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2011 : le temps des dauphins a-t-il sonné ?

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Le Cameroun en transition politique ? Le temps de « dauphins »

Le temps des dauphins statutaires ou putatifs a-t-elle sonné au Cameroun ? L’année 2011 apparaît en effet comme une échéance charnière dans cette perspective qui met de facto le Cameroun en transition politique. 2011. Quel que soit le scénario inscrit sur les tablettes de l’histoire, après l’élection présidentielle programmée, nous entrons dans l’ère de la transition. Pour des raisons biologiques ou de clarification politique dans le sens du renouvellement des dirigeants, la transition va s’installer au sommet de l’Etat comme dans les partis politiques.

Le débat actuel sur la candidature du président du Rdpc et chef de l’Etat offre l’occasion au Messager de se pencher sur la question du renouvellement du personnel politique dans notre pays. Au-delà du juridisme qui a cours en ce moment sur la légalité ou non de la candidature (éventuelle) de Paul Biya, se pose en filigrane la question de la longévité au ‘pouvoir’ de la classe politique qui est aux affaires tant dans la nomenklatura officielle que dans l’opposition.

Le départ réclamé du locataire d’Etoudi n’induit-il pas celui des autres leaders politiques, notamment ceux de l’opposition ? Plus de vingt ans et après des échecs successifs à le bouter hors du pouvoir suprême, n’est-il pas temps pour ces vieux leaders d’en tirer des leçons et de passer la main, de céder la place aux plus jeunes, dans la perspective des batailles futures ? Telle est la trame de fond de ce dossier qui dresse l’état des lieux dans certains partis politiques qui comptent sur l’échiquier national. Un choix qui souffre d’arbitraire, mais dont l’objectif est de questionner le niveau de culture démocratique de ceux qui nous gouvernent ou qui aspirent à le faire.

Qui sont les dauphins statutaires ou putatifs de ces leaders ? Comment s’organisent-ils en vue de prendre le pouvoir ? Le Messager passe en revue les troupes au sein des états-majors ciblés et restitue la quintessence du jeu des acteurs et des enjeux d’une bataille… inéluctable qui se dessine.

Au-delà de l’analyse des reporters, nous avons aussi donné la parole à quelques uns de ces acteurs dont l’avis est restitué dans ce dossier. Pour décrypter le sens caché de cet agenda politique, Le Messager a également fait appel à l’expertise d’un politologue, Dr Aboya Manassé, qui sonde les implications de la prochaine échéance politique et ses conséquences sur l’avenir de la classe politique.

Rdpc : le casse-tête de la succession

L’année 2011 sera-t-elle celle de la transition politique au sein du Rdpc ? Au sein du parti des flammes, certains en rêvent. L’omniprésent président national, « candidat naturel » du parti n’étant pas immortel, plusieurs prétendants affûtent leurs armes. Certes, ces ambitions personnelles ne datent pas d’aujourd’hui. Certains cadres ayant manifesté leur impatience ont été obligés de quitter les rangs : Albert Dzongang, Jean-Jacques Ekindi, chief Mila Assouté, etc., pour rejoindre l’opposition où ils pouvaient mieux exprimer leur soif de changement. A l’orée de la prochaine présidentielle, le Rdpc peut-il enfin rompre avec l’immobilisme ? C’est tout l’enjeu qui entoure l’organisation annoncée de son congrès attendu depuis… 15 ans.

Paul Biya va-t-il/peut-il passer la main à cette occasion ? Si beaucoup le souhaitent sous cape, personne n’ose l’affirmer à visage découvert. C’est que la crainte révérencielle, et, surtout, la mystification faite autour du président actuel ont conduit plusieurs cadres à faire profil bas par crainte de représailles. Ce qui ne veut pas dire que la guerre de prétendants n’aura pas lieu, le Prince entretenant volontiers le flou sur sa succession. Trois instances apparaissent incontournables pour la conquête du fauteuil présidentiel du Rdpc: le bureau politique, le comité central et le congrès. Qui osera défier éventuellement Paul Biya ? Le velléités d’un Adama Modi ont fait long feu.

Marafa/Sali Dahirou ?

Dans la conquête du pouvoir, le bureau politique pourrait avoir un rôle à jouer, conformément à l’article 22. Mais le bureau issu du congrès statutaire de 1996 dont le mandat a du reste expiré depuis 2001 apparaît passablement décimé (Pierre Nzeufa, Nicolas Kelbe, Engamba Nsili, Alvine Ekoto, et récemment Philémon Adjibolo, etc., décédés, n’ont pas été remplacés à ce jour) ; Désiré Engo est « oublié » en prison et Joseph Charles Doumba, très affaibli par la maldie) ; alors que Dorothy Njeuma et Cécile Bomba Nkollo, nommées à Elecam sont frappées d’incompatibilité, tant et si bien qu’il ne reste qu’environ 10 membres actifs dont l’équilibre des forces est plutôt favorable au grand nord.

Parmi ceux qu’on pourrait considérer comme opérationnels, Ndongo Essomba, Delphine Medjo, Genevière Tjouès, Tanfou Samuel Ngué, John Ebong Ngollé et El Hadj Mohammadou Abbo ne semblent pas afficher un appétit excessif pour le pouvoir suprême. En procédant par élimination, il resterait en lice quatre personnalités susceptibles de revêtir le costume présidentiel : Djibril Cavaye Yeguié, le président de l’Assemblée nationale, Ayang Luc, le président du Conseil économique et social, Marafa Hamidou Yaya, ministre d’Etat, ministre en charge de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (Minatd) et l’honorable Sali Daïrou. Ayang Luc, ne semble pas intéressé par le challenge et Cavaye Yégué Djibril, successeur constitutionnel du président de la République , est disqualifié d’office, même s’il lui reste une grande capacité de manœuvre dans le choix du futur candidat à la magistrature suprême en tant qu’organisateur des élections en cas de vacance du pouvoir.

Outsiders

Pour ce qui est du bureau politique du Rdpc, la bataille pourrait donc se jouer entre deux caïmans évoluant dans le même marigot du Nord et qui ne cachent pas chacun, ses ambitions : le ministre Marafa Hamidou Yaya et le député Sali Dahirou. Homme du sérail et de réseaux, Marafa qu’on dit proche des réseaux Sarkozyens a l’avantage d’avoir pu placer depuis neuf ans dans le commandement des hommes sûrs et dévoués. De son côté, après avoir été pendant une dizaine d’années l’homme d’action de Joseph Charles Doumba, Sali Dahirou a pour lui l’expérience de la gestion du parti, dans la mesure où il a joué le rôle officieux de secrétaire général du comité central du Rdpc. Certaines tendances au sein du Rdpc lui attribuent la mise en place du dispositif actuel du Rdpc. Et pour ne rien gâcher, il est populaire à la base…

Au cas où l’article 22 est mis à contribution, l’actuel titulaire du comité central pourrait également avoir son mot à dire en l’absence du président national et des vice-présidents (trois parmi les quatre sont décédés). Dans un contexte africain où il est difficile d’organiser une élection et la perdre, le secrétariat général du comité central à qui incombera les missions d’organiser les travaux du congrès, de dresser la liste des invités, de mobiliser les ressources humaines, financières et matérielles pour le bon déroulement des assises peut donc infléchir les résultats au gré de ses intérêts, d’autant plus que par la même occasion, c’est à cet organe que reviendra la possibilité de définir la procédure d’enregistrement et de discrimination des éventuelles candidatures à la fonction de président national du Rdpc.

Seul maître du jeu

Très introduit dans les arcanes du pouvoir, René Sadi apparaît donc comme un faiseur de rois, à défaut d’être lui-même dans la course. Par ailleurs, aucun texte n’interdisant à un membre du bureau politique, du comité central et précisément de son secrétariat général de se porter candidat, l’on se retrouve dans une situation où le juge pourrait en même temps être partie. Les décisions du prochain congrès donneront sans doute plus de visibilité à l’avenir politique des uns et des autres dans ce qui apparaît comme une course d’obstacles, certains barons considérés comme des outsiders n’ayant pas la maîtrise de l’appareil du parti tels Laurent Esso, Amadou Ali ou Edgar Alain Mebe Ngo’o n’ont pas dit leur dernier mot. Paul Biya, en l’occurrence, reste le seul maître du jeu et peut utiliser n’importe lequel de ses pions le moment venu, tout comme Ahmadou Ahidjo le fit avec lui…

Sdf. Joshuah Osih, Fobi Nchinda, J- M Nitcheu :les trois cavaliers de  ‘l’apocalypse’

A l’instar des « grands » leaders de l’opposition tant au Rdpc qu’à l’Undp ou à l’Udc, au Sdf, Fru Ndi devra passer la main ou être contraint à partager son pouvoir pour survivre politiquement. De jeunes loups aux dents longues piaffent d’impatience dans les placards de l’action et se désolent de voir le principal parti de l’opposition se scléroser à cause d’un leader certes charismatique, mais qui n’a plus rien à démontrer ni à inventer.

Mezzo voce des noms sont avancés. Parmi les plus cités, il y a l’honorable Fobi Nchinda Simon, vice-président de la commission des finances, mais aussi le bouillant Jean Michel Nitcheu, vice-président du groupe parlementaire Sdf et le sémillant Joshuah Osi (photo), vice président du Sdf (voir Interview ci-contre). Architecte formé aux Usa, directeur de la «Fobi Nchinda Associates», Fobi Nchinda Simon a depuis 1975  participé à la conception d’installations telles que l’hôpital de référence de Douala, l’hôtel Hilton Yaoundé, les logements  Cité Verte et  Mendong à Yaoundé, ainsi que les cités de Douala Nord. Il a aussi assuré la conception du restaurant et la bibliothèque de l’université de Yaounde1, ainsi que le campus actuel de l’université de Maroua. Pour des raisons évidentes, au Sdf, depuis les débuts, il a toujours avancé masqué.

Actuellement dans l’action militante, il a fait son galop d’essai électoral dans la circonscription Mugheb du district de Bamenda 3. Elu député de Bamenda / Bali, le vice-président de la commission des finances et du budget de l’Assemblée nationale est montée au créneau pour cette législature, et entend d’aller plus loin, au cas où Fru Ndi ne se présenterait pas, pour porter les couleurs du Sdf à la présidentielle. Toutefois, l’honorable Fobi déclare dans le cas contraire rester dans les rangs pour soutenir le chairman. La solution Nitcheu Est-ce aussi le cas de Jean-Michel Nitcheu ? Fidèle du leader Sdf, c’est dit-il, à son corps défendant qu’il est cité comme le candidat en faveur de qui  le consensus pourrait se faire, dans le cas ou Fru Ndi ne souhaiterait pas entrer dans la compétition présidentielle. Tard venu au Sdf par rapport aux débuts mouvementés de ce parti, les faits d’armes plaident pour celui qui dirige la plus importante province Sdf du pays.

C’est en janvier 91 qu’il entre dans l’arène politique comme …activiste. Il crée alors le comité pour la libération de Njawé-Monga qui se transformera très vite en ‘Cap liberté’. Il anime les fameuses ‘villes mortes’ jusqu’à la dissolution de Cap Liberté un an plus tard au profit du Rassemblement pour la République , plus connu sous le vocable de Rap. Nitcheu devient le directeur de campagne du candidat Fru Ndi pour le Littoral dans le cadre de l’Arc-Cns. L’imprimeur est au four et au moulin. Après les résultats controversés de l’élection présidentielle de 92, son imprimerie est incendiée. De guerre lasse, il est dans la rue, nommé président du comité de suivi du plan d’action de l’union pour le changement.

Désigné par les forces de répression comme l’ennemi public numéro 1, il fusionne son parti le Rap avec le Sdf et le Cpc du regretté Djoumbi Sango en 1996. Un an plus tard, il est nommé vice-président national du Sdf. En 2002, on retrouve JM Nitcheu tête de liste et mandataire du Sdf aux élections couplées à Wouri 5. Il entre à l’assemblée nationale 5 ans plus tard comme député de Wouri Est. Jusqu’où ira t-il ? Entre l’animation du front du non à la modification de la constitution et la création de la fondation des martyrs, celui qui aura connu 20 arrestations, des évasions et des procès pour incitation à la révolte n’est jamais à court d’idées pour l’avènement de plus de justice et d’égalité dans la société. Mais delà à devenir chairman à la place du chairman, il y a la distance qui sépare la coupe des lèvres, dans un parti qui doit encore se définir par rapport à la nouvelle donne de la transition.

Joshua Osih

« Le Sdf est structuré autour des idéaux républicains et non autour d’une personne » Demain Joshua Osih ? En tout cas c’est la force montante d’un parti qui finira bien par faire son aggiornamento un jour, face à une jeunesse moderne et surinformée qui a besoin de repères.  Pilote dans le civil, totalement bilingue, l’image du vice-président du Sdf  passe bien dans les médias. La  tête bien calée sur ses épaules, il sait où ne pas aller pour le moment, en ce début de transition politique où la subversion risque de faire basculer bien des idées reçues. Au Sdf depuis le début, il a également été président provincial du Sud-ouest.  Joshua Osih  nous a reçus dans les bureaux de sa compagnie d’aviation à Akwa.

