À Défaut d’une transition pacifique, la Révolution s’impose ! (Par Joël Léon)

« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (John F. Kennedy)

« Les révolutions sortent, non d’un accident, mais de la nécessité. » (Victor Hugo — Les Misérables)

Jean Ziegler, actuel vice-président du « Comité consultatif des Droits de l’Homme aux Nations-Unies », a déclaré au cours d’un entretien au mois de mai que « Le choc de cette crise va provoquer la révolution ». Naturellement, il ne parlait pas d’Haïti, mais plutôt des conséquences de la pandémie COVID-19 sur le monde. Il semble que la première révolution aura lieu en Haïti. La cupidité du régime en place, le phénomène des gangs, l’inhumanité des riches, l’hypocrisie de la communauté internationale seront les principaux facteurs de provocation de cette révolution. Et, elle sera plus sanglante et meurtrière que celle de 1804.

Le phénomène de kidnapping qui, d’après plusieurs sources fiables, est une arme politique élaborée et exécutée sous l’autorité directe de quelques hauts dignitaires du pouvoir en place. D’ailleurs, les Nations-Unies et le CORE-GROUP, deux entités influentes en Haïti, exigent au gouvernement haïtien d’arrêter deux anciens hauts dignitaires du régime, pour leur participation dans « le massacre de Lasaline » qui avait fait plus de 70 morts. Le phénomène des gangs et du kidnapping sera les principaux instigateurs du soulèvement général qui s’annonce ; car, les perpétuelles victimes des deux siècles d’ostracisme n’en peuvent plus.

La réalité est beaucoup plus grave que ce qui est rapporté quotidiennement dans la presse et sur les réseaux sociaux. Depuis plusieurs semaines, des kidnappeurs endurcis s’amusent inhumainement à téléphoner de pauvres citoyens de Port-au-Prince. Ils leur exigent le paiement de fortes sommes d’argent, allant d’un à 10 millions de gourdes qu’ils ne possèdent pas. Sous la menace de faire une descente des lieux pour kidnapper des membres de leur famille, en particulier des enfants. La peur règne en maîtres. Déjà, plusieurs dizaines de familles ont abandonné la capitale pour se réfugier dans des villes de province. Des Églises sont de plus en plus parsemées, car beaucoup de leurs fidèles ont déjà reçu ces appels frissonnants. Ils se cloîtrent chez eux. Sans compter des dizaines de kidnappings qui se font quotidiennement. Certains ravisseurs vont jusqu’à exiger 1 million de dollars américains aux proches des victimes. 

Il semble que la capitale est totalement prise en otage par les seigneurs de guerre qui la divisent en 8 territoires. Le pire, ils se sont fédérés sous un parapluie commun qui s’appelle G-9. Ce qui renforce la sophistication et la complexité de la situation sécuritaire, car les gangs ne se battent plus entre eux. Ils s’entraident militairement. Ils coopèrent stratégiquement tout en échangeant de l’intelligence. Nous sommes en face d’une  superstructure criminelle qui rappelle étrangement la ville de Chicago des années 30 et 40, quand la mafia imposait la « loi de l’omerta » et du crime organisé aux citoyens.

Tout ceci s’ajoute à la situation générale de la crise systémique à laquelle les autorités au pouvoir ne savent pas comment l’aborder, la comprendre, l’expliquer, voire la résoudre. Cette ignorance suprême du président de la république et de son équipe, les pousse à faire option de la terreur comme moyen de sortie de crise. Le pouvoir ne se bat guère contre l’insécurité, il l’embrasse et entend la mettre à son service comme une redoutable arme politique.

Ce que le gouvernement ignore, la nation haïtienne a pris naissance par la terreur révolutionnaire et a maintenu son existence de peuple dans la terreur et la privation. Donc, ce peuple qui n’a rien à perdre et immunisé par la terreur n’a plus de limites. Il est historiquement appelé à faire des miracles. D’ailleurs la seule option qui lui reste, c’est le chambardement total !

La révolution dont je parle implique des changements brutaux, c’est-à-dire une rupture épistémologique avec la continuité. À ce stade de la crise, l’ordinaire changement du personnel politique est nettement dépassé. Les institutions qui inspiraient confiance à la population sont peu à peu perverties. Le peuple ne veut plus entendre parler des replâtrages coutumiers : les nouveaux chefs de police, de commissaires de gouvernement, de ministres et de secrétaires d’État… les nouvelles commissions, les amendements constitutionnels, les nouveaux programmes… rien ne convainc le peuple. Tout a été déjà essayé et échoué, c’est du déjà vu !

Historiquement, lorsqu’un peuple a atteint ce point critique de disjonction épistémologique, même quand sa volonté n’est pas encore bien définie, son prochain rendez-vous est inéluctablement l’attaque de la citadelle du statu quo.

Albert Camus l’a remarquablement énoncé dans « l’étranger » à propos de l’état mental d’un révolutionnaire, « Un homme qui dit non et oui à la fois ». Non, à la réalité actuelle, oui, à un nouveau système et de nouveaux dirigeants. C’est une question de temps pour que les leaders s’amènent, l’organisation soit construite et les paramètres du nouveau système soient formellement définis. Tout ce qui se passe aujourd’hui en Haïti ne fait qu’annoncer à grands coups de trompette l’avalanche qui s’annonce. Malheureusement, les Américains sont sourds aux appels du peuple, le régime en place est dépassé, la classe politique est trop vieillie, les leaders d’opinion sont trop cupides, pour même tenter de retarder la marche historique révolutionnaire. Donc, la révolution est pour demain ! 

Lesly Manigat, ce grand théoricien, peu de temps avant sa mort, disait déjà qu’il y a une seule solution viable à la crise générale haïtienne. Une révolution, « de type castriste même ». Puis, s’empressa pour dire que « malheureusement la révolution n’est pas possible » en arguant de la proximité géographique et politique d’Haïti par rapport à Washington, le caractériel du personnel politique et l’absence de structure institutionnelle à la hauteur de cette haute espérance. Cependant, c’était dix ans déjà. Entretemps, la situation empire exponentiellement. Ce qui n’était pas possible hier est incontournable aujourd’hui. J’ai l’impression que le 7 février 2021, date marquant la fin du mandat constitutionnel de Jovenel Moise, va accélérer le processus révolutionnaire ; dans le cas où il s’aventure à garder le pouvoir au-delà de son quinquennat.

Certains émettent des réserves à propos de la révolution comme choix politique. Ce qu’ils omettent de dire, c’est que la révolution est « Granmoun », elle ne dépend pas des souhaits de X ou Y, c’est l’ensemble des insatisfactions et désillusions du peuple par rapport aux élites dirigeantes qui créent les conditions objectives conduisant à la révolution. C’est l’incapacité des maîtres des lieux à gérer les contradictions qui bouillonnent à l’intérieur du système qui propulsent vers la révolution. Car, l’humanité doit survivre. L’expiration du statu quo donne naissance à d’autres moyens d’existence. 

Les prochains jours annoncent la renaissance d’Haïti. Qui vivra, verra !

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