L’assaut fasciste de Brasilia: Un avertissement à la classe ouvrière (WSWS)

Tomas Castanheira

Le 8 janvier, une foule fasciste composée de partisans de l’ancien président Jair Bolsonaro a envahi le siège du gouvernement brésilien. Cela a mis en évidence le déclin irrépressible de la démocratie dans le plus grand pays d’Amérique du Sud.

L’attaque fasciste à Brasilia, la capitale brésilienne, a eu lieu exactement une semaine après l’entrée en fonction du président élu Luiz Inácio Lula da Silva, du Parti des travailleurs (PT).

Dans son discours inaugural, le troisième de la carrière de l’ancien syndicaliste qui a présidé le gouvernement brésilien entre 2003 et 2010, Lula a reconnu le caractère extraordinaire des récentes élections. Il a déclaré qu’un «projet autoritaire de pouvoir» a pu s’emparer de la «machine publique» et, avec une large «mobilisation de ressources publiques et privées», a tenté de renverser la démocratie au Brésil.

Les menaces citées par Lula préoccupent des millions de Brésiliens. L’ancien président fasciste du pays, Bolsonaro, a mené une attaque systématique contre le système démocratique et a tenté de renverser les résultats légitimes de l’élection au cours des deux derniers mois.

Cependant, le 1er janvier, Lula a assuré à la population brésilienne que cette «terrible menace» avait été surmontée. Il a affirmé que la promotion par le PT d’un «front démocratique» des partis bourgeois officiels, de la droite traditionnelle au Parti Socialisme et Liberté (PSOL), avait permis d’écraser définitivement le fascisme au Brésil. «C’est la démocratie qui a été la grande gagnante de cette élection», a déclaré le président.

Mais le dimanche suivant, c’était au tour des fascistes d’organiser leur cérémonie d’«investiture». La même police qui a mis en place un régime de sécurité sans précédent lors de l’investiture de Lula, prédisant d’éventuelles actions terroristes de la part des partisans de Bolsonaro, a escorté la foule fasciste pour prendre les sièges du gouvernement lors de l’attaque du 8 janvier.

Cet événement a révélé que, contrairement aux affirmations de Lula, une conspiration fasciste reste active dans l’État brésilien.

En réponse aux événements extraordinaires de dimanche, le gouvernement du PT et les institutions de l’État ont pris des mesures pour réprimer la foule pro-Bolsonaro.

Lula a décrété une intervention fédérale sur le district fédéral (DF), permettant à son gouvernement de prendre le contrôle dLa Cour suprême (STF)e la sécurité à Brasilia et de faire venir des agents de tout le pays pour renforcer la police. Le gouverneur du DF, Sergio Ibaneis, a été temporairement destitué par la Cour suprême (STF) et son secrétaire à la sécurité, Anderson Torres, a été menacé d’arrestation. Le campement des partisans de Bolsonaro, qui se trouvait depuis novembre aux portes du quartier général de l’armée, a été dispersé. Mille cinq cents participants au campement et à l’assaut de Brasilia le 8 janvier ont été arrêtés.

Selon Lula et son gouvernement, ces mesures garantiront «une fois pour toutes que cela ne se reproduira plus jamais au Brésil».

Le ministre de la Justice, Flávio Dino, a déclaré que «le pays avance à grands pas vers une normalisation institutionnelle absolue». Dino, qui a gouverné l’État de Maranhão au nom du Parti communiste maoïste du Brésil (PCdoB), a conclu: «Jusqu’à présent, les forces armées brésiliennes sont restées fidèles à la légalité démocratique. C’est un fait qui doit être salué. De manière générale, je dirais que le pire est passé».

Concordant avec la thèse avancée par le PT, les analystes politiques des médias officiels ont rapidement décrié l’invasion de Brasilia comme une défaite du mouvement d’extrême droite au Brésil.

«Le “bolsonarismo” s’est tiré une balle dans le pied en promouvant la prétendue “prise de pouvoir” à Brasilia», a déclaré l’Estado de São Paulo. «L’action des extrémistes qui ont semé le chaos au cœur de l’État aura pour conséquence de renforcer, bien que temporairement, le président Luiz Inácio Lula da Silva», concluait-il.