Demain Joshua Osih candidat à la présidentielle sous la bannière du Sdf  ou comme chairman ?

La question ne se pose pas en ces termes. Notre combat au Sdf aujourd’hui, c’est d’arriver à un meilleur processus électoral. Le reste n’est que pure diversion entretenue par le parti des flammes. J’espère que Le Messager qui a toujours été de tous les combats pour l’avènement d’un meilleur Cameroun en tiendra compte dans ses futures analyses. Je n’ai pour le moment aucune envie de succéder à qui que ce soit. Ce n’est pas d’actualité. Nous sommes dans un front pour les élections crédibles et transparentes dans notre cher pays. A ce titre, on n’a donc pas besoin d’être président du parti pour contribuer à la construction d’un pays. L’orchestre pour extirper les métastases qui empoisonnent la vie politique dans notre pays a déjà été constitué depuis la création du Sdf et il appartient plus que jamais à chaque militant et responsable du parti, à quelque niveau que ce soit, de continuer à jouer et surtout de densifier sa partition

N’empêche, nous entrons en année de transition politique dans tous les partis politiques de référence, dont le Sdf. Pour des raisons biologiques et même pour des raisons de lifting, votre formation devrait envisager de faire bonne place aux jeunes. Monsieur Fru Ndi perçoit-il cela ? Son âge et sa longévité au pouvoir ne font-ils  pas problème ?

Notre parti fonctionne dans un registre parlementaire.  C’est le Nec -et non une seule personne- qui dirige et décide. Nous avions toujours eu et avons besoin de toutes les générations au sein de cette structure de prise de décision. C’est la raison pour laquelle les jeunes ont toujours été et sont bien représentés au sein du Nec. En 2006, le Nec a été largement renouvelé. Au cours du congrès qui aura lieu au plus tard l’année prochaine, les renouvellements du personnel politique se feront conformément à nos dispositions statutaires qui prescrivent, sans ambiguïté, la voie démocratique. S’agissant du chairman, aucun Camerounais n’a eu autant de voix que lui dans une élection. Il a actuellement la légalité et la légitimité nécessaires pour diriger le Sdf.  C’est le dernier congrès du parti qui en a décidé ainsi. Le Sdf est structuré autour des idéaux républicains et non autour d’une personne. Ce sont les personnes qui sont organisées dans le parti. Nous n’avons donc pas de problèmes majeurs.  Nos statuts sont solides.
 
Tout de même, la démarche de Fru Ndi consistant à chercher un candidat à la présidentielle, extérieur au Sdf est mal perçue par certains cadres

Le chairman n’a jamais recherché un candidat externe au parti. Il a évoqué la possibilité d’une candidature externe incarnant assez bien le programme de transition dans le processus électoral en cours. Une démarche nécessite bien évidemment un large consensus. N’oublions surtout pas que la préoccupation majeure demeure la remise en marche du Cameroun. L’heure n’est pas aux candidatures de principe ou de témoignage. Nous sommes dans un front. Il ne sert à rien de participer à une élection dont les dés sont pipés d’avance. Tant qu’Elecam demeure dans sa configuration actuelle, nous allons empêcher qu’il y ait élection. Afin que M. Biya comprenne une fois pour toutes que nous sommes tous copropriétaires de ce pays. Avant qu’il ne soit trop tard, il a intérêt à intégrer ce concept républicain dans ses actes de fin de règne.

Upc: Vers la fin de l’âme immortelle ?

Englué dans les batailles de positionnement qui font l’essentiel de son activité politique depuis quelques décennies, les multiples tendances semblent reléguer au second plan le renouvellement de son personnel politique.
 
Avec plus d’un demi siècle d’existence, l’Union des populations du Cameroun (Upc) est le parti politique le plus vieux du Cameroun. Mais aussi le plus prolifique, au regard de ses faits historiques. Le parti né le 18 avril 1948 a marqué les premières luttes pour l’émancipation du pays sous le joug de la colonisation. C’est à juste titre donc que l’histoire, fût-elle tronquée par endroit, reconnaît le combat des leaders nationalistes pour l’accession du Cameroun à l’indépendance. Même si celle-ci, du point de vue des géniteurs du parti nationaliste, se traduirait véritablement par l’appropriation du pays de son économie et de l’entière liberté de ses dirigeants à prendre des décisions sans s’en référer à la métropole. Selon l’Upc dans son statut originel « le Cameroun de la troisième République devra être un pays débarrassé des séquelles des accords scélérats, du carcan néo-colonial appelé coopération et expurgé des fausses amitiés. » Un programme dont le parti inscrit la réalisation dans le temps et sa capacité à renouveler son personnel politique.

Si cette ambition semble survivre jusqu’à la réouverture démocratique et le retour du multipartisme intervenu au début des années 90, il reste peu à dire des années qui suivront. C’est que dès l’année 92, le parti des Um Nyobè et Félix  Roland Moumiè éclate en plusieurs mouvements, mettant en rebus ses ambitions nationalistes originelles, ainsi que le souci de renouveler son personnel politique. Augustin Frédéric Kodock (photo), Ndé Ntumazah et Henri Hogbè Nlend, tous issus de l’école des pères fondateurs, œuvrent à la création des entités se réclamants toutes de l’Upc, perdant de vue la pérennité du « parti du crabe ».

C’est que les luttes de positionnement engagées par ces leaders ne laissent pas la place au recrutement et à la formation de nouvelles recrues. Entre le souci pour certains de conserver la ligne politique originelle porté sur la radicalisation du combat pour l’émancipation totale du peuple camerounais et l’ouverture prônée par des personnalités politique comme Augustin Frédéric Kodock et Hogbè Nlend qui vont d’ailleurs côtoyer les cercles du pouvoir en qualité de membre du gouvernement, les personnels les plus jeunes sont tenus en marge des débats au sein des multiples parturitions qu’offre ce parti. C’est dans cette optique que de nouvelles tendances, certes officielles dépourvues du vocable Upc, vont voir le jour. Certes avec des ambitions louables, mais contribuant à disloquer les énergies.

La disparition des écoles de formation politique vient mettre un terme au souci d’unir et former les jeunes militants. Toute chose qui met en doute l’objectif de lutte prôné dans les principes de l’Upc. Difficile dès lors d’entrevoir la relève au sein de l’Upc dont le personnel politique apparaît pour l’essentiel composé d’une génération vieillissante. C’est donc sans grande surprise que le parti historique, quoique plein de bonne intention, aborde la troisième République sans véritable relève.

Certes dans le parti, les différents cadres évoquent les combats présents pour excuser l’absence de recrutement et de formation formel de nouveaux militants mais il reste que la physionomie de l’Upc, au moment où le pays tout entier est contraint à procéder à une alternance générationnelle, fait douter de sa survie politique dans un contexte où la modernité politique et les combats de l’heure imposent de nouvelles énergies. Une situation qui fait douter de la capacité de l’âme immortelle à perpétuer son combat politique, même en présence des préalables que la plupart de ses tendances appellent pour leur participation au processus démocratique au Cameroun.
 

Udc: Dr Adamou Ndam Njoya : 20 ans de culte de personnalité

Créée en 1991, l’Union démocratique du Cameroun (Udc) est toujours pilotée d’une main de fer par le maire de Foumban. L’alternance au sein du parti, pas encore à l’ordre du jour. Si au plan national, et selon les couleurs partisanes qu’affiche l’Assemblée nationale au cours de cette législature, l’Union démocratique du Cameroun (Udc), constitue la quatrième formation politique du pays avec 5 députés, il n’en demeure pas moins vrai que le Noun constitue son bastion qui plie sans rompre. Sortie des fonts baptismaux en 1991, à l’initiative d’Adamou Ndam Njoya, l’Udc a soufflé sur ses 20 bougies au mois d’avril 2011 et a tenu à cette occasion sa cinquième convention nationale, sur les hauteurs du Nkol-Nyada qui abritent par ailleurs le siège social du Rdpc dans les installations du Palais des Congrès. Après 20 ans d’existence, Adamou Ndam Njoya est toujours le président national de l’Udc. Beaucoup d’eau a coulé sous le pont.  Leader historique, incontestable et incontesté, Adamou Ndam Njoya vient de bénéficier d’un nouveau bail à la direction du parti qu’il a fondé. L’actuel maire de Foumban, qui a été député maire avant l’entrée en scène des dispositions légales qui interdisent le cumul des postes électifs,  a été réélu pour la cinquième fois à la tête du parti pour un mandat de cinq ans. Que fait-on de la question de la transition politique au sein du parti ?

A moins de quatre mois de la présidentielle, constitutionnellement prévue en octobre 2011, il ne fait pas de doute que le champion de l’Udc sera en lice pour la course au palais de l’Unité. Qui oserait ne pas l’imaginer dans les quatre coins du Noun où Adamou Ndam Njoya, en bon fils du terroir, enfant prodige, est quasiment adulé? D’ailleurs, lors du dernier conclave de l’Udc en avril à Yaoundé, il a été non seulement investi, mais il a reçu mandat du parti d’engager des possibilités d’une coalition avec les autres formations politiques. Militants et militantes du parti qui prône la transparence vouent un culte à leur leader, plus qu’un demi-dieu, dont les scores électoraux depuis la présidentielle du 11 octobre 1992, date de la tenue de la première élection présidentielle depuis le retour du multipartisme au Cameroun, confinent le parti, selon une certaine opinion, «dans un régionalisme criard».

Bon  à savoir,  Adamou Ndam Njoya a été toujours le porte-étendard de l’Udc à toutes les consultations électorales présidentielles au Cameroun depuis 1992. Il arrive en quatrième position après le scrutin de 1992. Son score en 1997 ne fait pas de lui le plus aimé des Camerounais. Entre temps, le 17 mai 1997, l’Udc remporte 5 sièges de députés lors des élections législatives. Tous sont élus dans le Noun avec Adamou Ndam Njoya comme tête de liste. Ce sont les premiers députés du parti. Le 11 octobre 2004, le président de l’Udc est en course à l’élection présidentielle, Adamou Ndam Njoya est crédité de 4,71% des voix. Il n’arrive que troisième. Qu’en sera-t-il en 2011 ? Wait and see. Toujours est-il qu’en 20 ans, l’Udc a enregistré des défections et démissions. Est-ce parce qu’au sein de l’Udc le président ne passe pas la main depuis 20 ans au point de paraître comme inamovible? Difficile de ne pas faire le lien !

Bien avant l’entrée de son épouse Tomaïno Ndam Njoya à l’Assemblée nationale, a créé des orages dont les origines remontent à l’époque de la campagne électorale de 2007. Les adversaires du parti ont utilisé la tête de liste Udc aux législatives 2007 pour grappiller quelques voix. Passée la tempête, Théophile Yimgaim Moyo, architecte et urbaniste de formation, a claqué la porte de l’Udc du Dr Adamou Ndam Njoya, où il occupait les fonctions de secrétaire national à la communication, pour créer le Mouvement citoyen (Moci). Le transfuge politique de l’Udc voudrait faire du Moci, un parti politique différent de ce qui a existé au Cameroun depuis plus de 20 ans. Et comme tout parti politique, il aspire à prendre le pouvoir. Difficile d’accéder au pouvoir étant à l’ombre du Dr Adamou Ndam Njoya ? A voir…

Cyrille Sam Baka (1er vice-président de l’Udc) : «La conquête du pouvoir booste. L’exercice du pouvoir use»

 

L’alternance au Cameroun doit se faire avec le peuple. Ceux qui sont au pouvoir ont bloqué les mécanismes avec un processus électoral vicié, les urnes qui n’annoncent pas le choix du peuple, deux constitutions appliquées…bref pas de transparence lors des consultations électorales. Ramenée la problématique de l’alternance au sein des partis politiques serait faire un faux débat. Un parti politique, comme l’Udc,  fonctionne comme une organisation. Il est régi par des statuts, des mécanismes d’alternance sont prévus dans le règlement intérieur, les conventions nationales de l’Udc règlent la question. Ce sont les militants et les militantes qui décident selon les principes démocratiques chers au parti. En avril 2011, j’ai présidé la convention de l’Udc à Yaoundé. Il n’y avait pas de candidature au poste de président national. Le président national sortant a accepté les usages et il a été réélu. L’alternance à l’intérieur du parti suppose que le dirigeant n’a plus les compétences requises ou du moins les autres militants présentent d’autres atouts.

La conquête du pouvoir booste le moral du leader qui se remet en cause, revoit sa copie après chaque consultation électorale. Par contre, l’exercice du pouvoir use. Le jeu politique est une course de fond avec des pointes de vitesse. J’ai été par exemple candidat au poste de président national de l’Udc en 2006, à la demande de certains camarades. J’ai désisté. Mon ambition à l’Udc, quand j’entrais dans ce parti en 1991 par la base,  a été d’être le meilleur élève de Ndam Njoya. Aujourd’hui je suis le 1er vice-président qui a fait ses classes, du comité du quartier au sommet en passant par les instances intermédiaires. Je suis satisfait de la position que j’occupe en ce moment.

UNDP: Las d’attendre leur tour, ils ont quitté la barque

En 10 ans plusieurs centaines jeunes et leaders de seconde zone de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès ont quitté le parti dénonçant une absence de nouveau leadership.

