Côte d’Ivoire : À situation exceptionnelle, conduite exceptionnelle

Si nous étions dans une Côte d’Ivoire normale, la candidature de Laurent Gbagbo et de Henri Konan Bédié serait une incongruité parce que l’un et l’autre ont atteint ou dépassé 75 ans qui est un âge “où on est fréquemment malade” (dixit Laurent Gbagbo sur RTI un jour), ont fait leur temps et ont eu l’occasion de montrer de quoi ils sont capables à la tête du pays. Dans un pays normal, tout le monde aurait voulu que les candidats à la présidentielle du 31 octobre 2020 soient de nouvelles personnes afin que le pays puisse bénéficier d’idées et de méthodes nouvelles mais nous ne sommes plus dans un pays normal depuis avril 2011. Pourquoi ? Parce que plusieurs Ivoiriens (civils et militaires) croupissent injustement en prison, parce que les opposants sont privés de leurs avoirs et du droit d’organiser des meetings et des manifestations, parce que tout journal qui ose dénoncer les dérives et abus du régime Ouattara s’expose à la suspension ou à la prison, parce que les medias publics sont confisqués par le parti au pouvoir, parce que la nationalité ivoirienne est quotidiennement octroyée à des étrangers qui n’y ont pas droit, parce que des secteurs importants de notre économie ont été confiés à des étrangers, parce que notre pays abrite désormais des narcotrafiquants et des tueurs d’enfants, parce que les gros marchés sont attribués sans appel d’offre à des entreprises étrangères (françaises, marocaines, maliennes et burkinabè). Mieux que quiconque, l’ancien président Henri Konan Bédié a bien décrit ce que subit notre pays lorsqu’il s’adressait, le 5 juin 2019, à une délégation du PDCI en ces termes : “Nous avons fait venir des étrangers dans nos plantations de café et de cacao et ensuite ces gens se sont installés à leur propre compte et aujourd’hui ils agressent les planteurs ivoiriens et se disputent même la propriété des terres… Le moment venu, nous agirons pour empêcher ce hold-up sur la Côte d’Ivoire, sous le couvert de l’orpaillage… Nous dénoncerons aussi d’autres qu’on fait venir clandestinement, surtout dans la commune d’Abobo ; les gens rentrent, on leur fait faire des papiers… Il faut que nous réagissions pour que les Ivoiriens ne soient pas étrangers chez eux, car actuellement on fait en sorte que l’Ivoirien soit étranger chez lui.”

Pour éviter tout malentendu, je tiens à préciser que ce ne sont pas tous les étrangers qui sont visés par le discours du président du PDCI. Ce dernier ne met pas dans le même sac tous les étrangers qui vivent et travaillent dans notre pays. Je connais des Zambiens, Tchadiens, Congolais, Kenyans ou Centrafricains qui non seulement respectent nos lois et coutumes mais se gardent de soutenir bruyamment tel ou tel parti politique ivoirien. Ces étrangers, qui connaissent leur place et restent à leur place, nous leur savons gré de ne pas se mêler de manière intempestive de nos affaires internes. Ne sont incriminés ici que les étrangers qui pensent et affirment que la Côte d’Ivoire est le pays de tout le monde, qui y sont entrés et qui y vivent de façon illégale, qui s’y comportent comme s’ils étaient en territoire conquis. Originaires de la CEDEAO, où le pourcentage des étrangers ne dépasse guère 2 % alors qu’il est de plus de 26% en Côte d’Ivoire, ils veulent donner des leçons de morale aux Ivoiriens, osent les traiter de xénophobes.  Oubliant que, quand on est étranger dans un pays, non seulement on en respecte les lois mais on s’abstient de narguer les nationaux et de vouloir les écraser, ils espèrent, en se mettant dans la position d’éternelles victimes, que nous continuerons à les laisser faire ce que bon leur semble dans notre pays.

Les Ivoiriens ne doivent ni culpabiliser ni nourrir un quelconque complexe. Ils ont plutôt l’obligation d’utiliser tous les moyens possibles pour récupérer leur pays et y mettre de l’ordre comme cela se fait dans tous les pays. Le nationalisme et la défense de la terre de nos ancêtres ne sont plus une option pour nous. Nous ne devons permettre à aucun étranger de nous dominer dans notre propre pays. Accueillir ne signifie pas accepter que la personne accueillie vous marche dessus ou vous dépouille. Je dis donc aux étrangers de notre pays la chose suivante : ou bien ils aiment la Côte d’Ivoire et ils se soumettent à ses lois, ou bien ils ne s’y sentent pas à l’aise et ils la quittent illico presto.

Je peux et je souhaiterais me tromper là-dessus mais l’opposition risque de mordre la poussière si des étrangers sont enrôlés et, donc, autorisés à voter pour le RHDP, si la Commission électorale reste en l’état, si le régime refuse de revoir le découpage électoral et si l’opposition présente plusieurs candidats au premier tour.

Je le répète : nous ne sommes plus dans un pays normal. Par conséquent, nous sommes obligés de faire ce qui n’est pas normal si nous voulons empêcher le hold up de certains étrangers sur notre pays. Car l’enjeu du prochain scrutin n’est pas d’élire quelqu’un qui appliquera un projet de société socialiste ou libéral mais de confier les rênes du pays à une équipe qui permettra aux Ivoiriens de reprendre leur pays en main. Pour dire clairement les choses, je suis favorable à ce que le PDCI, le FPI, le PIT, l’USD, LIDER, l’URD, l’AIRD et les autres partis se mettent ensemble et soutiennent un seul candidat en octobre 2020. Une fois au pouvoir, ils pourront former un gouvernement d’union nationale pour nettoyer le pays. En 2025, chaque parti pourra faire cavalier seul. Quiconque pense qu’un seul parti peut chasser du pouvoir en octobre 2020 ce régime dont le rattrapage ethnique et les détournements de fonds publics ont détruit notre pays se trompe lourdement. De l’union de l’opposition dépend donc notre capacité à redevenir maîtres de notre pays au soir de la présidentielle de 2020 pour le remettre à l’endroit. Une union qui n’a pas besoin d’attendre octobre 2020 pour se manifester. Je m’explique. Leurs comptes bancaires étant gelés, les cadres du FPI ne peuvent rien faire pour que leurs militants puissent payer la carte nationale d’identité sans laquelle il est impossible de s’inscrire sur les listes électorales. Une manière concrète de témoigner de cette union serait que le PDCI, dont les comptes ne sont pas bloqués, aide le FPI à enrôler ses militants. Quant au FPI, il devrait comprendre que le fait de se rapprocher du PDCI n’est point incompatible avec la réconciliation de ses deux tendances. Affi N’guessan a certes raison de penser qu’il est “paradoxal de privilégier les actions unilatérales avec le PDCI alors même que l’unité du parti espérée par la majorité des militants et l’ensemble de nos concitoyens conforterait la base du parti pour engager des alliances tactiques plus offensives de l’opposition” mais avait-il besoin d’incendier celui qu’il appelle“son” patron et le président du PDCI ?

J’apprends que, ici ou là dans la diaspora, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix multiplie les obstacles à l’enrôlement des Ivoiriens. Ces agissements peu honorables sont un mauvais signal car ils montrent que ce parti minoritaire et violent ne quittera pas facilement le pouvoir s’il est battu dans les urnes. Que fera l’opposition pour contraindre le régime Ouattara à organiser une élection juste, transparente et crédible ? Sera-t-elle en mesure de ne pas se faire voler sa victoire ?  

Jean-Claude DJEREKE

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