moi ». Choisir un jour, pour une désinfection de chaque centimètre carré habité. Tous ensemble, le même jour car il ne servirait à rien de se débarrasser du virus chez soi quand le voisin ne peut en faire de même! Il reviendra chez vous.
Nous pensons qu’il serait judicieux d’organiser cette opération de désinfection hebdomadaire par les populations elles-mêmes, en mobilisant les médias publics qui porteront le message et toutes les étapes dans chaque foyer.

Le succès de la lutte, c’est aussi l’union sacrée de la nation. En poursuivant les activités de préparation électorale, telle que l’enrôlement, le Gouvernement met à mal ce besoin d’union sacrée. Beaucoup y voient une opération mortifère qui expose dangereusement au virus les pétitionnaires qui sont obligés de se déplacer sur de longues distances de leur domicile au lieu de recensement. Ces lieux étant en nombre très restreint.

Parce qu’un virus n’a ni nationalité, ni ethnie, ni parti politique, unissons-nous pour le combattre.

Tout comme des ministres qui portent des masques, y compris dans des endroits inappropriés, quand la population ne peut s’en procurer, donnent un mauvais signal de solidarité nationale.
Parler de port de masque sans campagne d’explication et de sensibilisation sur les caractéristiques des masques et leur durée de vie, est de peu d’efficacité!
Que dire aussi de ces distributions politiques, discriminatoires de kits sanitaires, avec les moyens de l’Etat, de la part de ceux qui sont censés être au service de toutes les populations? Cela est loin de l’éthique et de la sante politique.
Parce qu’un virus n’a ni nationalité, ni ethnie, ni parti politique, unissons-nous pour le combattre.
Parce que ce virus n’est pas banquier pour aimer les riches au point de les épargner, pour ne s’en prendre qu’aux pauvres, unissons-nous pour le combattre.
Parce que ce virus n’est pas politique, il ne saura par trier parmi les militants!
Parce qu’aucun homme politique ne pourra à lui seul, relever un pays dévasté par un virus invisible à la cause invisible, unissons-nous et mobilisons-nous.
Un virus n’a pas de sentiment, ni d’entreprise à protéger, ni de compte en banque! Il est seulement mortel! Combattons le de façon intelligente dans un manteau républicain.

Le ministre Eric KAHE,
Président de l’AIRD

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