Ceci avait  dû secouer Bello Bouba Maigari le 7 novembre 2009. « Nous, militants de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) du Mayo-Danay Est, dont la liste est en annexe, démissionnons tous pour regagner les rangs du Rdpc pour des raisons inexplicables que vous connaissez plus que nous dans le Mayo-Danay depuis la création de l’Undp ». La lettre de démission collective adressée au président national de l’Undp portait principalement l’estampille d’un trio connu pour son militantisme très poussé : Hamadou Ganga, Jean Baptiste Golbo et Daniel Suilah, respectivement président de section, secrétaire général et membre titulaire du comité central au sein de l’Undp. Leur volte face politique signifie tout simplement l’enlisement de l’Undp dans le Mayo-Danay. « Le Rdpc n’a plus d’adversaire dans ce département. Nous étions les ténors et les bulldozers de l’opposition. Nonobstant cela, on nous a empêché de prendre du galon », reconnaissait Jean baptiste Golbo.

Puis indiquant la direction qu’il vont suivre il soulignait à leur hierarchie que : « nous avons préféré regagner nos frères, nos amis, nos collègues. Voilà pourquoi aujourd’hui on vient se présenter pour déposer notre démission. Nous remercions aussi le secrétaire d’Etat auprès du ministre des Enseignements secondaires pour les œuvres qu’il a apportées au jeunes de l’Extrême-Nord(…) avec le peu de temps qu’il a fait à son poste nous sommes tous témoins. Voilà la chose qui nous a le plus, motivés et on s’est dit que, franchement, il faut les rejoindre ». Selon Hamadou Ganga, porte-parole des reconvertis de l’Undp, il valait  mieux regagner les rangs du Rdpc « mieux disposer à assurer la promotion de la jeunesse ». Au nombre de 2 000, leurs signatures ont été collectées dans les arrondissements de Vele, Yagoua, Gobo, Wina et Guéré. Emboitant ainsi le pas à une centaine de militants du Mdr, elle aussi admise dans les rangs du parti des flammes. David Joel Manga, leur chef de file, affirme dans sa note adressée à Dakolé Daissala qu’il quitte le Mdr « pour des raisons politiques et personnelles ».

Helé Pierre

Il y a 9 ans déjà, à  quelques semaines des élections législatives et municipales, du 30 juin 2002, l’Undp, était plongé  dans la tourmente avec la démission de deux de ses membres. Pierre Helé, ministre du Tourisme et Hamadou Malloum, député de Maroua-urbain.  Le premier avait fait parvenir à la direction de l’Undp et aux médias officiels sa lettre de démission, sans toutefois en expliquer les raisons.  Joint au téléphone par journalistes, le second évoquait notamment le déroulement des primaires en vue des élections annoncées où il a été battu dans son fief comme raison de sa démission. En gros, des indiscrétions révélaient qu’entre autres raisons ces barons du parti de Bello se plaignaient du manque d’ouverture et la concentration de tous les pouvoirs dans les mains d’un seul homme. Ainsi, entré au gouvernement dans le cadre d’une l’alliance gouvernementale entre le Rdpc et l’Undp, Pierre Helé savait qu’il courait le risque de quitter le gouvernement après sa démission, mais le fît quand même au nom de convictions en inadéquation avec celles de son président.

En outre, les moult tergiversations de Célestin Bedzigui montrent également bien le malaise qui existe dans le management de l’Undp. Président de l’Alliance libérale (Pal), il avait scellé une plate-forme avec le président Bello. Cette alliance lui permettait d’en devenir le vice- président. Mais certainement malheureux dans les rangs de sa nouvelle chapelle, il claquera la porte avant son exil au Etats-Unis.

Xénophobie: 23 Camerounais encore expulsés de Guinée Equatoriale

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Plusieurs Camerounais et Maliens ont fait  l’objet  d’une nouvelle expulsion de la part de la Guinée Equatoriale. Ils sont au total 60 personnes dont 23 Camerounais et 37 Maliens qui ont bravé, contraints par les autorités guinéennes,  les eaux de l’océan Atlantique avant d’échouer sur la plage  de Campo, zone  frontalière avec le pays d’Obiang Nguema Mbazogo. Sur les motifs de cette énième expulsion, un des Maliens victimes de cet acte de xénophobie invoque « l’arbitraire. C’est la loi du riche qui reste toujours la meilleure », explique-t-il, désabusé. « Ils sont venus à 5 heures du matin toquer à nos portes et ont commencé à demander les papiers, dès que tu les leur présentais, ils les  déchiraient et nous jetaient dehors ; Ceux qui tentaient  de résister étaient copieusement battus », explique une des victimes.

Les 23 Camerounais expulsés sont arrivés dimanche soir et ont été conduits  d’abord au commissariat spécial, ensuite à la préfecture  de Kribi  puis évacués par un bus à Douala et à Yaoundé où chacun pourra se débrouiller à regagner sa région natale. Quant aux Maliens  arrivés lundi après avoir effectué 80 km à pied (Campo-Kribi), ils n’ont pu avoir le petit déjeuner (du pain tartiné) ce matin que grâce à la sympathie et  la bonne volonté du commissaire du spécial. Malgré cet accueil, ils continuent d’attendre à la véranda du commissariat spécial où ils  passent leur nuit, que leur  soient délivrés des certificats de séjour  avant de gagner Douala pour certains et Yaoundé pour d’autres

Nécrologie: Njitap enterre son père sous surveillance policière

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A Bafoussam comme à Batoufam, les différentes phases des obsèques de Samuel Fotso se sont déroulées en présence des gendarmes et policiers.

L’appel à l’apaisement lancé par le Fo’o Innocent Nayang Toukam, chef supérieur Batoufam, à l’endroit des enfants de Samuel Fotso décédé le 25 mai dernier à Yaoundé, n’a pas été suivi. Ce qui fait que des éléments de l’équipe spéciale d’intervention rapide (Esir) de la délégation régionale de la sûreté nationale à l’Ouest ont été mobilisées pour dissuader toute tentative de perturbation de l’ordre public aux obsèques de Samuel Fotso, ancien footballeur et ancien commis du ministère des Finances, mais plus connu comme père du footballeur international Gérémi Sorel Njitap. Plusieurs éléments de la gendarmerie étaient aussi mobilisés au lieu des cérémonies à l’Ecole catholique de Mbé à Batoufam. Plus de peur que de mal, les différentes parties en conflit n’en sont pas arrivées aux mains et autres actes de vandalisme. Reste que durant toutes les séquences des obsèques l’ambiance est restée lourde entre les différents clans de la famille Fotso.

Les clivages formés autour de Gérémi Sorel Njitap Fotso, fils du défunt et footballeur international et son frère consanguin, Ferric Fotso, promoteur d’une agence de voyage à Bafoussam, se sont amplifiés. C’est ainsi que le jeudi 16 juin dernier, les deux camps ont organisé des veillées mortuaires parallèles. L’une au domicile du défunt au quartier Famla à Bafoussam et l’autre à celui de M. Ferric Fotso au quartier Kamkop à Bafoussam. Le lendemain, la moutarde est montée dans les deux camps. Le départ de la dépouille pour le village Batoufam, initialement prévue à 10 heures s’est faite vers 17 heures 30 à cause des tensions. Le groupe de Kamkop exigeait le passage des restes de Samuel Fotso dans leur lieu de deuil. La fin de non recevoir opposé par Gérémi Sorel Njitap, protégé par un gendarme et une milice de 19 gros bras, a fini par prévaloir.

Le show de Samuel Eto’o

Le cortège funèbre ayant pris la route de Batoufam, les environs du domicile familial de Gérémi Sorel Njitap à Akwa à Bafoussam, sont restés mouvementés. Surtout qu’au petit matin du samedi 18 juin, après une escale au lieu de la veillée à Batoufam, Samuel Eto’o,  capitaine des Lions indomptables, est arrivé dans la ville de Bafoussam. Des témoins rapportent que face aux conducteurs de mototaxi en service de nuit, le « goleador » a affiché son amour pour la région de l’Ouest, en se déchaussant pour fouler pied nu le sol. Des billets claquants ont été distribués aux badauds qui couraient après le champion. Autour de 11 heures, au moment du départ du sociétaire de l’Inter de Milan pour le lieu des obsèques à Batoufam, le public a assiégé son hôtel. Il a fallu un important déploiement des forces de l’ordre pour permettre au goleador de sortir de la ville. Deux autres internationaux sont venus apporter leur soutien à Gérémi Sorel Njitap. Il s’agit de Carlos Kameni et d’Aurélien Chedjou.

Plusieurs autres dignitaires aux rangs desquels sept chefs traditionnels de la région, étaient à Batoufam pour rendre hommage à Samuel Fotso, non seulement du fait de la célébrité de ses fils, mais aussi grâce à ses prouesses de chef de la communauté batoufam de Bafoussam, d’ancien footballeur de renommé, successivement dans les rangs de Aigle de Nkongsamba, Racing de Bafoussam, Union de Douala et de Diamant de Yaoundé. Une assistance saluée par Guillène Fotso, l’une des filles du défunt. Né vers 1941 à Batoufam, le défunt portait le titre traditionnel de «Soup Nankap». Des attributs qui devraient revenir à son héritier principal.

Guy Modeste DZUDIE

Libye: recours aux avoirs gelés du régime Kadhafi pour aider les insurgés (UE)

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L’Union européenne n’a pas exclu lundi le recours à des fonds gelés du régime Kadhafi pour répondre aux besoins financiers urgents des insurgés libyens, qui se plaignent de n’avoir toujours pas reçu les aides promises, rapportent les médias, se référant à des sources diplomatiques.

Une telle suggestion a été formulée lors d’une rencontre des chefs de diplomatie des 27, réunis lundi à Luxembourg, les ministres ayant reconnu les besoins financiers urgents du Conseil national de transition (CNT), organe politique des insurgés en lutte contre le régime de Tripoli.

 

Les rebelles libyens ont lancé dimanche un appel aux donateurs internationaux pour qu’ils débloquent d’urgence les fonds promis début juin au cours d’une réunion du groupe de contact international sur la Libye. Le CNT, qui contrôle l’Est libyen, affirme n’avoir reçu aucune aide depuis le déclenchement de la rébellion en février.

Depuis février, le régime du colonel Kadhafi fait face à une révolte populaire dont la répression sanglante a provoqué une intervention militaire internationale, suite à l’adoption de la résolution 1973 par le Conseil de sécurité de l’Onu.

Le 19 mars, une coalition de pays occidentaux a lancé une opération militaire en vue de protéger la population civile de la Libye. Quelques jours plus tard, le commandement de l’opération est passé à l’Otan. Les frappes aériennes devaient initialement prendre fin le 27 juin, mais l’Alliance a décidé le 1er juin de les prolonger jusqu’à fin septembre.

Drones et réseaux de l’ombre: la guerre secrète d’Obama

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Tandis que les raids aériens sur la Libye se montent actuellement à un total de 11.500 et que le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, demande aux alliés davantage de dépenses militaires et un plus grand engagement dans la guerre, la guerre se propage dans la région moyen-orientale et nord-africaine en des formes moins visibles mais non moins dangereuses, ouvrant continuellement de nouveaux fronts. La CIA —d’après un fonctionnaire de l’agence étasunienne cité par le New York Times— est en train de construire une base secrète au Moyen-Orient pour lancer des attaques au Yémen avec des drones armés. Ce sont des Predator/Reaper (déjà en action en Afghanistan, Pakistan et Libye), armés de 14 missiles Hellfire et télécommandés depuis une base au Nevada, à plus de 10 000 kilomètres de distance.

Depuis qu’il est entré en fonction, « le président Obama a drastiquement augmenté la campagne de bombardement de la CIA au Pakistan, en utilisant des drones armés », ceux-là même qui seront utilisés pour « étendre la guerre au Yémen ». L’administration les considère « comme l’arme préférée pour prendre en chasse et tuer des militants dans des pays où n’est pas praticable une grosse présence militaire américaine ».

Au Yémen, est actuellement en action le Commandement suprême conjoint pour les opérations spéciales (UsSoCom), assisté par la CIA et autorisé par le pouvoir exécutif de Sanaa. Mais, étant donnée la « fragilité de ce gouvernement autoritaire », l’administration Obama est préoccupée quant à un futur gouvernement qui ne serait pas en mesure, ou disposé, à soutenir les opérations étasunienes. De ce fait, elle a chargé la CIA de construire la base secrète dans une localité moyen-orientale non identifiée, de façon à entreprendre « des actions secrètes sans l’appui du gouvernement hôte ».

Ceci confirme que l’administration Obama est en train d’intensifier la guerre secrète dans toutes ses variantes. Comme le déclare officiellement l’Ussocom, elle comprend : action directe pour détruire des objectifs, éliminer ou capturer des ennemis ; guerre non-conventionnelle conduite par des forces externes, entraînées et organisées par l’Ussocom ; contre-insurrection pour aider des gouvernements alliés à réprimer une rébellion ; opération psychologique pour influencer l’opinion publique étrangère de façon à soutenir les actions militaires étasuniennes. Ces opérations sont menées en se fondant sur des technologies de plus en plus avancées.