Ces évaluations sont absolument fausses. En particulier, l’affirmation de Dino, selon laquelle l’armée est «jusqu’à présent restée fidèle à la légalité démocratique», est contraire à la réalité.

Au cours des derniers mois, les forces armées sont intervenues d’une manière sans précédent dans la politique brésilienne. Les commandants militaires ont publié des notes officielles censurant les fonctionnaires civils qui s’exprimaient de manière défavorable à l’égard des forces militaires. L’armée a également lancé de fausses accusations quant à un risque de fraude électorale.

Pendant ce temps, les hauts gradés ont défendu les manifestations autour des casernes, qui appelaient à un coup d’État militaire, comme un «mouvement populaire» légitime. Ceci, dans un pays où l’armée a pris le pouvoir en 1964 et gouverné au moyen d’une dictature sanglante pendant deux décennies.

En outre, l’armée a gardé le silence sur les préparatifs de l’attaque de dimanche et des attaques violentes précédentes menées par leurs protégés fascistes. La prise d’assaut des bâtiments gouvernementaux a commencé et a été organisée aux portes du quartier général de l’armée à Brasilia, une zone restreinte où les généraux ont autorisé les fascistes à rester.

Le fait que l’armée ait jusqu’à présent collaboré aux actions entreprises par le gouvernement de Lula ne contredit pas sa position antérieure et ne représente pas un tournant politique.

En fait, aucun des acteurs politiques directement engagés dans la formation d’un mouvement fasciste au Brésil n’a revendiqué les attaques de dimanche. Bolsonaro et les membres de son Parti libéral (PL), le gouverneur et le secrétaire à la sécurité de Brasilia, les militaires fascistes, ont tous qualifié l’action d’aberration.

Ces forces politiques voudraient faire croire que 5.000 «terroristes» ont surgi à Brasilia et ont spontanément envahi le siège du gouvernement. Mais il est évident que les organisateurs de l’assaut fasciste à Brasilia sont profondément enracinés dans l’État, et surtout dans l’armée.

L’attaque du 8 janvier ne représente pas une défaite pour ces forces. Au contraire, leur «collaboration» avec le gouvernement du PT pour faire face à cette crise ne fera que leur donner plus d’espace au sein du gouvernement, leur permettant de le pousser toujours plus à droite, tout en préparant son renversement.

Comment expliquer alors la collaboration directe du PT pour couvrir les responsables et son empressement à déclarer faussement la situation résolue?

En tant que représentant du capitalisme, la classe dirigeante brésilienne a réhabilité et ramené le PT au pouvoir dans des conditions politiques et sociales explosives. Ces dernières années ont vu l’éruption de l’inégalité sociale et de la misère, des morts en masse causées par les politiques procapitalistes en réponse au COVID-19, et la stagnation économique au milieu d’un environnement économique mondial de plus en plus marqué par la guerre.

Ces conditions préparent une explosion incontrôlable de la lutte des classes au Brésil. Le développement d’un mouvement fasciste et de toute forme de réaction politique est la réponse de la classe dirigeante à ces conditions objectives.

Le PT, soutenu par ses alliés de la pseudogauche de la classe moyenne, joue un rôle instrumental dans cette réaction bourgeoise. En s’efforçant de dissimuler l’ampleur de la crise de l’État capitaliste, en entretenant des illusions sur son caractère démocratique et en utilisant son appareil syndical pour réprimer les luttes de la classe ouvrière, le PT ouvre la voie ainsi au développement des forces fascistes et crée les conditions d’un coup d’État.

La classe ouvrière internationale doit considérer l’action des fascistes à Brasilia comme l’avertissement le plus sérieux. Face à l’éruption volcanique des contradictions du capitalisme, la classe dirigeante internationale fomente des mouvements fascistes.

L’établissement de dictatures fascistes, même dans les principaux pays capitalistes, ne doit pas être vu comme une possibilité lointaine. Tout comme le danger d’une guerre nucléaire d’anéantissement, cette menace est absolument réelle. Elle ne peut être affrontée que par le développement d’un mouvement de la classe ouvrière visant à prendre le pouvoir politique, sur la base d’un programme socialiste, au Brésil et dans le monde entier.

(Article paru en anglais le 10 janvier 2023)

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