Côte d’Ivoire : Irié Lou Colette, un vrai modèle de réussite

Qui était Irié Lou Colette qui nous a quittés le 5 mars 2021 ? Que fit-elle pour les femmes ? Qu’apporta-t-elle à la Côte d’Ivoire ?

Avant de rendre l’âme, cette dame avait créé un marché de fruits et légumes, une coopérative vivrière, puis la fédération nationale des coopératives du vivrier de Côte d’Ivoire, laquelle fédération compterait aujourd’hui plus de 1800 coopératives. Mme Irié Lou était aussi à la tête de plusieurs ONG spécialisées. On lui doit, en outre, la création d’un vaste programme de lutte contre la pauvreté dénommé Programme d’Appui à la Production du Vivrier et à la Sécurité Alimentaire (PAPV-SA). Le but de ce programme était de contribuer à la lutte contre la cherté de la vie en Côte d’Ivoire par la mise sur le marché de produits vivriers de bonne qualité. Enfin, Irié Lou Colette avait pour ambition majeure de nourrir tout le continent. Une ambition qu’elle n’a pas eu le temps de réaliser.

En ce qui concerne les décorations et distinctions, elle fut élevée au rang de chevalier de l’Ordre National de Côte d’Ivoire, puis d’officier de l’Ordre du mérite national, reçut le diplôme du bâtisseur de l’économie ivoirienne et le prix de la meilleure entreprise du commerce intérieur. La FAO lui décerna la Médaille de meilleure artisane de la sécurité alimentaire du pays et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le prix du meilleur ambassadeur du libre échange.

Dame Irié Lou Colette est ainsi la preuve que ce n’est pas uniquement en fréquentant l’école occidentale ou en étant un salarié de la Fonction publique que l’on peut donner un sens à sa vie et améliorer celle des autres. Elle a surtout démontré que, sans être bardé de diplômes, il est possible d’atteindre le succès et que ce qui compte le plus, c’est d’être déterminé, discipliné et organisé dans le métier qu’on a choisi ou que la vie a choisi pour nous.

Que l’on ne croie cependant pas que la vie fut toujours rose pour cette battante. Par exemple, quelquefois, après la récolte des produits, il n’y avait pas de camions pour le ramassage et elle devait attendre en vain. Elle confia également avoir “perdu à ses débuts près de deux millions cinq cent mille francs CFA en cinq jours et en cinq voyages”. En d’autres termes, son riche parcours ne fut pas sans embûches. Colette connut des difficultés, des moments de doute et de découragement mais jamais elle ne jeta l’éponge. Car, pour elle, il ne s’agissait ni de reculer ni de s’arrêter mais d’avancer et de faire avancer le pays. Ceux et celles qui étaient à Abidjan en mars et avril 2011 pourraient témoigner aisément qu’elle brava le soleil et la pluie pour se rendre à l’intérieur du pays et y acheter de quoi approvisionner la capitale économique. Qu’adviendrait-il si, en plus de la fermeture des banques et de l’embargo sur les médicaments, le circuit des vivriers était contrôlé par les partisans de Dramane Ouattara ? C’est dire combien Mme Irié Lou joua un rôle capital dans la survie du pays dans une période où, pour Ouattara et ses parrains français, tout moyen était bon pour arracher le fauteuil présidentiel à Laurent Gbagbo.

Quoiqu’elle ait contribué à l’autonomisation financière d’un bon nombre de femmes, cette figure emblématique du monde agricole ne bénéficiera pas des mêmes honneurs qu’Hamed Bakayoko. Les drapeaux ne seront pas mis en berne pour elle. Elle n’aura pas droit à un deuil de 8 jours de la part du gouvernement. Ni le stade olympique d’Ebimpé, ni le Palais des Sports de Treichville ne sera réquisitionné pour que ses bonnes œuvres soient magnifiées. Un avion ne sera pas affrété pour transporter sa dépouille mortelle dans le village qui la vit naître il y a 65 ans. Elle ne sera pas non plus élevée, à titre posthume, à la dignité de Grand-Croix de l’Ordre national. Les journalistes affamés et indignes ne la mettront pas à la “une” de leur feuille de chou, ni ne l’appelleront grande dame. En un mot, elle recevra le même traitement que le grand Bernard B. Dadié, c’est-à-dire que l’État ivoirien fera le minimum pour elle, parce qu’elle ne fait pas partie de la bonne ethnie, parce qu’elle n’a pas pris les armes pour Ouattara, parce que le régime installé par Sarkozy méprise les vrais modèles de réussite, parce que, depuis avril 2011, notre pays, où l’inversion des valeurs est devenue une habitude, a choisi de célébrer et de promouvoir les cancres et truands présentés à tort comme de grands hommes.

Jean-Claude DJEREKE

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