Entre dans ce cadre la décision de l’administration Obama, rendue publique par le New York Times, de créer à échelle mondiale « des réseaux de l’ombre en matière d’Internet et de téléphonie mobile qui puissent être employés par les dissidents pour contourner la censure gouvernementale ». Le Pentagone et le Département d’État y ont jusqu’à présent investi au moins 50 millions de dollars. Ces réseaux sont réalisés au moyen de petites valises spéciales qui, une fois introduites dans un pays déterminé, permettent de communiquer avec l’étranger via des ordinateurs et téléphones portables, dans des modalités wireless et codées, évitant contrôles et interdits gouvernementaux.

La motivation officielle de Washington est de « défendre la liberté de parole et promouvoir la démocratie ».Les réseaux de l’ombre, fournis seulement aux groupes dissidents utiles à la stratégie étasunienne (en Syrie, Iran et quelques autres pays) et contrôlés par Washington, sont les plus adaptés à diffuser dans les media des informations fabriquées, pour des opérations psychologiques qui préparent l’opinion publique à de nouvelles guerres.

« C.I.A. Building Base for Strikes in Yemen », par Mark Mazzetti, The New York Times, 14 juin 2011.

L’écrivain Bernard Doza écrit à Alassane Ouattara

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Le journaliste d’investigation que je suis, a eu l’impression que ces soldats d’une cause identitaire, étaient devenus dans la violence postélectorale, les marionnettes d’une vengeance programmée par des mains obscures…Parce que le spectacle saisissant de la fin du règne-Gbagbo, s’organise devant des caméras de complaisance, comme si on voulait frapper l’imaginaire collectif du peuple africain par des images d’humiliation qui devaient nourrir un autre destin. Car elles ont été rapidement gravées, pour la postérité sur des disques, qui se vendent actuellement comme des petits pains dans les rues d’Abidjan.

A travers le véhicule permanent de ces images par les médias internationaux, on aperçoit, au-delà de la querelle sur la victoire du 28 novembre 2010, que c’est la Côte-d’Ivoire et l’Afrique noire qui sont moquées.

Car les diasporas noires des Etats Unis et d’Europe, qui vivent le racisme au quotidien dans les pays occidentaux, revoient en 2011(comme avec Patrice Lumumba dans les années 60) l’image du dirigeant nègre bafouée (par ses propres frères de race), parce que rebelle à l’ordre du grand maître blanc.

Le doute n’est pas permis, car tout cela se déroule au lendemain de l’injonction du président français, Nicolas Sarkozy qui affirmait : « Je donne jusqu’à dimanche (3 jours) à Gbagbo pour quitter le pouvoir ».
Dans ces conditions, comment doit-on rechercher et organiser la paix entre les différents peuples de Côte-d’Ivoire, au lendemain d’une pacification politico-militaire.
Une opération commanditée à travers l’ONU, par la France coloniale et exécutée de sang froid à Abidjan le 11 Avril 2011, par des troupes étrangères à notre pays, pour réinstaurer l’ordre ancien?

Monsieur le Président,

Si je prends ma plume, en ces temps de crises larvées, c’est parce que je ne suis pas sûr que vous êtes foncièrement contre le discours de l’indépendance politique et financière, prôné par les partisans de Laurent Gbagbo face à la France.

La France, du lobby colonial, qui entretien la pauvreté en Afrique noire en louant depuis 1853(à travers la « Banque du Sénégal », devenue les multinationales BCEAO et BEAC), le FCFA à 14 pays du continent, au profit du trésor français.

Sinon, comment allez-vous expliquer à la jeunesse ivoirienne, qui chôme depuis les années 80, avec des diplômes universitaires et obtenus dans des grandes écoles, pourquoi un pays gorgé de la richesse financière annuelle du Café-Cacao, du pétrole, de l’or, du caoutchouc et du Diamant, échoue-t-il dans la formation technologique des hommes pour le développement industriel, et quelles sont les véritables raisons du refus de la création d’emploi depuis 50 ans?

Car, avec ses 20 millions d’Habitants en 2011, la Côte-d’Ivoire, malgré sa grande richesse en matières premières, l’office de la main-d’œuvre de notre pays, ne comptabilise toujours pas un million de travailleurs ayant un bulletin de salaire mensuel.

Monsieur le président,

Nous, militants ivoiriens, connus pour avoir sacrifiés notre carrière politique et sociale hors de notre pays, dans le combat de l’indépendance anticoloniale et de la démocratie véritable, nous le savons.

La Côte-d’Ivoire a été transformée en carte postale des intérêts français, dans la sous-région africaine, dès le mois de juin 1950, lorsque Félix Houphouët a été soumis dans la violence coloniale par le gouverneur Péchoux.

Et depuis, malgré l’indépendance politique du 07 août 1960 et l’endettement monstrueux de notre pays, envers les institutions financières internationales (que je vous vois reprendre allègrement dès la fin de la crise postélectorale), aucun dirigeant de notre pays, n’a pu aider le petit peuple ivoirien, à sortir de la grande pauvreté.
Chaque tentative de sortie de la politique néocoloniale, osée par des dirigeants de notre pays, est perçue à Paris comme une faute politique par le négoce français et sanctionné à Abidjan par un coup d’état.

Depuis les années 80, les exemples foisonnent.

En 1985, Félix Houphouët vit ces derniers moments au pouvoir. Dans une dérive contre l’impérialisme français, il tente de relancer la machine de la contestation anticoloniale contre les prix des matières premières.

Parce qu’il ne supporte plus les prix d’achats aux rabais du Cacao-Café qui sont fixés par les multinationales occidentales sur le dos des pauvres paysans ivoiriens, Houphouët-Boigny décide de stocker sa production.
Le lobby du négoce français se réunit et décide de mettre au pouvoir à Abidjan, un militaire connu des services secrets.
C’est ainsi qu’apparait pour la première fois dans les rédactions à Paris, le nom de Robert Guéï, colonel des pompiers et ancien de St Cyr, officiant à Korhogo.

Face à la détermination du lobby, Félix Houphouët fut obligé de céder en demandant à la France de le laisser « finir son pouvoir en beauté ».

En juillet 1986, au Figaro Magazine, il déclare : « Si nous refusons de vendre nos matières premières, les blancs nous tuerons tous. Parce que nous avons l’indépendance politique, mais nous n’avons jamais eu l’indépendance économique.»

Le président ivoirien fut donc contraint de nommer Robert Guéï, Général et chef d’état-major de l’armée ivoirienne en 1990. A la mort de Félix Houphouët-Boigny en 1993, la question de l’indépendance économique, demeure dans l’inconscient de la petite bourgeoisie du PDCI. En décembre 1993, (avec l’appui du président François Mitterrand) Henri Konan Bédié accède à la magistrature suprême.
Président de la République, il teste sa marge de manœuvre. Il veut bâtir ses grands travaux (Eléphants d’Afrique). Henri Konan Bédié a donc besoin de beaucoup d’argent. Alors sans avertir Paris, le président ivoirien se désengage du pacte colonial de juin 1950. Rapidement, il signe contrat avec des multinationales américaines : Cargill et Daniel Archer Midland pour le retraitement du café et la transformation locale du Cacao. Une Usine de transformation locale du Cacao en poudre est même construite à Yopougon, avec Daniel Usher, le fils de l’ancien ministre des affaires étrangères de Félix Houphouët comme Directeur général.

Mal lui en pris.

En début décembre 1999, la France profitant de la polémique politique sur l’ivoirité, agit en secret. Le général Robert Guéï est convoqué à Paris (15 jours avant le coup d’état du 24 décembre 1999) par le lobby du négoce (la Françafrique). Auditionné par la DGSE et le patronat français, il revient à Abidjan le 17 décembre avec le Général Jeannou Lacaze dans l’avion.

L’ancien chef d’état-major de l’armée française devenu conseil de la DGSE, dirige l’opération de la prise de pouvoir par le général Robert Guéï.

Les deux généraux se réfugient d’abord à Gouessesso (village du général Guéï). Le prétexte officiel du déplacement en Côte-d’Ivoire parle d’une fête organisée pour la célébration des anciens de St-Cyr. Henri Konan Bédié qui monte le 22 décembre 1999 à l’assemblée nationale pour un discours anticolonial diffusé par la télévision, ne prend pas de gants : « Nos ainés n’ont pas lutté pour l’indépendance pour que nous acceptions aujourd’hui de nouvelles soumissions. La nationalité, la citoyenneté, la démocratie et la souveraineté nationale sont les quatre côtés d’un carré magique qu’il nous faut défendre avec calme et détermination devant ces ingérences étrangères inacceptables. C’est aux ivoiriens de décider par eux-mêmes, pour eux-mêmes, et de choisir librement l’un d’entre eux pour conduire le destin de la nation en refusant les aventures hasardeuses et l’imposture insupportable.»

La revendication salariale des jeunes soldats venus d’une mission de l’ONU en Centrafrique, sera l’occasion du coup d’état qui emporte le pouvoir du président Bédié. Robert Guéï prend le pouvoir avec Jeannou Lacaze comme conseiller occulte, pour veiller sur l’orientation politique du nouveau pouvoir d’Abidjan. Les rentrées d’argents dans les caisses de l’état lui paraissent obscures, alors le général Guéï nomme provisoirement des officiers aux structures financières les plus sensibles, comme le port, les douanes, la loterie Nationale… Et il s’aperçoit que par jour, les caisses de la Côte-d’Ivoire officielle perçoivent beaucoup d’argent. Le port d’Abidjan faisait à l’époque trois milliards de franc CFA de recette par jour (Aujourd’hui 10 milliards). La douane encaissait plus de deux milliards CFA par jour (Aujourd’hui 7 milliards)… Alors, il commet une faute.

Car naïvement, il pense qu’avec autant d’argent, la Côte-d’Ivoire n’a pas à emprunter et encore moins, à devoir de l’argent aux pays occidentaux. Il décide donc de rembourser surtout l’Union Européenne, dont la presse ne cesse de réclamer la somme de 18 milliards de FCFA, qui auraient été détournés par le gouvernement du président Bédié.
Et le général Robert Guéï organise le paiement des 18 milliards de FCFA à la banque de l’Union Européenne.

L’opération se fait en cash, déposé par un officier de la marine (expédié à Genève, par avion spécial) pour faire la commission. L’acte posé, considéré comme politique, a vivement mécontenté le lobby colonial à Paris. Ordre est donc donné de remplacer le général Robert Guéï dans l’exercice du pouvoir de Côte-d’Ivoire.

A Abidjan, l’ambassadeur de France, Mr Francis Lott, est chargé du dossier par la cellule africaine de l’Elysée.

Mais il faut trouver un nouveau candidat pour défendre ses intérêts en Côte-d’Ivoire, et la France n’a visiblement personne sur le terrain, en dehors de gradés militaires, que personne ne veux à Paris. A défaut d’un candidat de confiance (dans l’armée et la droite ivoirienne), le parti socialiste français cautionne la candidature de Laurent Gbagbo auprès du lobby colonial. Mais une fois au pouvoir en octobre 2000, le président ivoirien change de ton et revendique sa victoire personnelle et son pouvoir dans le sacrifice des militants FPI (300 morts-entre le 22 et le 26 octobre 2000-) face à la garde présidentielle du général Robert Guéï.

La France qui n’apprécie pas la volte-face inattendue du nouveau président ivoirien attend son heure…

L’erreur fatale de Laurent Gbagbo a été de refuser rapidement, dès le début de son pouvoir, le diktat des intérêts français au mois de novembre 2000. Et pire, d’avoir repris à son compte, la question de l’autonomie politique et financière contre les intérêts français, engagée par le président Bédié, avec les multinationales américaines : Cargill et Daniel Archer Midland.

Et surtout d’avoir octroyé le marché du troisième pont ivoirien aux chinois, avec qui, le projet coutait moins cher que celui du français Bouygues.

Les événements de la rébellion militaire de 2002, qui aggravent la déchirure interne, à cause de la politique de l’ivoirité qui prône le refus de la candidature-Ouattara, devient une aubaine politique pour la France dont le lobby colonial combat désormais Laurent Gbagbo. Alors rapidement, la rébellion du nord est prise par la cellule africaine de l’Elysée à paris, comme un problème ivoiro-ivoirien. Donc suivi du refus de l’armée française de désarmer les rebelles.
Le message du lobby colonial est clair :
« Laurent Gbagbo ne veux pas gérer les intérêts de la France en Côte-d’Ivoire, alors la France ne peut pas protéger son pouvoir en désarmant les rebelles du nord ». La suite on la connait…

Monsieur le président,

Aujourd’hui, la question est simple.
Peut-on encore en 2011, continuer à gérer la Côte-d’Ivoire, sans aborder dans les faits, le problème de l’indépendance économique ?

Lorsqu’en 50 années de gestion du pouvoir ivoirien, aucun gouvernement n’a jamais eu les moyens véritables pour œuvrer localement vers les 90% du taux de scolarisation, encore moins les 70% d’autosuffisance alimentaire.

Et qu’à la fin 2010 encore, moins de 50% d’ivoiriens n’ont pas deux repas par jour par manque d’un véritable travail salarié. Dans un pays où aucun pouvoir ne s’est jamais plus soucié du SMIG ivoirien, bloqué à 35.000CFA, depuis la crise de 1983.

Un pays, où on ne parle même plus de la privatisation des soins hospitaliers décidée en 1983(sur ordre de Félix Houphouët), par le ministre des finances, Mr Abdoulaye Koné, mesures qui endeuillent encore et toujours le petit peuple.

Pendant ce temps, dans le secteur du monde du Café-Cacao, c’est encore l’esclavage organisé par les gros planteurs.
La grande bourgeoisie agraire de la Côte-d’Ivoire, premier producteur mondial du Cacao avec plus 600.000 plantations, ne veux pas céder à la modernisation. Le patronat de ce secteur productif, adulé par tous les gouvernements ivoiriens, ne délivre toujours pas de bulletins de salaires sérieux.

Parce qu’il refuse, de relever au SMIIG, le salaire de base des ouvriers agricoles, qui continuent d’être payés à 7.500CFA par mois (en raison de 250CFA, par jour de travail). Un ensemble de dossiers sensibles que le PDCI a crée dans la gestion de notre pays pendant 40 ans, et qui devaient être abordés par le pouvoir socialiste de Laurent Gbagbo, s’il n’avait pas été kidnappé dans la stratégie pour la conservation du pouvoir politique.

Excellence,

Le journaliste parisien que je suis, est très inquiet de constater aujourd’hui dans mon pays, la nostalgie du parti unique. Et ceci, malgré les batailles pour les libertés de la parole politique syndicale et de la presse indépendante du pouvoir, que nous avons menées sur le front extérieur et intérieur, depuis 1980. Chose impensable, en Mai 2011, il s’est trouvé en Côte-d’Ivoire, des voies de droite pour dénoncer le FPI comme un parti nazi et demander sa dissolution.
A ceux-là, je réponds clairement : Pour avoir lutté seul, depuis les années 80, contre le monopole du parti unique, le FPI de Laurent Gbagbo (que je connais bien) représente en Côte-d’Ivoire et en Afrique noire, une grande dimension dans le combat de la démocratie, pour l’émancipation des peuples ivoiriens.

C’est un parti de la gauche démocratique, qui a suscité l’espoir contre la dictature du parti unique, en écrivant en 1985 en France un livre programme intitulé : « 150 propositions pour gouverner la Côte-d’Ivoire », publié aux éditions l’Harmattan.

A l’orée de la gestion du pouvoir politique, la direction du FPI a été phagocytée et manipulée par des hommes et des femmes, venus, de l’extrême droite du PDCI ; ce sont des néo-démocrates auteurs de la philosophie de l’exclusion.
Ils ont empoisonnés la classe politique au lendemain de la chute du président Bédié, en créant le front patriotique avec des partis politiques.

Dès l’an 2000, ils sont entrés au palais présidentiel avec pour mission de faire échouer Laurent Gbagbo dans l’exercice du pouvoir vers l’instauration de la social-démocratie. C’étaient des politiciens en mission, qui ont pensé et convaincu la direction du parti et le président Gbagbo, à tort, que le seul discours qui pouvait rassembler le peuple ivoirien, au-delà de la frontière ethnique et idéologique, c’est celui de l’exclusion, donc du combat contre le « candidat étranger » qui deviendra le « candidat de l’étranger », pendant la campagne électorale de novembre 2010.

Monsieur, le Président,

J’ai été étonné de voir à Abidjan, la démolition collective de symboles fétichistes, qui auraient été érigés par le régime de Laurent Gbagbo, donc dénoncés dans le nettoyage post-crise, par des personnalités à travers les médias.
C’est le journal -Nord Sud (du 18 avril 2011), qui parle pour le roi des akouès : Nana Augustin Boigny Ndri III sur un « fétiche de Laurent Gbagbo ».

Ce fétiche découvert au palais présidentiel de Yamoussoukro, qui avait été enterré, pour pérenniser le pouvoir de l’ancien chef de l’Etat, aurait précipité la chute de Gbagbo, deux jours après sa découverte…

Le journal : l’Inter (du 21 avril 2011), évoque la « destruction des monuments, de la Sorbonne »(…)
Et écrit : « A en croire le capitaine Allah Kouakou Léon (le porte-parole du ministre de la défense), on aurait découvert sous les édifices: La cascade des carrefours Akwaba à Port-Bouët, la statut de la liberté à Yopougon siporex, la statut du rond-point d’Angré Djibi, des choses peu catholiques. »

Ma surprise est très grande, car depuis les années 60 aucune personnalité politique de notre pays, n’a jamais soulevé la question ésotérique des monuments, qui ornent la capitale économique et politique, et expliquer leurs fondements pour que les ivoiriens comprennent le sens mystique de la grande bataille du pouvoir, qui déchire les acteurs ivoiriens de l’après Houphouët.

En Côte-d’Ivoire sévit un groupe politico-ethnique: le Baoulé akoué, choisit depuis 1909 par les colons français pour diriger nôtre pays. En effet, dans son livre : « Les 60 langues parlées à la Côte-d’Ivoire », publié en 1905 à Paris, Maurice Délafosse (qui devient le conseiller politique de Félix Houphouët, en 1925, dès la mort de Kouassi N’go, roi des baoulé-akouès) écrit ceci :

« En Côte-d’Ivoire, il faut veiller à ce que le pouvoir politique ne soit jamais aux mains des bétés, des agnis et des dioulas, qui sont des peuplades incontrôlables. Il doit revenir aux baoulés, peuple jovial et parce que ethnie du centre, il concourt à la fédération des peuples ivoiriens ».

En 1932, le gouverneur Clozel soutien et reprend à son compte, les écrits de Maurice Délafosse dans ses rapports au ministère des colonies. Depuis, le baoulé- akoué est devenu un clan pouvoir.
En 1935, sur le conseil de Maurice Délafosse, Houphouët crée : « l’association des originaires de Côte-d’Ivoire » composée essentiellement de jeunes Akan.

Pour fortifier le pouvoir ethnique déjà, dès 1959, à été construit par la France, à la place du palais des gouverneurs à Abidjan, le palais présidentiel de Côte-d’Ivoire. L’architecture du palais est moulée dans le symbole du Sikadjué Koffi, c’est le siège royal, symbole du pouvoir des Ashanti.

A la place de la république, à Abidjan-plateau, se dresse encore aujourd’hui un monument construit à la mémoire de la reine Pokou. Ce monument entretient, au sous-sol, un grand fétiche-Ashanti qui garantit mystiquement le pouvoir de la Côte-d’Ivoire aux baoulé-akouè. Ainsi, sans référendum, sur le legs politique et culturel des peuples de Côte-d’Ivoire, la Reine Pokou a été érigée en « reine-mère », dans la République pluriethnique de notre pays, dès les indépendances.

En 1960, le baoulé-Akouè devient un groupe politico-mystique, qui forme une caste de conspiration pour la conservation du pouvoir politique ivoirien. Le pouvoir de la Côte-d’Ivoire est devenu pour eux le : Liké (qui signifie notre chose).

C’est logé dans cette démarche mystique qu’on voit à chaque bouleversement de l’espace politique, des délégués de ce clan qui se relaient pour faire échouer chaque locataire du palais présidentiel, considéré comme un patrimoine de la tribu. C’est ce clan et ses affidés (auteur du TSO– le tout sauf Ouattara– en 1991) qui ont écrit et promulgué en 1995, sans référendum, la loi sur l’ivoirité qui a endeuillé de 1995 à 2011 la Côte-d’Ivoire.

Ce clan et ses membres sont connus, ils doivent être jugés au nom de la démocratie, en dehors des accords politiciens. Parce que la démocratie, c’est la liberté de chaque citoyen à accéder et exercer le pouvoir politique de son pays, sans entraves et préjugés.

Mais avec le retour triomphant du tribalisme aux élections de 2010, signifiant ainsi l’échec dans notre pays de la démocratie (qui privilégie la compétence du citoyen), la Côte-d’Ivoire, pour éviter l’implosion, devrait tendre vers « La confédération », avec des présidents de régions autonomes, qui mettront en place un exécutif fédéral, tournant (tous les cinq ans), par un vote de grands électeurs.

BERNARD DOZA
Journaliste-politique, écrivain.
Auteur de liberté Confisquée II (Le temps de la Révolution Africaine).

Appel à candidature:Chefs religieux et intellectuels supplient Paul Biya

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Pour ces élites la représentation du chef de l’Etat sortant constitue un « virage historique » pour la paix et la stabilité du Cameroun.

Après la publication de quatre tomes des appels à candidatures adressés par des militants au président national du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) pour se présenter à l’élection présidentielle qui devrait se tenir en octobre prochain, une nouvelle étape vient d’être franchie dans la région du Littoral. C’est à l’esplanade du stade omnisport de Douala que le coordonnateur des activités du Rdpc dans le Wouri, Thomas Tobbo Eyoum et la maire de la commune urbaine d’arrondissement de Douala Ve, Françoise Foning, ont réuni quelques militants de ce parti mais surtout les représentants des chefferies traditionnelles, des prêtres, pasteurs et imams ainsi que des intellectuels pour appeler le président national du Rdpc et chef de l’Etat à se présenter à la candidature au poste de Président de la République à la prochaine élection présidentielle.

C’est dans cette optique que les co-directeurs de la prière oeucuménique  imposée à l’assistance de cette grande parade, qui s’est tenue le 18 juin dernier, ont tenu à demander «à Dieu d’égarer tous ceux qui sont contre la paix et la stabilité au Cameroun. Des acquis que le pays doit à la sagesse et l’intelligence du président Paul Biya et de tous ceux qui ont la responsabilité du projet de société initié par le chef de l’Etat qui bénéficie de l’amour de Dieu.» En outre, les célébrants de la prière oeucuménique, préalable au meeting organisé par le Rdpc à Douala, demandent à Dieu de bénir Paul Biya, «le seul candidat capable d’assurer l’unité nationale du Cameroun.»

Sans grande surprise, le maire de la commune urbaine d’arrondissement de Douala 1er, Jean-Jacques Lengue Malapa va prôner «la détermination du Rdpc à conserver le pouvoir.» Question selon l’édile de la commune hôte de l’évènement de plébisciter le candidat naturel du parti des flammes. «Les militants du Rdpc n’attendent que le signal de la course pour plébisciter leur champion. Le talentueux, prestigieux et omniprésent Président de la République , Paul Biya.» Une attitude partagée par «le chef supérieur de la communauté du Centre, du Sud et de l’Est.» Qui précise que la position a été définie lors de l’assemblée générale des adhérants de ce regroupement, lors de l’assemblée des élites tenue à Douala le 05 mars 2011. Une assemblée qui, précise le chef Belibi Ndzana, «n’avait plus besoin de rappeler son lien naturel avec le président Paul Biya, illustre fils de la communauté Centre, Sud et Est.»

«Evènement historique»

Les ressortissants de diverses région du pays ont tour à tour appelé leurs «frères» résidant dans la région du Littoral et le Wouri en particulier à tourner le dos aux autres propositions politiques tout en appelant le chef de l’Etat sortant à répondre favorablement à l’appel de Douala «pour la paix et la stabilité du Cameroun». La communauté de l’Ouest n’était pas en reste qui a tenu à marquer de sa présence à «cet évènement historique.»

Représentée par les chefs des différentes communautés résidant à Douala, la délégation de la communauté de l’Ouest tient à préciser que la représentation du chef de l’Etat sortant à la prochaine élection présidentielle «constitue le dernier virage de l’histoire de notre pays.» C’est à ce titre que les chefs de la région de l’Est à Douala revendiquent des élections anticipées et engagent les ressortissants des différentes communautés à plébisciter le chef de l’Etat sortant.

Le propos du représentant de la communauté haoussa a suscité quelques commentaires. Selon Amadou Tanko «Paul Biya n’est pas notre ami, c’est un camarade de parti.» question selon cette élite de réitérer les dispositions internes qui font du président national le candidat naturel à l’élection présidentielle? Face aux remous suscités lors de son allocution, le porte-parole de la communauté haoussa tranche en terme de conclusion, «vous avez compris ce que je veux dire même si vous le refusez.»

L’appel des chefs et représentants des communautés en vue de la présentation de la candidature de Paul Biya à la prochaine élection présidentielle a également connu une allocution du doyen de la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université de Douala. Le Professeur Modi Koko, au nom de la communauté Sawa et des élites diverses de cette communauté, a appelé le chef de l’Etat sortant à répondre favorablement à l’appel de Douala. Un appel officiellement prononcé par le président de la section Rdpc du Wouri 3, le maire Manga Zang.

Joseph OLINGA

Eligibilité de Paul Biya: Foning confirme au nom de Sarkozy

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Le propos n’est pas formellement mentionné dans l’allocution de la maire de la Commune urbaine d’arrondissement de Douala Ve. Mais face au débat en cours sur l’éligibilité et la rééligibilité du chef de l’Etat sortant à la magistrature suprême, «la doyenne Honorable Françoise Foning» a tenu à faire quelques précisions à l’endroit des «artisans de la déstabilisation du Cameroun.» Des précisions que lui inspire sa proximité avec les chefs d’Etat du Cameroun et de France.

«Je connais bien le président Sarkozy. Que les gens arrêtent de dire des choses qu’ils ne connaissent pas.» La maire laisse entendre que ses entrées dans les milieux politiques français lui permettent d’affirmer que le chef de l’Etat français file du bon coton avec son homologue camerounais. La maire de Douala V précise par ailleurs que «les deux hommes sont entrain de discuter, attendons de voir la suite.»

Au sujet du débat autour de l’éligibilité du candidat naturel du Rdpc à la magistrature suprême, Françoise Foning croit savoir que le débat est clos. D’autant que «la révision constitutionnelle de 2008 permet au chef de l’Etat de se présenter à l’élection présidentielle.» L’occasion de préciser à l’endroit «des apprentis-sorciers et des gens qui veulent déstabiliser le Cameroun que le Rdpc va écraser tous ceux qui viendront à la prochaine élection présidentielle.»

Des assertions partagées par les  sections des femmes du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Ofrdpc) qui lors des différentes allocutions prononcées dans le cadre du «meeting de soutien et d’appel à candidature à Son Excellence Paul Biya ; président national du Rdpc, président de la République et chef de l’Etat à la présidentielle 2011.» ont crié leur volonté de voir «Pâ Biya» donner un avis favorable à cet autre «appel du peuple».

Présidentielle 2011: René Sadi évoque la mémoire d’Um Nyobe face à la menace étrangère

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En déplacement à Eséka pour le meeting d’appel à candidature à Paul Biya, le weekend dernier le secrétaire général du comité central du Rassemblement du peuple camerounais (Rdpc) a invité les Camerounais à s’approprier les valeurs nationalistes ancrées dans le Nyong et Kellé.

Il ne l’a pas cité nommément.  Mais, il est longuement revenu sur sa  mémoire et celle de ses camarades originaires du département du Nyong et Kellé pour inviter les populations d’Eséka et ses environs à s’inspirer de leur exemple de patriotisme et de nationalisme. Car, « c’est cette terre mythique que se sont forgées, sans doute ici mieux qu’ailleurs, l’essence et la conscience du nationalisme camerounais, à l’origine de la lutte pour l’indépendance de notre pays, une lutte menée héroïquement par des compatriotes de toutes les régions du Cameroun dont certains, parmi les plus engagés, les plus déterminés et les plus prestigieux, sont tous , des dignes fils du Nyong et Kellé ».

La foule de militants et de nombreux observateurs présents, Place de fêtes d’Eséka ce 18 juin 2011 ont justement deviné à l’évocation de ces faits historiques, que le secrétaire général du comité central du Rdpc fait allusion à Um Nyobé et ses camarades tombés au front en quête d’une indépendance totale et d’une réunification immédiate du Cameroun.  Mais certains d’entre ces observateurs ont regretté ce qui pourrait s’assimiler à de l’instrumentalisation au moment où le Rdpc invite « avec un brin de gravité » les populations d’Eséka et partant, celle du Cameroun à être « conscientes et vigilantes » à devenir « les gardiens, les protecteurs, les prometteurs de la paix et de la stabilité(…) [contre certains parmi les] concitoyens qui veulent porter atteinte à ces acquis du président Biya au nom de je ne sais quelle légitimité ». Selon lui, « le Nyong et Kellé,  dont l’identité prend racine dans la spécificité historique, où l’amour de la patrie n’était pas un slogan mais une réalité, doit au propre comme au figuré, barrer la route aux fauteurs de trouble et aux vendeurs d’illusions d’où qu’ils viennent ».

Face à ces appels au patriotisme, de nombreux journalistes commis à la couverture du meeting d’Eséka se sont souvenus de la nouvelle posture d’incitation au nationalisme et au patriotisme telle que déjà évoquée le 11 juin 2011 à Kribi. A cette occasion, René Sadi soulignait qu’aux problèmes camerounais, il faut apporter des réponses camerounaises. Il était conforté dans sa position par le secrétaire général des services du Premier ministre, Jules Doret Ndongo qui suggérait que les Camerounais ne se laissent pas dominer par le diktat de l’étranger.

En tout cas, René Sadi a presque remis ça. Il a invité à travers les originaires du Nyong et Kellé, tous les Camerounais à resserrer les rangs derrière Paul Biya pour garder intacte l’indépendance du Cameroun en hommage à Um Nyobe et ses camarades, sans citer ce dernier. Dans la même veine, le patron administratif du Rdpc a confié à la foule, qu’un hommage vibrant et solennel a été rendu à ces icônes du nationalisme et du patriotisme, lors de la célébration du cinquantenaire de l’Indépendance. Cette annonce a quelque peu irrité dans les encablures de la Place des fêtes d’Edéa, car de nombreuses personnes estiment que malheureusent, Um Nyobé et camarades ont été ignorés au cours du cinquantenaire.

Côte d’Ivoire, Lybie : Sarkozy et la déraison des bombardements

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Nous vivons un temps bizarre, un temps féroce, un temps en concubinage avec la cruauté la plus sauvage; un temps qui tue, qui assassine, qui massacre au nom de la raison démocratique, au nom de la raison humaniste. Raison démocratique ethnocentrée, égocentrique, auto-décrétée humaniste ; raison débordante de mépris, délirante d’arrogance, exaltée, érigée en absolu du vrai et du bien ; raison fanatique, fanatisée et donc fatalement meurtrière ; raison qui nomme sans ambages tout pouvoir en dehors de la domination de Paris, de Washington et de Bruxelles, pouvoir despotique, pouvoir dictatorial, cancer radical à extirper.

Et malheur au pouvoir ainsi désigné: l’odeur de la mort mise en scène, théâtralisée, organisée, n’est pas loin. Le rituel ? La désinformation d’abord : le dit pouvoir est satanisé, injurié, sali, abaissé, rabaissé, bestialisé, maudit, désigné comme la figure absolue du Mal, la figure menaçante, la figure de ce qui nous menace, la figure qui menace « nos valeurs ». Accusé ; il est accusé de tous les maux du monde ; il est criminalisé, criminalisé à partir des faits traficotés ou tout simplement inventés, fabriqués ; il est criminalisé et condamné sans pourvoi ni appel, condamné à coups de fatwa démocratiques diffusées sur tous les écrans du monde, condamné à la peine capitale, condamné aux flammes de l’enfer.

Ensuite le rite sanglant. Un pied déjà dans le crime, on forge, on manufacture, on construit de toutes pièces le prétexte ; le crime dans le ventre, on allègue, on divulgue, on annonce la plaisanterie désormais coutumière : « Il faut protéger les populations civiles.» L’énonciation officielle de ces mots annonce le moment de la mise à mort, symbolique ou physique: le nommé dictateur peut désormais être traqué, frappé, pilonné, pilé, écrasé, broyé par les bombes de l’apocalypse. Nettoyé. Nettoyés, lui et les siens ; nettoyés, lui et ses partisans ; détruits, détruits, lui et son pays. Et cela sans aucun égard au droit normal, au droit international, aux lois qui fondent l’ordre humain. Et il n’y aura pas crime : puisque la qualification de dictateur met de facto, sans aucun palabre possible, hors humanité ; puisque l’abattage d’une proie sauvage, l’écrasement du Mal ne relève pas du crime ; puisqu’il est autorisé d’être cruel par amour de la démocratie. Voilà la raison, la rationalité, la terrible rationalité triomphante validée chaque jour par la vulgate médiatique et le discours politique dominants.

Une rationalité froide, glacée, porteuse de toutes les liquidations possibles; une rationalité qui affirme que la sauvagerie n’existe pas dès lors qu’elle est articulée au désir de faire le Bien démocratique ; une rationalité qui, tout en proclamant qu’un homme est un homme et un mort, un mort, justifie paradoxalement, légitime d’avance le meurtre, la mise à mort de l’homme par l’homme ; une rationalité qui légalise, toute scrupule écartée, la pratique du sang versé, le crime. Et le crime a été commis en Côte d’Ivoire ; et le crime est en train d’être commis en Lybie ; et le crime sera commis demain ailleurs.

Le crime, c’est-à-dire, non pas cette épopée magnanime de preux chevaliers en mission de démocratie crayonnée chaque jour sur l’écran de nos téléviseurs et dans les colonnes de nos journaux; non pas ce rite démocratique annoncé dans notre cyberespace comme un jeu innocent, anodin, non sanglant ; mais le crime dans sa vraie réalité, la réalité du sang versé, la réalité de la chair humaine estropiée, mutilée ; la réalité des corps agressés, détruits ; la réalité de la guerre, de la guerre avec ses atrocités, de la guerre avec ses milliers de vies, de femmes, d’enfants, d’hommes, de vieillards suppliciés, martyrisés, effacés ; effacés de la surface de la terre. Le crime : Abidjan bombardée, Adjamé bombardé, Cocody bombardé, Le Plateau bombardé, Yopougon bombardé, Port-Bouët bombardé, Dabou bombardé, Attoban bombardée… Des centaines, des milliers d’Ivoiriens massacrés. Massacrés froidement. Bombardés. Bombardés comme ceux de Guernica. Bombardés à mort comme les 1684 morts de Guernica. Carbonisés. Combien de Guernica à Abidjan ? Combien ? Combien de morts dévorés par le feu de l’armée de France ? Combien de drames personnels derrière chaque mort ? Et les enfants devenus orphelins ? Et les femmes devenues veuves ?Et les parents qui ont perdu leurs fils ? Et la mère ? Et la sœur ? Et le frère ? 

Même barbarie en Libye. Tripoli, Brega, des civils libyens pulvérisés aussi. Monseigneur Giovanni Innocenzo Martinelli, vicaire apostolique de Tripoli : « Les bombes sont en train de devenir notre calvaire. Pour détruire Kadhafi, l’Otan tue des dizaines d’innocents… Je ne veux certes pas interférer avec l’action politique de quiconque mais il est de mon devoir d’affirmer que les bombardements sont immoraux.  Je voudrais souligner que bombarder ne constitue pas un acte dicté par la conscience civile et morale de l’Occident ou plus généralement de l’humanité. Bombarder constitue un acte immoral… S’il existe des violations des droits de l’homme quelque part, je ne peux pas utiliser la même méthode pour les faire cesser.»

Paradoxe, étrange paradoxe en effet : on se dit « protecteurs unifiés » et on se ligue, on se comporte en destructeurs associés, en destructeurs tous azimuts. On se dit champions de la protection des populations civiles et on bombarde, on écrase : on bombarde Abidjan, on bombarde Tripoli ; on bombarde comme Mussolini bombardant l’Ethiopie en l’an 35. Oui, bien avant Guernica, la Loi de la de la pureté du sang, la Loi de la purification du sang, le fascisme, bombarde l’Ethiopie. 350 tonnes de bombes chimiques balancées sur la terre d’Abyssinie. Dessié, quartier général du Négus Hailé Sélassié, est brulé. Maisons, foyers, familles carbonisés. Souffrances indescriptibles, peaux en lambeaux. Dans le sillage des bombes jetées sur l’Ethiopie, Mussolini, hurlant et gesticulant, peut du haut du balcon de Palazzio Venezzia, proclamer, devant la foule, la renaissance de l’empire romain : « L’Italie possède enfin son empire fasciste car il porte l’empreinte ineffaçable de la volonté et de la puissance du Littorio romain. »Et le général Nemours, délégué de Haïti à l’Assemblée de la Société des Nations, à Genève, d’avertir : « Il n’y a pas deux vérités, l’une pour l’Afrique, l’autre pour l’Europe… Si nous laissons se commettre l’injustice une nouvelle fois et étouffer la voix de la victime, craignons un jour d’être l’Ethiopie de quelqu’un. »

On se dit donc en mission humanitaire, en devoir démocratique et on bombarde sans état d’âme. L’enfer. Dans le ciel d’Abidjan, dans le ciel de Tripoli,  l’enfer. Vague après vague, des avions au hurlement annonçant l’enfer ; des avions, le sifflement, le bec, le vacarme admonestant l’enfer ; des avions, germination de cauchemars ; des avions, la gueule ouverte, monstres inspirant la frayeur. Et dans les avions des pilotes sans visages, des pilotes professionnels, des pilotes efficaces, des pilotes détachés, employés modèles en « opérations », en « missions spéciales », le regard rivé sur l’écran, rivé sur le viseur. Dans le ciel des bombes, une pluie de bombes. Ordre de Paris ; ordre de Washington ; ordre de Londres ; ordre de Rome. Le ciel rouge de flammes. On bombarde. « Bombardements stratégiques ». « Frappes ciblées ». Détonations, explosions, buchers et flammes ; le gouffre du ciel assenant l’enfer à la terre.

Et en bas ? Tout en bas les vies tombent. Et qui tombe en bas? Qui ? N’importe qui, civil ou militaire ; civils et militaires. En bas, des morts. Lambeaux de bras, lambeaux de viscères, bouts de jambes. Le sang éparpillé, le sang trainé par terre ; en bas, le sang à ramasser. En bas, la douleur des survivants ; la douleur des vies disloquées, éclopées de douleur; la douleur des vies qui ne seront plus comme avant ; des vies qui porteront à jamais dans le ventre, dans la tête, dans les poumons, dans la mémoire, les blessures sans remède de l’horreur vécue.

Car l’esprit qui a subi la violence du  bombardement, des bombardements, même épargné de blessures visibles, ne sera plus jamais le même ; le bombardement est une blessure inguérissable ; le bombardement est un acte irrévocablement gravé dans les têtes des survivants ; le bombardement est un acte qui se prolonge dans le temps ; le bombardé est un bombardé à vie. Avec ou sans cadavres, le bombardement est un meurtre.

Et en haut ? Oui, en haut, à l’Elysée, par exemple? On ne parle pas de la violence infligée ; on parle de succès, de missions réussies ! On roule les mécaniques. Sarkozy : « Nous sommes déterminés. » Et les morts? Les morts d’Abidjan ; les morts de Tripoli ? Sans noms et sans visages. Invisibles, inexistants. Aucune toile de Picasso pour immortaliser leur calvaire.  Mais les morts, quand même les morts; oui, les morts… Dégât collatéral. Dégradation banale. Et d’ailleurs, ces morts-là,  ne sont pas de notre monde. Ainsi-soit-il : il est des morts de première et de dernière catégorie. Il est des morts qu’on compte, un par un ; des morts pour lesquels on demande à juste titre justice ; des morts françaises, des morts européennes, des morts américaines ; et puis, il y a les autres : les morts qui ne comptent pas. Et puis voyons, le bombardement démocratique est une valeur d’émancipation, une valeur qui libère ; le sang démocratique est un sang bénéfique. Mais le climat de mort ? Oui, ce climat d’anéantissement ? Et les souffrances indicibles des victimes ? Fait insignifiant. Fait insignifiant du destin au regard de Paris, de Washington, de Bruxelles, de Rome, de Londres! Fait insignifiant, nécessité démocratique, exigence démocratique !  On compte un par un les éventuels morts français d’Abidjan ou de Benghazi. Mais les autres morts… Les Ivoiriens et les Libyens morts en pagaille?

La destructivité humaine avance donc tranquillement avec son cynisme terrifiant et sa rationalité toute autant effroyable; elle est là devant nous, dressée, en route, en marche, le sillon sanglant ;  persuadée qu’elle est principe et fin de l’histoire. Alors chaque matin qui passe, chaque soir qui tombe, le brasier fumant, elle s’élève en puissance, organisée en bandes, alignée en coalitions haletant de faire la guerre, vibrant à l’idée de tester leurs nouveaux joujoux meurtriers. Et voilà, les pays-dits-démocratiques transfigurés en pays-tueurs pratiquant la tuerie, pratiquant la destruction, pratiquant le bombardement, d’un pays à l’autre, comme un amusement technologique, comme une simple routine sérialisée, comme un boulot ordinaire, structuré, un boulot taylorisé. Inhumanité méthodique, organisée ; saignée froidement perpétrée.

Tapis de bombes d’abord : frappes froides, frappes stratégiques, frappes ciblées, assenées de haute altitude, avec distance et détachement. Frappes destinées à semer la terreur maximale, à répandre l’épouvante, à faire trembler ; coups administrés pour faire céder. On massacre. On massacre non pas, la machette à la main ; non pas, dans un corps-à-corps intime et sanglant comme les répugnants génocidaires rwandais ou les horribles coupeurs de bras libériens et sierra-léonais ; non : on massacre proprement, avec civilité, avec élévation, avec rafales et mirages ; on massacre loin de tout hurlement, loin du calvaire des peaux déchiquetées. Massacres à distance ; massacres propres de toute éclaboussure ; opérations chirurgicales ; rite de purification démocratique ; actes de bienveillance démocratique !

Ensuite ? Sortie des Tigres, Gazelles, Apaches  et autres hélicoptères lâchés et équipés des biens nommés missiles asphyxiants  Predator et Raper. Il faut étouffer, étrangler maintenant. Pilonnages.  Pilonnages millimétrés. Le temps de l’étranglement avant le passage à l’acte ultime : la pénétration au sol, l’occupation, le déploiement sur le champ de batailles des troupes d’élites accompagnées de hordes locales  baptisées forces républicaines ou forces révolutionnaires selon le cas ; forces de bas statut chargées d’achever la basse besogne et ayant toute latitude pour massacrer, piller, violer. Car il ne s’agit pas seulement de réduire, d’écraser, mais également de profaner jusqu’à l’intimité du pays sélectionné ; il s’agit d’humilier, d’inscrire, d’enraciner la peur, le tremblement, la domination dans la chair de la société agressée. Le message global est clair : tout pays sans défense dissuasive, est désormais disponibilité ; disponibilité destinée à l’usage des maîtres de ce monde ; disponibilité utilisable à volonté;  chose ajustable aux désirs des puissants du jour ; terre qu’on peut prendre de force, déshonorer, violer en toute impunité. Triomphe de la saloperie humaine.

Oui, c’est ainsi, hélas : le pire est encore, toujours possible ; et, une fois de plus, c’est au cœur du monde dit « avancé», du monde dit « civilisé », du monde dit « développé » qu’est en train d’émerger, de nouveau, encore une fois, la barbarie dans sa forme la plus brutale, la plus totale, la plus totalitaire, la plus déchainée : la barbarie impériale. Guerres de prédation! Guerres de possession ! Guerres de domination. De nouveau ; encore une fois !

Et nos conquérants, les crocs encore gorgés de sang, les mains tripotant déjà les sols et sous-sols conquis, le regard dressé vers les nouvelles terres à avaler, de protester à l’accusation de barbarie, de menées coloniales, et nos sacrificateurs en chef, de protester, la suffisance sadique et la pourriture du mensonge dans la bouche: « Guerres coloniales ? Mais voyons ! Que dites-vous ? Le cacao, le café, le coton, le pétrole de la Côte d’Ivoire ? Les réserves pétrolières de la Libye ? Les 60 milliards de barils de pétrole enfouis dans le sol libyen ? Les 150 milliards de dollars que comptent les fonds libyens ? Et quoi encore ? Mais vous rigolez ? Soyons sérieux ! Nous sommes des gens honnêtes, des idéalistes, en mission humanitaire, en mission démocratique ! Notre ressort est la démocratie ; rien que la démocratie. Franchement, à part des esprits guidés par la mauvaise foi, qui peut douter de notre généreux penchant humaniste ? Notre action est guidée par un seul et unique objectif : créer partout un homme nouveau, global, démocratisé. De gré ou de force. Les hommes sont là pour la démocratie ; et la démocratie, notre bonne démocratie, n’est pas un choix mais un ordre. Et tout réfractaire à cet ordre, tout déviant, tout apostat, sera éliminé, détruit, écrasé, gommé comme on efface une impureté.

Nous sommes la démocratie. Toute démocratie doit passer par notre tamis.  Que voulez-vous : il y a des peuples nés démocrates, détenteurs du monopole de la démocratie et puis d’autres destinés à être démocratisés. Démocratie d’abord ! Démocratie avant tout ! Nettoyage ! Purification ! Une seule démocratie ! Quoi ? Mais non ! Non et non : il ne s’agit pas de guerres coloniales mais de guerres justes ! De guerres justes menées dans la lumière de la démocratie, de la démocratie qui libère ! Voilà : il s’agit de débarrasser les peuples de leurs persécuteurs ! Et nous ne prendrons repos que lorsque la tâche sera définitivement accomplie avec les moyens de notre puissance ! La France a une obligation morale… Les Etats-Unis ont une obligation morale… L’Otan a une obligation morale… En avant pour l’odyssée démocratique!»

Obligation morale ? Balivernes. Insanités. Obligation morale : signe des temps ; même argument invoqué pour justifier les guerres coloniales du siècle XIX. C’est ainsi : aucune guerre de domination ne dit jamais son nom ; c’est ainsi : chaque guerre de domination se dit toujours guerre juste, guerre juste en riposte contre une barbarie supposée initiale ; c’est ainsi : toute guerre de domination est une guerre de mensonge. Mensonge, mensonges, mystifications destinés à déguiser, à maquiller la prédation boulimique, la prédation sans frontières, en démarche éthique de diffusion désintéressée du Bien, du Bien démocratique; mensonges colportés, relayés, inculqués aujourd’hui, imprimés à l’encre invisible dans la conscience collective  par les médias dominants.

Les médias dominants. Les fameux médias dominants. Selon une croyance répandue, ces mainstream médias ne seraient qu’un miroir réfléchissant objectivement l’état de notre monde, et œuvrant, non sans un certain courage, à lier et relier – avec honnêteté et professionnalisme – les habitants de notre planète. Naïveté analytique. Mystification. En réalité, tout écrit, toute parole, toute image, tout discours, tout silence médiatiques participe à une relation de pouvoir.  C’est ainsi les uns parlent, une minorité parle, les propriétaires des medias et leurs salariés parlent, et les autres écoutent ; le reste du monde doit écouter ; l’Afrique doit écouter. Parole unique, parole monocolore, parole et images unilatérales. Les Africains condamnés à être montrés au monde non pas à travers leur propre regard mais bien à travers les yeux des autres ; les yeux de ces médias-là, les médias dominants. Et on sait que dès qu’il s’agit de l’Afrique, il est, hélas, dans le reflexe de la plupart de ces médias, de propager, de reproduire des stéréotypes, des habitudes de pensée héritées de l’époque coloniale ; on sait qu’il est dans leur coutume d’accompagner, de conforter, de ratifier, de mettre en scène le discours dominant sur l’Afrique ; un discours présentant la domination de l’Afrique comme une  œuvre de bienfaisance, œuvre humanitaire ; un discours exhibant l’Afrique comme un continent heureux et joyeux quand il est commandé.

Alors, la barbarie humaine peut monter  chaque jour – à Abidjan, à Tripoli – d’un cran, d’un raid encore plus meurtrier que celui de la veille ; elle peut monter en rage, en folie furieuse ; ces médias dominants ne diront rien de cette révulsante cruauté. Aucun mot, aucune ligne de protestation. Mieux encore: c’est souvent, comme grisés par l’ivresse des bombardements que – le chant chauvin et glorieux, flûtes, tambours et cymbales exaltés- que certains médias commentent « ces feux de joie humanitaires destinées à hâter l’avènement partout sur la planète de la transcendance démocratique», « ces opérations d’extension du temps et des lieux démocratiques». Baves abondantes et jouissance devant Abidjan bombardée ; extase et allégresse devant Tripoli secouée par le plomb déversé. Jouissance comme si les massacrés d’Abidjan, comme si les suppliciés de Tripoli n’étaient pas nos frères en humanité mais des simples bestiaux écrasés. Jouissance devant ces nouvelles guerres d’expansion impériale ; guerres célébrées, présentées à longueur de colonnes et de papier couchés comme le juste jugement de la démocratie sur terre.

Et chaque jour, le même mensonge ; le même mensonge sans portes ni fenêtres, tambouriné, martelé; le même mensonge imposé en prime-time comme un logo publicitaire sonore; le même mensonge inculqué comme un postulat allant de soi ; le même ramassis de mensonges faussant sans aucune retenue, sans aucune limite, la réalité des choses: « Réjouissons-nous ! Ce n’est pas tous les jours qu’on voit des dictateurs débusqués, acculés, pourchassés et traités avec une férocité proportionnelle à leur barbarie. Réjouissons-nous : la démocratie – la vraie démocratie évidement, la démocratie civilisée, américaine, européenne- est tout ; elle doit donc être partout. Démocratie totale ! Réjouissons-nous : il est dans le devoir des puissances démocratiques de modifier l’ordre du monde dans un sens plus démocratique. Réjouissons-nous : renverser les dictateurs est un devoir humanitaire.»

Vociférations cyniques. Délire du sang. Propagande ultra-chauvine. Et le fracas des bombes ? Et la férocité des bombes ? Et les déflagrations, les champs de ruines ? Et l’épouvante ? Réponse convenue : « Ah ! Les bombardements ? N’exagérons rien ! Cette histoire de bombardements n’est pas si grave que cela. Il n’y a rien de grave. Et sachez-le, si vous ne le saviez pas : les bombes démocratiques ne tuent pas. Elles sont d’une grande intelligence et d’une innocence flagrante ; et lorsqu’elles  tombent, lorsqu’elles éclatent, elles éclatent comme une affection, comme une effusion d’affection, d’affection démocratique et humanitaire. Et puis, de toutes les façons, comme disait l’autre,  « Quand nous aurons gagné qui nous demandera des comptes sur nos méthodes ? ». Mais en attendant, n’exagérons rien ; et, surtout, ne perdons pas de vue l’essentiel : la démocratisation du monde. La cause est juste et le crime au service de la démocratie, ne saurait constituer en aucune façon, un crime. Et Juppé, l’a d’ailleurs si bien  fait remarquer: neutraliser, physiquement ou symboliquement, un dictateur c’est en terroriser dix autres. Alors ? Serrer un dictateur, faire trembler les dictateurs ? Une question de prestige national. Alors ? Tout est parfait. »

Voilà : on bombarde et on se vante d’avoir bombardé ! On va jusqu’à vanter la brutalité et la hargne des bombardements ! Le général Bouchard, commandant des opérations de l’OTAN en Libye, dans Le Figaro, daté du 17 juin : « Les hélicoptères britanniques et surtout français font un travail superbe. Non seulement à l’attaque mais aussi dans les têtes. Les hélicoptères opèrent la nuit, subrepticement, et la seule chose que voit l’adversaire, c’est le missile qui lui tombe dessus sans prévenir. L’effet est unique, la peur casse ce qui reste de la volonté de combattre chez les partisans de Kadhafi. C’est tellement efficace qu’on utilise aujourd’hui l’image des hélicoptères dans les tracts de propagande largués au-dessus de la Libye. Regardez ce qui vous pend au nez…  »

Sadisme, lâcheté morale et mobilisation de tous les arguments possibles et imaginables pour justifier l’injustifiable, pour justifier la destruction d’autres hommes, d’autres pays. Tout ! Tout justifié ! Il s’agirait de combattre là-bas (comme autrefois en Algérie et au Vietnam, notamment) la barbarie. Et le recours systématique aux bombardements ? Un acte de virilité démocratique; un acte d’une redoutable efficacité. Voyez la Côte d’Ivoire ! Ouattara est au pouvoir, n’est-ce pas ? Grâce à quoi ? Grâce à nos bombes, grâce à nos bombardements. Sortez les bombes et vous êtes tout-puissants ! Les bombardements, c’est la toute-puissance de la bienveillance démocratique !  Et la brutalisation, et la mutilation des corps ? Un simple jeu virtuel ; les bombardiers, des simples avions furtifs, des bijoux technologiques ; les bombes, des engins flamboyants, spectaculaires, lumineux ! Admirez ! Admirez, Messieurs et dames,  la prouesse technologique ! Et puis, vous savez, il y a des gens qui ne comprennent pas, qui ne comprennent que cela. Il y a des Présidents qui ne veulent pas partir quand on leur demande de quitter le pouvoir gentiment ; des Présidents irrespectueux. Osez remettre en cause notre autorité et vous serez bombarder. Notre Loi doit être respectée ! Nous sommes dans notre droit. Et puis c’est ainsi, quand la guerre est commencée, il faut bien la mener, à tout prix, à terme, à bonne fin. « Il faut finir le job », dit Sarkozy à Deauville.

Discours sourd à toute humanité ; discours mutilé d’humanité ; discours accoucheur de tous les cauchemars tordus ; discours de la domination enfoui, hier, sous le vocable de mission civilisatrice et, aujourd’hui, dissimulé sous celui du messianisme démocratique. Hypocrisie civilisatrice, hypocrisie démocratique ; fourberie toute aussi fascisante ; fourberie plus terrifiante car disposant de moyens de contrôle, de manipulation, de propagande plus subtils, plus efficaces. Permis de bombarder donc, permis de tuer, permis de nouveau de soumettre, d’asservir, à feu et à sang. Répétition de l’histoire ; bégaiement de l’histoire. Voilà où nous en sommes en cette onzième année du siècle XXI!

Un jour viendra sans doute, et on réalisera la sauvagerie de ce temps, ce temps glorifiant l’abjection humaine comme une entreprise humanitaire; on se rendra compte de l’ampleur des crimes commis au nom de la démocratie, crimes commis en Côte d’Ivoire, crimes commis en Lybie, crimes commis demain ailleurs. On réalisera l’effroyable horreur de cette nouvelle barbarie et l’envergure du mensonge ; on réalisera qu’on nous a bernés, mystifiés et que tout compte fait le mystère n’était pas si insondable que ça, qu’il ne s’agissait ni en Côte d’Ivoire ni en Lybie, ni demain ailleurs de restauration d’une quelconque démocratie mais de guerre de bourse et de cabinet, de guerre économique, de cannibalisme économique, de concessions pétrolières et minières, de plantations de cacao et de café, de spéculations marchandes, de banques, de zones et de fonds monétaires… L’argent. Voilà le fond de l’affaire. La loi de la reproduction de l’argent.

Et cette loi-là, tel un monstre à la gueule insatiable, est d’une férocité, d’une voracité enragée, déshumanisée, deshumanisante ; elle est d’une gloutonnerie frénétique, jamais rassasiée, toujours requérante, toujours exigeant, avec becs et bombes s’il le faut, de nouvelles têtes, de nouvelles mains, de nouveaux sacrifices humains, de nouveaux pays à déchiqueter, à dévorer: encore du pétrole, encore des galeries d’or, encore des mines de diamants, encore du cuivre, de l’uranium, encore et encore du cacao, des terres, des forets…

Le smoking démocratique impeccable, les élégances magnanimes, habillée du visage de la liberté qu’elle emprisonne ; cette loi-là lie ensemble la rapacité sans scrupules, la négation de la pluralité de la planète et la force libérée de toute légalité, dans un sinistre mensonge nommé selon les temps, mission civilisatrice ou odyssée démocratique. Odyssée démocratique, cette nouvelle illusion totalitaire, cette chimère fanatique, qui salue, d’une main, les hommes, tous les hommes comme des frères et qui tue, avec l’autre main, dans un même élan universalisant, qui tue de mille façons, qui massacre de mille bombardements les Ivoiriens, les Libyens et demain d’autres hommes ailleurs. Sans aucun état d’âme.

C’est ainsi chaque temps génère son fascisme. Et l’odyssée démocratique a tout d’un fascisme, du fascisme: c’est-à-dire cette culture de la destruction, cette volonté de fonder le monde sur le socle d’une idée absolutisée qui se veut histoire finie, histoire terminée ; c’est-à-dire ce culte du mensonge, du mensonge institutionnalisé consacrant la corruption des mots, consacrant la perversion du sens des mots ; c’est-à-dire cette vision du monde hiérarchisant les hommes, divisant les hommes en deux catégories : les élus, les éclairés, les détenteurs exclusifs de l’être homme et les autres ; les autres, ce troupeau des autres ; ces autres condamnés au servage, désignés pour l’esclavage.

L’odyssée démocratique actuelle est un nouveau fascisme ; un nouveau fascisme qui affirme sans ambages, qu’il y aurait des démocraties pures, intrinsèquement supérieures et ayant une vocation naturelle, presque biologique, à diriger le monde, à généraliser partout la démocratie du semblable; elle est ce fascisme qui manipule et reconstruit la figure du dictateur au gré de ses intérêts, selon un discours à géométrie variable. Et voilà un jour Kadhafi accueilli – le tapis rouge déroulé – comme un respectable chef d’Etat à Paris et, voilà le même Kadhafi, quelques mois plus tard, accusé de tous les maux du monde. Accusé de bombardement de son propre peuple. Fait jamais prouvé, fait démenti par de nombreux témoins, dont Yves Bonnet, ancien directeur de la DST, le contre-espionnage français et actuel Président du CIRET, Centre international de recherches et d’études sur le terrorisme : « Nous avons un certain nombre d’éléments précis, donc de contre-vérités, pour ne pas dire des mensonges, qui ont été énoncées en particulier par Al-Jazzera. Par exemple l’assertion selon laquelle Kadhafi bombardait sa propre population. Nous avons constaté nous-mêmes à Tripoli que c’était totalement faux. Alors, accuser un dirigeant politique de bombarder sa propre population c’est une accusation extrêmement grave, surtout quand la justification de l’intervention internationale c’est la protection des populations civiles. »

L’odyssée démocratique actuelle est fascisme parce qu’elle accuse pour légitimer l’agression. Elle fait  commerce, elle fait négoce de pétrole, de cacao, d’avions de combat avec tel ou tel pouvoir ; puis un matin, elle se réveille, le lâche sec et dit, solennellement, toute honte bue : « Je te déclare, je te condamne, sans pourvoi ni recours, dictature et objet de haine ; et puisqu’il en est ainsi je te bombarde quand je veux. Pour le bien de ton peuple et pour le bien de l’humanité évidement. » 

L’odyssée démocratique, cette geste politique qui glorifie l’anéantissement, la destruction, la culture de la destruction, la culture des bombardements comme lieu commun devant régir les relations internationales, est un fascisme qui porte dans ses entrailles la nostalgie des fureurs anciennes, le cauchemar et le chemin des fureurs d’hier. Les chemins notamment d’un Mussolini sur les routes d’Ethiopie. Qu’on se souvienne : en l’an 1936, le Duce Mussolini bombarde, bombarde, bombarde l’Ethiopie. Et le 5 mai, le visage enivré par la victoire, Mussolini célèbre la renaissance de l’Empire romain, persuadé que l’occupation de l’Ethiopie est fin ultime de l’histoire. Mais voilà : l’Ethiopie mise à genoux par les bombes italiennes, ne cède pas. On ne cède pas devant l’oppression ; on ne plie pas devant l’occupation. On résiste. L’Ethiopie refuse donc d’abdiquer.

Et le 30  juin 1936, le Négus, Hailé Sélassié, ayant échappé aux bombardements de Mussolini, fait le voyage de Genève pour plaider la cause de son peuple. « J’ai décidé, dit-il, de venir en personne, témoin du crime commis à l’encontre de mon peuple, afin de donner à l’Europe un avertissement face au destin qui l’attend, si elle s’incline aujourd’hui devant les actes accomplis. C’est la sécurité collective ; c’est l’existence même de la Société des Nations ; c’est la confiance que chaque Etat place dans les traités internationaux ; c’est la valeur des promesses faires aux petits Etats que leur intégrité et leur indépendance seront préservées ; c’est le choix entre d’un côté le principe de l’égalité entre nations, et de l’autre celui de l’acceptation de leur vassalité ; en un mot c’est la moralité internationale qui est en jeu. Je déclare à la face du monde entier que l’Empereur, le gouvernement, et le peuple d’Ethiopie ne s’inclineront pas devant la force ; qu’ils maintiennent leur revendication d’utiliser tous les moyens en leur pouvoir afin d’assurer le triomphe de leurs droits. »   

Cinq ans plus tard ; cinq ans, jour après jour, après les bombardements mussoliniens, Hailé Sélassié retrouve sa terre, de nouveau libre. Sur le balcon du Palazzo Venezzia, Mussolini, le regard toujours tourné vers l’Ethiopie, est inconsolable ; il gesticule, éructe, parle encore avec ses muscles: « Je sais que des millions et des millions d’Italiens souffrent d’un mal indéfinissable et qui s’appelle le mal de l’Afrique. Pour le guérir, il n’y a qu’un moyen, retourner là-bas. Et nous y retournerons ». On connait la suite. Mussolini a commencé sa carrière de tyran en bombardant l’Ethiopie, avant de poursuivre son parcours de massacreur en tyrannisant et en broyant ses compatriotes. Car il en est ainsi de cette outrecuidante conviction de la supériorité d’un pouvoir sur un autre, d’une nation sur une autre : elle est toujours porteuse en soi des germes de la barbarie totale. Tout pouvoir qui s’amuse à détruire d’autres pouvoirs, au gré de ses intérêts, s’ensauvage fatalement ;  toute société humaine qui brutalise, qui s’emploie à déshumaniser d’autres sociétés, se déshumanise, se bestialise inévitablement, indubitablement.

Légitimer donc l’agression commise contre la Côte d’Ivoire, excuser les bombardements de Tripoli, c’est tout simplement légitimer les crimes à la chaîne ; c’est admettre l’enfer, non seulement là-bas mais aussi ici et ailleurs, demain. C’est absoudre, accepter la réduction de certains pays au statut de chose, de viande, de chair à abattre, à dépecer, à dépiauter, à sectionner, à déchiqueter, à maltraiter, à dévorer, à partager entre puissances du jour. C’est revenir à la loi de la jungle qui ne reconnait que le droit du plus fort, qui ne sanctifie que la férocité; c’est cautionner, acquitter la restauration coloniale, la récidive coloniale; c’est consacrer le retour aux mauvais penchants, aux passions meurtrières des anciennes puissances coloniales ; c’est admettre la violence impériale comme une pratique somme toute banale, ordinaire; c’est renoncer à notre propre humanité à tous. Car le fascisme, tout fascisme, même quand il s’autoproclame odyssée démocratique, constitue un attentat contre l’humanité de tous les hommes. Un attentat qui doit être combattu, que chacun est tenu, devant sa propre conscience d’homme, de combattre.

L’attentisme, l’indifférence muette ne saurait plus être de mise : devoir d’engagement humain. Il s’agit au nom du respect de l’égale dignité de tous les hommes de desserrer le carcan de ce nouveau fascisme, le carcan de cette ombre menaçante, cette ombre de fureurs et de crimes ; cette ombre de prédation sans frontières. Qu’il ne soit plus permis à ces anciens-nouveaux prédateurs de se retrouver seuls à seul, dans un huis-clos mortel, avec leur proie à déchiqueter ; que la solitude ne soit plus le destin des pays sélectionnés, ajustés pour subir le fer, le feu et le tonnerre ; et que l’essentiel soit rappelé de nouveau: la sauvagerie des bombes ne saurait fonder une quelconque démocratie ;  que l’essentiel soit de nouveau proclamé, affirmé : la démocratie n’est ni cette célébration, cette glorification imbibée de mémoire coloniale de la violence sadique des plus forts sur les plus faibles, ni cette license de domination des pays puissants sur les plus faibles ni cet écrasement du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes à coups de bombes; la démocratie est droit à la parole pour tous, droit à l’invention de soi pour tous, droit à être soi pour tous, droit à décider pour soi pour tous. En toutes libertés.

 

David Gakunzi

 

 

 

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